Voilà trois jours que les gardiens ont oublié sa présence. Elle est depuis si longtemps dans cette cellule que c'est tout juste si elle ne fait pas partie du bâtiment.
Voilà trois jours qu'on la punit pour ne pas avoir empêché la mort de Petit Frère.
Voilà trois jours que lorsqu'ils se rappellent qu'une autre âme qu'eux respire entre ces murs, ils lui jettent une gourde d'eau à demi remplie.
Voilà trois jours, qu'Hildegarde n'a pour se nourrir que sa souffrance et sa colère.
La cellule est à peine plus éclairée qu'un tombeau. La jeune femme qui grave frénétiquement des mots sur une des trois parois qui l'encerclent, est pourtant parfaitement vivante.
Les pics de la fourchette dont elle se sert pour écrire sur le plâtre sont usés, blanchis par la poussière. Elle en a écrit des choses sur les murs de son mouroir.
Les lettres sont malhabiles, écrites avec une calligraphie tremblante. Pourtant, Hildegarde s'est cramponnée au manche de sa fourchette grâce à ses dernières étincelles de vie. L'écriture, comme dernier rempart contre la folie.
Tourbillon.
Larmes.
Malheur.
Mort.
Sang.
Clocher.
Mort encore une fois, écrit en plus gros.
Souffrance.
Torture.
Et le nom petit frère répété des dizaines de fois. Un fantôme qui se cramponne à elle, qui l'entoure et l'enchaîne. Où qu'elle porte le regard, elle le voit. Ce serait difficile de dire si elle le regrette ou au contraire, si elle la fait exprès pour ne pas oublier. Ne pas oublier la culpabilité qui la ronge alors peu à peu comme la rouille dévore le métal. Son mal s'est ancré profondément en elle. Elle ne pourra s'en purger que par un autre mal encore plus grand.
Elle écrivait "Seule" lorsque la fourchette sous la pression que sa poigne exerçait contre le mur, se brise.
Un éclat l'atteint et déchire la chair de la paume de main. Hébétée, elle regarde le liquide écarlate sans le voir. Le sang glisse comme une rivière dans les plis de sa main et tombe en goutte à goutte sur le sol où il se mélange à la poussière.
Elle tressaute soudain. La vie reprend en elle et se trouve brusquement animée par un feu que rien ne pourra éteindre. Un foyer vient de s'allumer et de prendre corps en elle.
Dans ses orbites creusées, le brasier la dévore, consumant sa raison. Elle a basculé corps et âme de l'autre côté.
Elle applique sa paume ensanglantée sur le plâtre blanc et inscrit avec l'encre écarlate une seule et implacable certitude :
Vengeance.
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Le Foyer [En pause]
Mystery / ThrillerHildegarde a deux cauchemars. Son prénom pour commencer et son passé. Cependant, un prénom, cela se change alors que son passé, lui, est peuplé de démons qui ne peuvent être oubliés. Accepter l'offre d'emploi du Docteur Stanhope est la seule soluti...