Après l'après

Prologue

Un frémissement à travers le brouillard.

 Il la ressent sans pouvoir vraiment la définir. Depuis combien de temps est il ici ? 1 jour ? 1 année? 1 siècle? Le temps autour de lui s'est figé. Il n'y a plus de haut, ni de bas, plus d'aujourd'hui, ni de demain. 

Seules ses pensées s'écoulent, telles les grains de sables d'un sablier. Il n'arrive pas à faire taire le désordre de cet esprit si vif, trop vif. 

Il flotte à l'infini dans ce brouillard si dense qu'il ne parvient pas à voir ses propres pieds. Possède t'il encore des membres fonctionnels d'ailleurs ?

Il ne se souvient plus. Il essaye, jour après jour, de passer en boucle ses souvenirs, de remuer ses longs doigts osseux, mais plus le temps passe, et plus les visages deviennent flous dans son esprit. A sa grande frustration, sa mémoire, qui fut sa plus grande arme dans son ancienne vie, lui fait désormais défaut. 

A vrai dire, il ne se souviens même plus pourquoi il est ici, en apesanteur dans cette cage dorée, qui s'étends à l'infini. 

Sa perception aussi lui semble étouffée par la purée de pois ambiante. 

Pourtant, il ne s'est pas trompé, il y a bien un frémissement ici bas. 

Comme si un passage s'ouvrait, comme si le brouillard était moins épais. Moins épais ?

Son œil, bleu et perçant s'ouvre pour la première fois depuis ce qui lui semble une éternité. Autour de lui, des morceaux de bâtisse flottent en apesanteur à ses côtés. Il reconnait les sculptures, les peintures, et les hautes arcades qui ornaient autrefois cette immense tour, dont le nom lui échappe. 

Son regard glisse vers le bas, comme aimanté par le sol en contrebas. 

Sauf qu'il n'y a pas de sol, et il n'y en a jamais eu dans cette immense cage.

Il n'y a que cet immense œil, froid, rouge, qui le fixe obstinément depuis qu'il a été entraîné dans cet abysse sans fond, tout au fond, au fond du fond de l'Envers. 

Le frémissement qu'il ressent a dissipé le brouillard alentour, qui s'est condensé autour de l'immense œil en contrebas. Il lui semble entendre une voix, un écho, qui lui parvient doucement, par vagues. 

Cette voix.. 

Il voudrait s'élancer vers elle, et s'y accrocher de toute ses forces. 

Seulement voilà, il est prisonnier de cet abysse perdu, au fond du fond de l'Envers. 

Le frémissement se tarit, comme si la haut, la voix s'était éloignée, la personne responsable s'éloignait, et refermait la porte derrière elle. Il sait qu'elle ne peut pas l'atteindre, ni le voir, mais dés qu'elle s'éloigne, son esprit se retire, et il redevient une épave dérivant à l'image des monuments qui l'entourent. 

"Ophélie". dans un dernier effort, il murmure son nom de ses lèvres glacées. 

Le brouillard a déjà étouffé ses mots. 

Alors qu'il ferme de nouveau ses yeux, résigné, il n'entend que claquement de sa montre, dont les aiguilles se sont arrêtées de tourner. 

TIC TAC TIC TAC 

Son esprit est déjà reparti à la dérive, il n'entend pas, non il n'écoute pas le bruit de sa montre qui démarre doucement, animée de sa propre volonté.

TIC TAC