Lorsque j'étais petit, j'allais chez ma grand-mère pour les vacances d'été. Elle habitait une vieille maison de pierres soutenue par des poutres, dans laquelle il faisait toujours bon vivre, été comme hiver. Sa maison était une vieille bâtisse, qui avait vécu de longs siècles. Les toits étaient bas, et les portes petites comme des trous de souris. Il y régnait une odeur de vieux livres, tantôt agréable, tantôt entêtante. Sa maison était située dans une clairière, au bord d'un petit ruisseau, d'où s'écoulait une eau claire et transparente comme du verre.
J'allais donc chez ma grand-mère tous les été. Je passais mes après-midi à patauger dans l'eau, et, à la tombée de la nuit, je montais dans ma petite cabane, construite par mon défunt grand-père dans un arbre, non loin de la maison. Cette cabane regorge de souvenirs d'enfance.
Tous les soirs, lorsque j'étais confortablement allongé dans mon lit, des petits bruits venant du grenier se faisaient entendre. Et je n'y prêtais pas vraiment attention.
Un soir, lorsque les lucioles dansaient, j'eus l'idée d'aller explorer le grenier, après avoir trouvé une petite trappe qui y menait directement. J'allais enfin découvrir ce qui se cachait au dessus de ma tête depuis tant d'années ! J'ai escaladé les chaises que j'avais empilé. dans une petite pièce aux poutres apparentes, dans laquelle il régnait une odeur de vieux meubles. Je vis une petite porte, dans laquelle je m'aventurai. Derrière cette porte, je découvris une grande salle, où régnait la même odeur que dans la première pièce . Il y avait des meubles, des miroirs, des babioles entreposées en un désordre organisé. Je vis un grand meuble, recouvert d'un drap qui autrefois devait être blanc. Il m'intriguait grandement, ainsi, je retirai le drap, et découvrit une armoire, dont le bois était ornée de gravures. Elle était d'un bois si sombre qu'on l'aurait cru noir. Prenant mon courage à deux mains, j'ouvris l'un des battants, et vis avec stupéfaction une petite bête, recluse dans un tas de vêtements. Comment la décrire ? Elle était vraiment très petite, toute poilue. Elle avait l'air apeurée par ma présence si bien que je n'ai pas osé m'approcher. Le lendemain, je décidai de retourner au grenier, pour voir si la petite bête était là. J'ai rouvert l'armoire et je la vis, toujours dans le coin de la penderie, parmi les vêtements probablement vieux comme la maison. Je me suis assis devant elle, et j'ai commencé à lui parler, pour savoir si elle était docile. Je parlais de la pluie et du beau temps, des choux de Bruxelles que grand-mère avait fait à midi, de mes après-midi que je passais à dessiner dans les champs. Les jours et semaines suivantes, j'allais la voir pour lui raconter mes journées. Elle s'est montrée de plus en plus docile, et m'a même laissé la caresser. J'ai créé un lien avec cette petite créature, elle était devenue ma meilleure amie. Les années suivantes, j'eus encore plus hâte d'être en vacances qu'avant. Il est vrai qu'à l'école, je n'avais pas beaucoup d'amis. Même très peu, j'étais un enfant très renfermé et solitaire. Je me suis fait une joie de me faire une amie, à qui je pouvais me confier, et qui ne me jugerais pas.
Mais un jour, je devais avoir treize ans, je dis à ma mère que je ne voulais plus aller chez ma grand-mère durant les étés. Je n'allais donc plus parler à mon amie. Et étrangement, cela ne m'a pas manqué, je n'y ai pas vraiment pensé lorsque j'ai pris cette décision. Je continuais de rendre visite à ma grand-mère de temps, mais je ne pensais pas à monter au grenier.
Plusieurs années plus tard, un triste jour, ma mère m'appela pour m'annoncer le décès de ma grand-mère. Par la même occasion, elle m'annonça qu'elle et ses frères, héritiers de la maison, avaient décidé de vendre cette dernière. Il fallait donc la vider de ses meubles, et c'est quelques jours plus tard que nous nous retrouvâmes. Ma mère me confia le grenier, et lorsque j'y suis monté, je sentis cette même odeur d'entant, et je vis la grande armoire qui autrefois attirait tant ma curiosité. Je me rappelai de mon amie cachée dans la penderie. Je me suis rappelé de tous ces moments passés à lui raconter l'année scolaire qui venait de se terminer, à lui expliquer comment j'avais fait voguer mes petits bateaux de papier sur le ruisseau. Durant toutes ces années je ne l'avais pas oubliée, mais seulement mon cœur pensait à elle.
Après un moment d'hésitation, je décidai d'ouvrir l'armoire. Et c'est avec déception que je découvris le tas de vêtements dépourvu de mon amie. C'est à ce moment là que je compris que ce petit être qui avait accompagné mes étés n'était que le fruit de mon imagination infantile. Et j'assure aujourd'hui, que parfois, un meilleur ami imaginaire vaut bien plus qu'un ami réel.
OdaLesky