Chapitre 4: Pardon

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Après toutes les paroles honorables du prêtre, un enfant de choeur passe dans l'allée avec un petit panier en osier. Tous les fidèles y déposent une pièce ou un billet, et devinez quoi ? Ma famille donne les deux. Moi, je souris gentiment. C'est que ça paye d'être Dieu. On dit que tout bon travaille mérite salaire, voici que notre Seigneur bien-aimé se retrouve servi.

Tantine, en bout de rangée, échange quelques mots avec le prêtre, puis quitte l'église, son gilet noir toujours sur les épaules. Je me dégage à mon tour, suivie par ma soeur qui sèche ses larmes. Je pose une main sur son épaule, et la guide entre les bancs qui se vident. Avec un dernier coup d'oeil pour la femme en pleure du vitrail, nous quittons l'église.

Mais alors que nous passons la porte en bois, je heurte quelqu'un de plein fouet. Je me rattrape tant bien que mal à ma soeur, cependant, l'inconnu me remet droit sur mes jambes.

- Excusez-moi, m'empressai-je de dire.

- Je vous excuse, répondit une voix masculine qui m'est inconnue.

Je prends enfin le temps d'observer qui vient juste de me rentrer dedans, et ne peux m'empêcher de le dévisager. Qui l'eut cru qu'un type comme lui allait à l'église ? De plus, je peux vous assurer qu'il était déterminé, mon épaule s'en rappelle encore.

D'une main de porcelaine, il recoiffe ses mèches rousses qui sont tombées devant ses yeux bleus. Ses yeux... ils sont d'un bleu profond si hypnotique qu'on peut facilement s'y perdre.

Je finis par sortir de ma léthargie et me déporte sur le côté pour le laisser passer, retournant aux côtés de ma soeur qui ne peut cacher sa fascination pour ce type. Ce dernier s'en rend compte et sourit chaleureusement. A ce sourire éblouissant, une douce caresse entoure mon coeur et me réchauffe agréablement.

- Allez-y, vous aviez l'air pressé.

- Je suis arrivé, je ne le suis plus. Et puis ces portes sont ouvertes à toutes heures et à qui le souhaite, dit le mystérieux inconnu en souriant. Gabriel, par ailleurs, enchanté.

Il me tend sa main, tandis qu'une aura apaisante flotte tout autour de lui.

- Angèle, et voici ma jumelle, Victoire. Oui je sais, nous ne nous ressemblons pas tant que ça.

- En effet.

Je lui tends ma main en retour, et Gabriel vient délicatement la saisir pour y déposer un baiser au dos. A ce contact, tout mon être se ramollie, laissant flotter une sensation de bien-être. Puis il regarde ma soeur avec bienveillance, lui tendant la main à elle aussi. Un peu hésitante, Victoire lui tend la sienne. Lorsque ses lèvres se posent sur sa peau et que leurs regards se croisent, ma soeur vire au cramoisi.

- En tout cas, nos parents ont le goût de l'humour, dit Gabriel avec amusement.

- C'est rien de le dire.

A ce moment, les deux concernés sortent de l'église.

- Nous allons y aller.

Gabriel sourit de nouveau, à croire que c'est un de ses plus grands talents, cela dit ce n'est pas pour nous déranger.

- Ravi d'avoir fait votre connaissance, Angèle et Victoire. J'espère que nous nous reverrons.

- Peut-être à bientôt, Gabriel.

Je lui rends son sourire, et nous partons rejoindre notre famille. Nous avançons vers la voiture, mais Victoire, qui est restée silencieuse jusque-là, m'attrape par le coude pour m'éloigner un peu de nos parents et de Tantine. Un grand sourire étire ses lèvres, tandis que ses yeux bleus brillent d'une lueur emplie de vie. Puis elle délie enfin sa langue:

- Ce Gabriel était absolument adorable, tu ne trouves pas ?

- C'est vrai qu'il l'était, mais nous ne l'avons pas vu assez longtemps pour correctement le juger.

- Moi, je pense que ça a largement suffit. Ce mec était...

Le rouge lui monte aux joues, ce qui m'arrache un sourire en coin. Je donne un petit coup de coude dans les côtes de ma soeur.

- La prochaine fois qu'on le voit tu lui sautes dessus.

Sa couleur écarlate remonte jusqu'à ses oreilles, et je ne peux me retenir de pouffer. Ma soeur se couvre le visage, mais son sourire ne dépérit pas.

- Tu... Tu sais très bien que je ne ferais jamais un truc pareil !

- Je te taquines, sainte-nitouche.

- Victoire a raison, ce n'est pas ainsi qu'une femme doit se comporter, déclare une petite voix familière derrière nous.

- Tantine ?! m'exclamai-je sous la surprise.

Je me tourne brusquement vers Tantine qui marche calmement à nos côtés, un sourire amusée sur les lèvres.

- Vous parliez garçons, n'est-ce pas ?

- Plus maintenant, désolée, dis-je, renfrognée.

- Vous savez, moi aussi j'ai eu votre âge.

Pourquoi tout le monde doit sortir cette phrase ? Bien entendu qu'elle a eu notre âge si elle est arrivée jusque-là, mais chacun vit sa vie différemment.

- Je sais ce que c'est, continue-t-elle. Mais n'oubliez pas, il faut vous préserver pour votre mariage.

Ah oui, ça aussi c'est une petite lubie de ma famille. Car nous sommes tous des êtres purs et innocents, nous devons nous « préserver » pour la personne qui partagera notre vie, après un engagement officiel devant le Tout Puissant, bien évidemment.

- Bien sûr, Tantine, promit Victoire en souriant.

- Dieu vous surveille, ne l'oubliez pas.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant