Servante

Chapitre 14

Drake allait être exécuté, c'était l'annonce qui avait été faite le lendemain du procès. Mais l'exécution devait attendre puisque la Nation allait fêter son anniversaire et il ne fallait surtout pas salir la mémoire du Saint avec le sang de l'un de ses héritiers. Alors il resterait en prison jusqu'à ce que le gouverneur décide de son jour d'exécution.

Je me rappelle avoir longuement réfléchit lorsque Gianna me l'a annoncé. Je ne savais pas quoi en penser. Connor, lui, est resté enfermé dans son bureau toute la journée. Bon nombre de fois je me suis arrêtée devant sa porte, cherchant désespérément ce que je pourrais lui dire en entrant mais je n'ai jamais rien trouvé alors je ne suis pas entrée.

Puis c'est lorsque j'ai croisé Gianna dans le couloir, plateau en mains, que j'ai vu une ouverture. J'ai donc soulagé Gianna, qui est immédiatement retournée en cuisine, et me suis enfin décidée à toquer à la porte. J'ai dû tendre l'oreille pour l'entendre et je suis donc entrée.

La pièce était plongée dans le noir, il avait fermé les épais rideaux, seule la lampe posée sur le bureau éclairait l'endroit. Connor était assis à son bureau, penché sur des papiers. Il était décoiffé, cerné et débraillé. Tout était si désordonné que j'ai dû pousser quelques dossiers pour poser le plateau. Et même comme ça il ne leva pas la tête.

« Gianna, commença-t-il le nez dans ses papiers, est-ce que tu pourras t'excuser de ma part auprès de Lénore s'il te plait ? Je ne pourrais pas la voir ce soir j'ai beaucoup de travail.

–D'accord, je le lui dirais. »

Il posa enfin les yeux sur moi et parut confus l'espace d'un instant, avant de m'adresser un fin sourire.

« Excuse-moi, d'habitude c'est Gianna qui m'emmène mon repas, je ne savais pas que ce serait toi ce soir.

–C'est justement parce que tu as beaucoup de travail et que c'était la seule occasion pour moi de te voir que j'ai voulu te l'apporter.

–Tu as eu une très bonne idée, merci.

–Mais n'en fais pas trop une habitude, plaisantais-je, si Mère Georgia apprend que je fais le boulot de Gianna je suis bonne pour me faire engueuler.

–Ça ne changera pas de d'habitude. »

J'avais ris. Il n'avait pas tort sur ce coup-là. Mais mon sourire s'était rapidement effacé.

« Connor, avais-je commencé en m'asseyant, il faut que nous parlions.

–À propos ? Avait-il demandé en enfournant son repas.

–De ce que Drake a dit hier sur moi. »

Comprenant ce dont je voulais parler, Connor repoussa son plateau et soupira avant de plonger son regard dans le mien.

« Ce qu'il a dit n'a aucune importance.

–Mais ça reste la vérité. Je... je ne voulais pas devenir une Servante, du moins au début. Lorsque j'ai été appelée j'ai cru que ma vie était terminée et puis j'ai appris à te connaître et aujourd'hui je remercie chaque jour le Saint pour ce qu'Il m'a offert.

–Lénore, la fin de cette phrase sonne terriblement faux, et je sais qu'elle vient de Mère Georgia. Mais je me fiche complètement de ce que tu pouvais penser. Moi non plus je ne voulais pas faire tout ça, je ne voulais pas forcer une jeune femme à produire un héritier mais mon père l'exigeait. On a su à tes dix-huit ans que tu étais compatible avec moi, tu avais un code génétique parfait et nous nous complétions, génétiquement parlant. Pourquoi est-ce que tu crois que tu as appelé pile lors de ta première Sélection ? Mon père voulait un héritier au plus vite et puisque je suis le seul à pouvoir lui en donner un tous ses espoirs reposaient sur moi. Mais lorsque j'ai vu ta photo, je m'en suis terriblement voulu parce que je savais que j'allais t'arracher à ta vie. J'ai refusé de voir ton dossier pendant trois ans parce que je savais que je me sentirais encore plus mal si je voyais que tu t'épanouissais dans ce que tu faisais. Et je me sens toujours mal de t'imposer cette vie, et surtout une vie avec moi, l'aimant à problèmes.