Tout pour la musique (2)

➵ Chapitre 106 ~ Mike

Les derniers jours de juillet se déroulaient aussi vite qu'un ordinateur exécutait un programme (sans erreur, cela va sans dire). La journée était rythmée par l'apprentissage et la répétition de chansons pour les concerts, le travail sur leurs morceaux de leur future EP, si bien que Mike était exténué. Et c'était très bien.

De cette façon, le jeune homme n'avait pas le temps de penser. Son esprit était toujours préoccupé par cette collection de notes qu'il devait écrire sur une feuille pour ne pas l'oublier, cet air incessant qui l'empêchait de se concentrer sur sa basse, ces propositions d'amélioration de leurs morceaux qui couraient ses veines en plein sommeil.

Et la nuit était cadencée par l'écriture d'un morceau entrecoupée par des baisers échangés avec Thomas. « Celui-là, pensait Mike, je veux absolument le partager au monde. » Une ode à la brièveté des instants, au lâcher prise et au fait de se jeter à corps perdu dans une relation sans lendemain. Parce qu'au fond, il n'avait plus rien à perdre. « Celui-là, je ne veux pas qu'il prenne la poussière au fond d'un tiroir que je n'ouvrirai plus jamais. »

Il oubliait la fin de l'été qui soulignerait la fin de son éphémère relation avec Thomas, la fin de l'été qui marquerait le début d'autre chose, là-bas à San-Francisco, la fin de l'été qui le transpercerait d'une flèche de solitude après toutes ces semaines passées avec les personnes qui était pour lui ce qu'une couronne était à un souverain. Il se souviendrait de cet été comme le moment le plus heureux de sa vie. Ils avaient un été pour tout écrire. Pour lui, tout se jouait maintenant. Pour Thomas, tout se jouerait à l'automne.

Il s'entendait très bien avec sa famille. Ses parents savaient que quelque chose se passait. Mike avait pris son courage à deux mains et avait tout avoué à sa mère, un matin. Elle avait souri et lui avait confié qu'elle le savait depuis longtemps. Elle et son père se demandaient quand est-ce qu'il leur dirait. Son père s'arrangeait pour qu'aucun d'eux deux ne manque de rien : il leur amenait des verres d'eau et des biscuits qu'il déposait devant la porte de la chambre de Mike.

Le jeune homme soupçonnait ses parents d'être soulagés qu'il soit avec quelqu'un d'aussi génial que Thomas. Après la catastrophe qu'avait été sa relation avec Hailey (sa mère lui avait avoué plus tard ne jamais avoir « bien senti » la jeune fille et Mike en avait conclu que les parents étaient très doués pour ce genre de choses), ils avaient craint qu'il n'ait plus le courage de faire confiance à quelqu'un et de le laisser se rapprocher de lui. Bref, il pouvait très facilement penser que tout allait bien.

S'il restait concentré sur le moment présent, c'était plus que vrai. Luke allait beaucoup mieux, Caitlin avait enfin complètement tourné la page de sa relation avec Zoey, Emmy avait bien entamé le deuil de Solange, et Alice... Alice s'efforçait de se sortir Antoine de la tête en s'investissant à un degré élevé dans les répétitions et travaux de chansons. Elle avait des idées intéressantes et le rythme dans les veines. Aux yeux de Mike, elle était la meilleure batteuse qu'il n'avait jamais rencontrée. Caitlin était douée aussi, mais ses mains étaient définitivement faites pour se promener sur un clavier et le balader dans une pinède de piano.

Il lui semblait que chaque frappe d'Alice résonnait différemment, tantôt comme des pas lourds dans une forêt brumeuse semée d'embûches et de ravins, tantôt comme des pas légers sur le sable fin d'une plage. Les paysages, les couleurs, les odeurs qu'elle lui montrait éveillaient tous ses sens et le maintenaient inspiré. C'était comme un bol d'air frais au sommet d'une montagne. Comprendre, voir la musique d'Alice était merveilleux. Il se sentait honoré d'être le bassiste du groupe, car il devait constamment se caler sur elle, et il avait l'impression qu'un lien fort les unissait, comme un fil d'or attaché entre leurs deux index.

— Il est beau, ce morceau, commenta Emmy, juste après que Mike lui eut fait écouter la démo. Ta voix rauque renforce la fugacité des instants que tu décris.

Mike balbutia un faible merci. Il était très touché qu'on le complimente sur sa voix : il avait toujours été dans l'ombre de Luke et avait fini par trouver sa voix détestable à côté de celle de ce dernier, même si Luke l'avait toujours soutenu. Elle était imparfaite, il y avait des notes qu'il ne parvenait pas à atteindre, craquée par des années passées à la haïr alors qu'elle avait été son premier instrument.

C'était grâce au père de Caitlin que lui, Luke et elle avaient découvert la musique. Il leur avait ouvert grand les portes de cet univers sonore et émotif. Sans lui, Mike n'aurait jamais deviné que son corps entier vibrait pour la basse. Sans lui, il n'aurait jamais osé envoyer son dossier à Sainte-Cécile. C'était lui qui l'avait entraîné et convaincu de candidater, qui l'avait empêché d'abandonner quand il ne se croyait pas assez bon. Il lui devait beaucoup, se rendait-il compte. Il ne savait pas comment remercier cet homme musicien qui en plus de l'avoir initié, lui avait donné les clés pour s'épanouir alors qu'il ne lui devait rien.

— Tu devrais le faire écouter aux autres, reprit Emmy en repoussant une mèche bleue de son visage. Ils voudront l'ajouter à l'EP.

Mike remarqua les racines brunes de la jeune filles qui commençaient à sérieusement apparaître.

— Tu crois ? hésita le jeune homme.

Au fond, il était heureux que cette chanson lui plaise, et même s'il ne voulait pas la laisser au placard, il avait besoin de son approbation avant d'affirmer sa volonté de la mettre dans l'EP. Entendre Emmy formuler son vœu à haute voix lui réchauffait l'esprit.

— Mhm ! J'en suis persuadée. Tu peux te faire confiance, Mike, tu sais, ajouta-t-elle en l'observant avec compassion.

Loin était le temps où elle bafouillait et croyait en tout le monde sauf elle. Elle avait évolué, et lui... lui se disait parfois qu'il était comme un lego perdu sur le sol d'une chambre, un lego dont on se rappelle l'existence au moment où il s'enfonce dans votre pied. Tout ça pour dire qu'il avait l'impression d'avoir au moins un an d'évolution en retard sur ses amis.

— Je sais, mentit-il.

Elle ne le croyait pas, il le savait. Mais peut-être qu'il finirait par croire à ses propres mensonges et en faire une vérité.

🎶🎶🎶

Emmy eut raison : quand les autres membres du groupe entendirent la chanson, ils parlèrent de suite de l'ajouter à l'EP, ce qui voulait dire que pour le moment deux chansons étaient certaines d'être sur l'EP. Avec l'aide de Glenn et John, Mike travaillait au développement d'un site internet sur lequel on pourrait commander des CD de leur EP. C'était beaucoup de travail, et leurs journées de travail s'étiraient souvent jusqu'à deux ou trois heures du matin, mais ça valait le coup. Il faisait de toute façon trop chaud pour dormir.

Thomas dormait chez lui presque tous les jours. Ça ne le dérangeait pas, Mike voulait profiter un maximum de sa présence avant qu'il parte. Il répétait qu'il admirait l'abnégation de Mike tout en l'empêchant de se faire plus de mal que de bien et de se blesser mentalement en travaillant trop. Mike était soulagé que quelqu'un soit constamment avec lui pour l'empêcher de se tuer à la tâche.

Ce dont il se souviendrait, dans sa chambre à San Francisco, ce sera du parfum que les cheveux de Thomas laissaient sur l'oreiller, de son souffle dans sa nuque, de sa bouche contre son oreille ; du rire de ses amis, des œillades qu'il surprenait entre certains, des piliers qu'ils étaient tous les uns pour les autres. Au delà d'avoir fondé un groupe de musique avec ses amis, Mike avait trouvé une famille.

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Bonsoir ! Comment allez-vous ?

Merci d'avoir lu ce chapitre ! 🥺 Qu'en pensez-vous ? Conclut-il bien le personnage de Mike pour ce tome ?
Je suis assez émue parce que c'était l'avant-dernier chapitre ... mais trêve d'émotions et de bavardages, je garde ça pour après l'épilogue (oh là là 🤧) !

On se retrouve mercredi pour un dernier interlude et puis samedi prochain pour le dernier chapitre !

Prenez soin de vous ! ❤️