L'embarquement se fait dans une cohue totale.
Il est à peine cinq heures du matin et tout le monde est en forme, sauf Emma. À vrai dire, elle a eu beaucoup de mal à dormir ces deux dernières nuits. Elle n'est pas prête à expérimenter la guerre. Elle ne voit que sa mort au bout de la mer. Pourtant, les autres soldats rient aux éclats. Ils ont l'habitude de la guerre, de plus, ils ne font que scander que cette mission sera la plus simple qu'ils auront à faire. D'après eux, à l'autre bout de la mer, il n'y a que des idiots qui font joujou avec des bouts de bois.
Elle ne voulait pas l'avouer, mais dans un sens, ça la rassure.
Un peu plus loin, Emma n'eut pas de mal à reconnaître ces soldats qui ont été arrachés à leur terre natale par son propre peuple et dont rejoindre l'armée fut leur seul moyen de survie. Ils sont payés, logés et nourris, une vie de luxe pour eux.
— Guerriers de la section médicale, rejoignez le bateau en déclinant votre identité, crie un homme à la voix portante.
Emma remet son lourd sac sur ses épaules et sort de sa poche ses papiers d'identités. Elle avait la même tenue sur les autres soldats, seul un brassard indique sa réelle venue au sein de cette guerre.
Elle s'arrête à quelques pas de la planche qui permet d'accéder au bateau et regarde derrière elle.
La séparation avec sa mère fut difficile, elle ne voulait plus la lâcher. Et la voir dans cette tenue l'a fait revenir sur terre. Sa fille est une guerrière maintenant, et devait accomplir son devoir en tant que membre du peuple Mahr.
Emma se fait bousculer par les deux médecins en chef. Évidemment, c'est à elle de présenter ses excuses puisqu'elle était sur leur passage et que ce sont ses supérieurs.
Elle n'est qu'une simple infirmière.
La rousse finit par monter dans le bateau à son tour, une autre infirmière l'attend pour lui montrer le dortoir réservé aux femmes. Elle la suit silencieusement, et elles arrivent dans un endroit à la fois sale et miteux. Ce n'est pas l'endroit rêvé pour dormir, mais ce n'est que pour une semaine, elle peut faire un effort.
— Désolée, on a essayé d'arranger l'endroit du mieux qu'on a pu, avoue l'autre femme qui paraît plus âgé qu'elle. Je m'appelle Anaïs Florentin, enchantée.
— Je suis Emma Herick, répond-t-elle d'une voix peu assurée.
— C'est la première fois, n'est-ce pas ?
— Oui...
Elle esquisse un sourire avant d'aider Emma a enlevé son sac et le pose sur le lit que leur supérieur lui a attribué en hauteur.
— Tu me fais penser à moi. J'étais comme toi il y a quelques années. Si tu veux, je te montrerais les petites astuces qui peuvent te sauver la vie.
— Merci c'est gentil, je suppose.
— Pas de soucis, c'est normal de s'entraider entres femmes, on est entourés de bourrins. Crois-moi, ce n'est pas facile du tout. Et s' ils t'embêtent, préviens moi, je vais les remettre à leurs places !
Emma se sent rassurée en sa présence, se savoir entourée lui redonne de l'énergie.
— Je n'hésiterais pas alors.
— Viens, je vais te faire le tour des endroits importants.
Elle lui montre alors les douches, réservées une heure le matin et une heure le soir pour les femmes, le reste du temps, il vaut mieux éviter cet endroit. Elle continue avec la cuisine, puis le réfectoire, trop petit pour accueillir tout le monde alors la plupart du temps, ils mangent tous sur le pont, et en dernier, les toilettes.
Une heure après, le bateau démarre enfin, tout comme la journée d' Emma. Leur premier travail en tant qu'infirmière est de vérifier tout le matériel. Ça va leur prendre tout le voyage vu le nombre de cartons qui ont été embarqués. La mission n'a pas de date exacte, elle peut durer trois semaines comme 1 an.
Elle rencontre ses nouvelles collègues, elles sont huit au total, 5 vétérans et trois nouvelles, dont Emma. Ça fait donc quatre infirmières pour chaque médecin.
Elle se demande si c'est réellement assez vu le nombre de soldats.
Les infirmières décident de dîner ensemble sur le pont, dans un endroit plus calme et éloigné des hommes. Emma n'y est pas remontée ce matin, ayant déjeuner au réfectoire, ça lui fait du bien de prendre l'air.
— Alors, qu'est-ce qui vous a poussé à devenir infirmière de guerre ? interroge Charlie, la plus âgée et la chef des infirmières.
Emma jette un coup d'œil aux nouvelles, Marie et Liahan, qui font de même avec elle.
— Ce n'était pas voulu, dit-elle finalement, en comprenant que leur réponse serait la même.
— Oh, vous êtes des sacrifiés ! s'exclame Anaïs, la moue triste.
— Des sacrifiés ? s'étonne Liahan.
— Oui, on appelle comme ça les infirmières ou les guerriers qui ne sont pas volontaires.
— La plupart du temps, ce sont les premiers à mourir, avoue Noëlle d'un ton grave avant qu'Anaïs lui donne un coup de coude.
Emma déglutit, elle n'était pas prête à mourir maintenant, elle voulait vivre encore tellement de choses, et surtout, revoir sa mère.
— Ne les effraie pas Noëlle ! gronde Charlie.
— Et puis, si vous restez près de nous, il ne vous arrivera rien, tente Fannie pour les rassurer.
— Dis Emma, tu me parais bien jeune comparée à Liahan et Marie..., remarque la cinquième et dernière vétérante, Marguerite.
— Ah, oui, j'ai commencé à travailler assez jeune, je suis majeur depuis quelques mois.
— Réellement ? Et tu es là, à faire la guerre ? Tsss ils n'ont pas honte !
— C'est réellement si jeune que ça ? demande-t-elle avant de regarder les nouvelles.
— J'ai 25 ans, et Liahan en a 26, l'informe Marie.
— Et nous, nous avons la trentaine, et Anaïs en à 28.
Emma est donc la cadette du groupe, elle espère que ça lui portera chance d'être la petite dernière.
Les infirmières décident d'aller se coucher après cette longue journée, mais Emma a une forte envie de se décrasser. Elle regarde l'heure sur l'horloge, parfait, elle a encore vingt minutes pour faire sa douche. Elle se dépêche de s'y rendre, cependant elle n'est pas seule. Elle est surprise d'y retrouver un homme à l'intérieur. Les portes de douches recouvrent qu'une partie du corps, niveau intimité, ce n'est pas le top. C'était un grand blond à la coupe au bol. Emma le reconnaît, elle l'a croisée au réfectoire, impossible de ne pas le remarquer au vu de sa taille.
— P-Pardon, s'exclame-t-elle en se retournant.
Pourtant, elle n'a encore aucune raison de s'excuser, c'est une heure réservée aux femmes.
L'homme sort de la cabine de douche de fortune, et passe devant elle. Emma, surprise, eut le rouge aux joues lorsque ses yeux se posèrent malencontreusement sur la poitrine développée de cet homme.
— Garde ça pour toi, lui dit-elle d'un ton qui se veut certainement menaçant.
— D'accord...
Emma préfère ne pas s'attirer ses foudres et se déshabille à une vitesse folle pour se précipiter dans une des douches, tentant de faire taire les rougeurs de son visage. Cette femme était en tout point impressionnante.
Pourquoi se fait-elle passer pour un homme ? Aucune idée, et elle ne veut pas savoir. Elle se convainc que c'est bien mieux de ne pas se poser trop de question ou d'être impliqué dans ses affaires.
Elle se dépêche de se doucher puis fonce se coucher dans son lit.
Et comme prédit, ce ne fut pas la meilleure nuit de sa vie.
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Du côté des démons | Jean Kirschtein
Fanfiction| Contient des spoilers sur la future saison 4 | Emma est devenue infirmière de guerre du jour au lendemain, et les haut gradés l'ont assigné pour une mission se déroulant sur l'île des démons, mais contre toute attente, ils étaient là pour les "acc...