Préface (avant qu'elle s'efface)

19 1 0
                                    

Je descend les escaliers doucement. J'essaie de ne pas faire craquer les vieilles marches en bois. Je lève les yeux et je le vois. Son regard, froid et dur sur moi, me rappelle les raisons de ma présence ici. Il porte un doigt à ses lèvres crispées pour que je ne dises rien. Je suis comme paralysée je ne peux plus bouger, même mes yeux restent fixé sur lui. L'angoisse que je ressens en sa présence est devenu une habitude. Je ne sais ce qu'il pourrait faire encore, je le crains. Son regard pèse sur moi.

Il avance sur le sol détruit par le temps. Il se rapproche de moi, et me tend sa main aux doigts ensanglantés. J'y pose la mienne, qu'il serre pour que je ne puisse m'en détacher. Je descend les quelques marches restantes, et me retrouve bien trop près de lui, à mon goût. Il me tire vers lui, et je réduis d'un pas l'espace qui nous séparait. Je sens son souffle qui fait bouger mes cheveux. Il me tiens un peu plus fort la main, puis se retourne et avance.

Plus nous nous enfonçons moins la lune nous éclaire. Des frissons remontent le long de ma colonne vertébrale, j'ai froid et peur. Les nuits d'octobre sont bien trop fraîches, ma veste fine ne me tiens pas assez chaud. Je marche dans ses grandes traces de pas. Je me mords les lèvres de stresse. Le goût de fer du sang envahit ma bouche, mais je continue.

Les ruines, que nous traversons, ne sont pas rassurantes. J'entends les bruits des bêtes qui bougent, à notre passage, sous le vieux parquet. Ce doit être des insectes et des rats. Les murs moisis laissent pendre le vieux papier peint aux motifs floraux tachés. Des bout de plafond effondrés gisent un peu partout. Une couche de poussière recouvre tout comme un voile gris et épais. Les quelques meubles restant sont abîmés, sales et cassés. On peut facilement imaginer un salon fastueux et luxueux, avec des canapés de velours, un foyer, des moulures et des cadres d'or. L'escalier en colimaçon, par lequel je suis descendu, craque au moindre poids sur ses vieilles marches. Certaines sont manquantes, creusés ou encore cassés laissant apparaître un trou noir. La lumière blanche est filtrée par les fenêtres crasseuses. De petits rayons de lune traversent les trous des vitres brisées, parsemant le sol de taches de clarté. La grande pièce est tout de même obscure ne laissant pas la possibilité de bien voir. L'atmosphère lourd et lugubre est presque palpable.

Nous nous dirigeons vers un trou dans le mur où aurait dû se trouver une porte. J'admire l'assurance avec laquelle il avance, pendant que je trébuche dans les décombres. Je m'accroche à sa main pour ne pas tomber. Mon pied heurte une brique et je me retrouve la tête dans son dos. Il s'arrête, tourne la tête, me regarde et repart de suite. Son regard m'a glacé. Mais je ne m'attarde pas et continue de le suivre. Je veux que cette excursion finisse au plus vite. Les lieux sont de plus en plus angoissant et laisse imaginer de sombres histoires. Je sens des frissons dans tout mon corps en y pensant. Rien n'est rassurant et la peur grandit en moi pendant que nous nous enfonçons dans l'obscurité.

Nous entrons dans ce qui ressemble à une cuisine, mais il fait vraiment trop sombre pour distinguer quoique ce soit. Un peu de lumière provient de la pièce où nous étions et d'une autre attenante à notre droite. Ce qui devait être un îlot centrale trône au milieu du grand espace. On peut apercevoir un gros tas de débris au fond de la pièce. Le carrelage d'antant,qui a perdu toute valeurs, est cassé, fissuré et sali.

J'avance peu sereine, dans le noir. Il accélère le pas et me tire un peu plus vers lui. Il connaît les lieux. Je glisse maladroitement sur une flaque dont je ne saurais dire l'origine. Il me retiens de sa forte poigne et soupir lassé de ma maladresse. Je m'accroche avec mon autre main à son bras. Il est mon seul repère, même si j'aurais préféré que ce ne soit pas lui. Il m'entraîne vers le fond. J'ai l'impression d'être un fardeau pour lui, s'il savait à quel point j'aimerais ne pas être ici. Il s'arrête brusquement, je lui rentre dedans. Il se retourne, toujours avec cette infinie douceur, et cherche du regard quelque chose. Je ne comprends pas. Alors que j'allais lui poser la question, il posa un de ces doigts sales sur ma bouche. Il fait presque noir, mais je vois son visage. Je suppose qu'il voit aussi le mien. Je n'arrive pas à voir nettement son expression, je me contente donc d'attendre que l'on reprenne notre marche.

Il lâche, soudainement, ma main, me bouscule et retourne sur nos pas. Il ramasse quelque chose qui brille, avec le peu de lumière je ne distingue pas ce que c'est. Il le met dans la poche arrière de son jean et revient vers moi. Il reprend ma main avec force. Puis il s'enfonce plus rapidement vers le fond de cette ancienne cuisine. Sa main est poisseuse avec le sang et la transpiration. J'ai du mal à le suivre. Je me tords la cheville sur un morceau de carrelage, elle craque. Ce n'était vraiment pas le moment. Je ne cris pas, je retiens mon souffle et comprime ma douleur. Je sens son regard lourd et sa main qui presse plus la mienne. Il m'attrape et me porte sur son dos. Il tient mes cuisses et accélère le pas. Mes bras sont autour de son cou et l'envie de l'étrangler me traverse, mais je me retiens.

J'en profite pour l'observer. Il a l'air sûr de lui, plus calme que moi. Ses cheveux bruns bouclent sur son crâne, ils sentent bons, le shampooing je suppose. Les muscles de son dos m'impressionnent. Mon poids n'a pas l'air de le déranger puisqu'il marche d'un bon pas. J'imagine alors sa forte musculature. Sa silhouette élancée ne montrait pas cela et je ne le pense pas adepte des salles de sports. Je ne distingue pas son visage, nous tournons le dos à la lumière. Mais je le connais déjà. Tout chez lui m'inspire la méfiance et l'arrogance. Mais il me surprend toujours. Il à l'air déterminé, il veux arriver le plus vite possible. Je ne penses pas que cet endroit l'angoisse, il le connaît. Même s'il m'affirme le contraire, je ne le crois pas. Il sait où il va. Mais il ne me dira pas comment il connait les lieux.

Nous sommes au fond de la cuisine. Je peine à distinguer la porte qui nous fait face. Elle a une vitre toute crasseuse, et plein de trous en bas. Je ne sais pas où elle mène, elle n'a pas l'air ouverte. Une odeur de moisissure me prend les narines, bien plus forte que dans les autres pièces. Il me dépose brusquement par terre, j'adore toute la douceur dont il fait preuve... J'ai vraiment mal à ma cheville faudra que je regarde ce qu'elle a. Il sort de sa poche l'objet qu'il a ramassé. Je crois que c'est une clé, enfin j'en suis sûre puisqu'il ouvre la porte avec. Elle se débloque mais ne s'ouvre pas. Ça ne m'étonne pas, elle doit être toute rouillée. Il donne un coup avec son épaule, et un autre. Je crois que quelque chose bloque. Il prend plus d'élan, enfonce la porte et écrase ce qu'il y avait derrière au passage. L'odeur de pourriture m'empêche presque de respirer. Il doit y avoir une tonne de maladies là dedans. Il sort une petite lampe torche de sa poche. Ça va, c'est pas trop tôt, c'est pas comme si on voyait parfaitement depuis le début... Qu'est-ce qu'il m'énerve le bougre. Il pointe le petit faisceau lumineux vers ce qui ressemble à un garde-manger.

Soudain, j'entends du bruit, on dirait des pas. Je suppose que je ne suis pas folle puisque nous nous retournons en même temps vers les bruits. Ils ont cessé. Il entre rapidement dans l'endroit exigu en me tirant derrière lui. Dans la précipitation, je manque de m'étaler sur le sol et je m'accroche à lui. Il referme la porte qui grince. Il remet derrière de lourds cageots de nourriture moisie, pendant que je l'éclaire avec la petite lampe torche. Je n'entends plus les pas. Mais il reste aux aguets, je le sens près de moi. Il est tendu.

Avec la lumière, j'éclaire les lieux. La pièce est plus longue que large. Les étagères grandes et profondes laissent peu de place pour passer. Certaines sont effondrées et forment un tas de vieilles planches cassées. Il y a encore plein de nourritures, ce qui explique l'odeur insupportable. De vieux bocaux, des boîtes de conserve, des paquets de pâtes, de la charcuterie, des fruits, des légumes et d'autres, que je ne saurais identifier vu leur état, remplissent encore l'endroit. Tout dépérit ici. La peinture jaunes des murs se craquelle. Il y a des taches partout. Des fils électriques pendent du plafond bas.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Sep 21, 2020 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Aux regards d'hier Où les histoires vivent. Découvrez maintenant