Itami

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Après cette altercation, les gardes nous avaient jetés sans délicatesse dans une cellule provisoire et plutôt délabrée. Le sol en pierre, était parsemé de paille et de quelques morceaux de tissus. Notre seul semblant d'éclairage étaient les torches rouges, installées sur le mur face à notre cellule. À cette fine lumière, l'humidité qui noyait les murs ne faisait que ressortir un peu plus, tout comme l'odeur qui l'accompagnait. Nos poignets furent libérés de leurs menottes, après notre entrée. Néanmoins, je ressentais toujours comme un poids, et je devais bien avouer que me trouver dans ce genre d'endroit ne me mettait pas dans la plus grande des aises. Voire, pas du tout, en réalité. Suite à l'échange qui avait plutôt mal fini, entre le garde et Nikolaï, celui-ci avait fini par se réveiller, sans aucun problème apparent. Et il ne paraissait en aucun cas surpris. Il n'avait pas, non plus, pris la peine de s'expliquer, avant de se mettre à examiner les murs, y faisant longer ses mains. À lui, comme à tous, furent retirés nos gantelets ou simplement nos gants.
Assis sur un banc en bois précaire, je gardais mes mains l'une contre l'autre, silencieusement. De temps à autres, je les frottait afin de les réchauffer ou bien de m'assurer qu'elles ne disparaîtraient pas dans l'obscurité. L'air me paraissait lourd et je sentais presque une goutte de sueur rouler dans ma nuque. L'ambiance, elle, était pesante. Et je craignais que les palpitations de mon cœur résonnent dans ce silence malsain. Au fond, j'espérais plus que tout pouvoir sortir d'ici le plus rapidement possible.
De petits grattements attirèrent alors mon attention. Je décollai mon regard de mes mains et relevais la tête avant d'apercevoir, devant les barreaux de la cellule, onduler une forme indistincte. La pénombre et la saleté ne m'étant de la plus grande aide, je dû plisser les yeux dans l'espoir de reconnaître quelque chose. La forme s'avança un peu plus, et grâce à l'éclat vacillant des torches, je reconnut une souris. Je regardais son petit museau s'agiter contre le sol, ses minuscules griffes le griffant. Après quelques instants, elle s'assit devant les barreaux, examinant l'intérieur de la cellule. La saleté qui la couvrait la faisait ressembler à une petite boule de poussière, mais j'aurais presque pu parier qu'elle posait son fébrile regard sur moi. Elle paraissait plutôt fragile, et je réalisais qu'elle se traînait plutôt qu'elle ne courait avec vivacité. Elle se redressa sur ses pattes arrières, passant sa tête entre les barreaux. Un bruit de pas nous fit tout deux, détourner le regard vers le couloir. La souris couina en se reposant sur ses pattes et se tourna, prête à déguerpir. Mais la petite créature n'eût pas le temps de fuir, qu'un pied s'écrasait sur elle nonchalamment. Le craquement ignoble qui résonnait alors me fit frissoner. Le gardien tapa sur les barreaux afin d'attirer notre attention.
- Sortie du jour, les gueux, annonça t-il avant de nous agiter plusieurs paires de menottes devant les yeux. Tandis qu'il glissait dans la serrure l'une des nombreuses clés se trouvant sur son trousseau, je me levais en silence et m'approchais de la sortie, à même que les autres. Nous retrouvions bien vite le poids gelé des menottes sur nos poignets. Je me penchais vers Nikolaï afin d'obtenir quelques réponses.
- Il nous emmène où...?
- Dans la cour, pour vous faire travailler, répondit-il simplement.
- Et tu comptes l'appliquer avant ou après la pendaison ton super plan d'escapade ?
- Je sais ce que je fait, le poteau. Alors arrête un peu de chialer et laisse faire les grands.
Je me redressais en secouant la tête.
- Très bien... Mais en attendant, ce n'est pas moi qui ressemble à un enfant de douze ans.
Je reçus un coup dans les côtes qui me fit plus rire que de mal.
- Et arrête de rire pour un rien. Ici, ils croiront que tu t'es drogué.
- Oui, Capitaine.
- J'ai pas de fers sous la main, mais des menottes feront tout aussi mal, tu sais?
Je souriait encore un peu avant de reprendre mon sérieux. Le garde nous alignait en dehors de la cellule, avant de nous faire avancer dans les couloirs. Avant de partir, j'aperçus du coin de l'œil, Nikolaï observer ce qu'il restait de la petite souris. Il parut tendre sa main vers elle durant quelques instants, avant de se raviser et de reprendre son chemin.

Le garde nous amena dans une grande cour, où d'autres prisonniers furent rassemblés. Aussi loin que s'étendaient les murs de la prison, des véritables murailles de barbelés entouraient les bâtiments. L'ensemble donnait un triste tableau grisâtre, dont les seules touches de couleurs étaient les capes rouges des gardiens. En fermant les yeux et en se concentrant, il m'était aussi possible d'entendre le son de l'eau qui courait dans une rive. Nous dûmes garder nos menottes, alors même que nous étions forcés à rejoindre le groupe. Dociles, nous obéissions sans rechigner. Un petit temps passa, où les quelques prisonniers purent discuter entre eux. De mon côté, je me contentais d'observer le bâtiment et les rondes des gardes. À mes côtés, Nikolaï semblait plutôt observer les prisonniers.
- Et maintenant, quel est ton plan? On va juste être forcés à travailler en silence?
Il levait la main, comme pour me faire taire.
- Qu'est-ce que tu fais encore? Chuchotai-je.
- Je cherche notre porte de sortie.
- Notre porte de sortie? Et à quoi tu penses exactement ?
Il me pointait alors l'un des prisonniers discrètement.
- Lui.
Le prisonnier; un skaven à l'apparence misérable, était installé dans un coin, traînant ses griffes sur le sol.
- En quoi est-ce qu'il pourrait nous aider? Demandais-je.
- C'est à lui que je vais m'en prendre.
Je marquais un petit temps de pause.
- Tu vas quoi?
- Tu croyais quoi? C'est pas en faisant les yeux doux qu'on va sortir d'ici.
- Mais tu vas pas t'attaquer à un mec qui a rien demandé, et puis je suis même pas sûr que tu ferais le poids face à lui.
Il inspirait avant de se tourner vers moi.
- Écoute; il croisa les bras de manière solennelle; je compte pas rester ici plus longtemps que nécessaire, mais je me fous bien que tu sois de la partie ou non. Alors bon gré mal gré, je vais aller foutre mon poing dans sa gueule et je t'assure que l'on sera déjà sortis demain matin.
Je soupirais en me frottant l'arrière de la tête.
- Je peux pas te laisser faire ça ! Je vois même pas l'intérêt de frapper un pauvre mec.
- Ce "pauvre mec", comme tu dis a tué des gens, je te signale.
- Et qu'est-ce que tu en sais? Il a peut-être volé quelque chose ou autre.
- Son bras. C'est marqué sur son bras, bordel.
Je portais alors mon regard sur les bras du prisonnier afin de tenter d'apercevoir quelque chose; tout ce que je vis furent quelques symboles sur son avant-bras gauche.
Nikolaï reprit:
- "XCV", c'est le code qu'ils utilisent ici pour marquer les meurtriers.
- Et comment tu peux en être aussi sûr ?
- Dans les livres, tiens. Tu ne connais pas? Tu sais, ce sont des feuilles rassemblées les unes aux autres ave-
- Je sais ce qu'est un livre, merci, le coupais-je. Accordons que tu arrives à le frapper, qu'est-ce qu'il va se passer ensuite exactement ?
- Ça va attirer l'attention des gardes qui vont intervenir pour nous séparer, expliqua t-il avec lassitude.
Et après la punition, je reviendrai avec ce qu'il nous faut.
- Je peux pas te laisser faire ça.
- Je ne te demande pas ton avis, et de toutes façons, on a pas trop le choix.
- Il y a certainement d'autres moyens que de te faire "punir".
- Non, il n'y en as pas, alors arrête de te plaindre et reste là.
J'eut à peine le temps de rétorquer quelque chose, qu'il était déjà parti en direction du prisonnier. Je me mit à sa poursuite mais un attroupement de prisonniers me bloqua le passage. Je les bousculait sans vergogne afin de rattraper Nikolaï. Mais le mal était déjà fait et son poing venait tout juste de s'abattre sur la joue du skaven. Le geste ne parut pas si violent de là où je me trouvais, mais une dent s'échappa tout de même avant de retomber sur le sol, et vu son état, le coup n'avait fait que précipiter sa chute. Le skaven réagit au quart de tour et s'élança vers son agresseur, qui, à sa position, paraissait prêt à le recevoir. Quelques coups se perdirent mais les gardes furent très rapides à réagir et bientôt, les deux bagarreurs furent totalement maîtrisés, immobilisés et entraînés à l'intérieur des bâtiments. Je regardais la scène avec impuissance en rageant intérieurement. Mais à peine quelques minutes plus tards, nous étions forcés à se ranger et à travailler.

Le soir arriva, et nous devions retourner bien sagement dans nos cellules. Ce que nous fiment comme ordonné. Un semblant de repas nous fut donné et un peu d'eau.
Nikolaï ne fut de retour qu'en milieu de nuit, escorté par un gardien. À peine fut-il jetté à l'intérieur que je me postais près de lui.
- Qu'est-ce qu'ils ont fait? Tu es blessé ?
Il époussetait ses vêtements calmement, l'air de rien.
- Ça va, c'est rien, et en attendant, j'ai ce qu'il nous faut.
Je l'examinais du regard, cherchant une trace.
- Ils t'ont fait quoi?
Il ignora ma question et passa une main à l'intérieur de sa manche gauche et en fit ressortir un fil de cuir, auquel était attachée une clé en argent.
- On avait notre porte. Il nous fallait juste la clé.

Tᚺᛖ ᚺᛖᚨᚱᛏ ᚲᛖᛖᛈᛖᚱ The Heart KeeperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant