LEÏA
Ploc. Ploc. Ploc.
Le ciel, d'un gris si profond qu'il procurait un sentiment irrémédiable de mélancolie, déversait son animosité à travers une pluie diluvienne, inondant tout ce qui avait le malheur de ne pas être abrité. Je sentais chaque goutte glisser sur mes vêtements détrempés, imbiber mes cheveux, ruisseler sur mon visage découvert. Pourtant, je ne bougeais pas. Je restais parfaitement immobile sous ce torrent impétueux, acceptant avec l'averse la légère brise qui venait rafraîchir un peu plus mon corps. Je ne voulais plus les sentir. Ni mes membres frigorifiés, ni mes dents qui claquaient frénétiquement, ni les extrémités de mon corps que le froid avait anesthésiées. Je ne voulais plus rien sentir.
Parce que j'étais glacée de l'intérieur.
Mon cœur volait en éclats, dissociant mon âme meurtrie de mon enveloppe charnelle – enveloppe dont je n'avais pas la force de me préoccuper. Mourir gelée n'était sûrement pas si terrible. C'était le sentiment que me donnait l'aéroport qui se dressait devant moi. J'attendais. Qu'il vienne ? Qu'il me retienne ? Qu'il parte avec moi ? Je n'en savais foutrement rien, mais j'étais incapable d'esquisser le moindre geste. Et plus j'y pensais, plus l'horreur de la situation – de la décision que j'avais prise – me nouait l'estomac et me paralysait sous ce déluge d'hiver.
Et si je lui avais dit que je partais ?
J'essayais de visualiser la scène. J'imaginais ses grands yeux translucides, son sourire narquois, ses bras musclés nonchalamment croisés sur son torse.
Soudain, la sensation de mon corps et la morsure du froid qu'il subissait s'intensifièrent. Je me mis rapidement en marche vers l'intérieur de l'aéroport, avant que mes membres ne soient trop engourdis pour me porter.
C'était impossible. Si je lui avais dit que je partais, il m'aurait ri au nez et m'aurait dit : « Essaye un peu pour voir ! » Il se serait probablement enfermé à double tour avec moi quelque part, en attendant que l'envie me passe. Quel crétin ! S'il n'avait pas été aussi buté et têtu, je n'aurais pas eu besoin de faire tout ça dans son dos, et cette douleur aurait pu être évitée.
En l'abandonnant, je quittais aussi l'organisation. Vindicta. Ainsi que Reos, le Gardien de la famille Heredia. Famille à laquelle j'appartenais. C'était Reos qui m'avait donné tout ce que je possédais aujourd'hui. J'avais quinze ans lorsqu'il m'avait tout offert : un toit, une famille, une éducation... un avenir. Aujourd'hui j'avais tout détruit.
Par amour.
Il était trop tard pour faire machine arrière. Alors je fis un pas en avant. Puis un autre. Encore un autre, jusqu'à monter dans mon avion et m'envoler loin d'ici durant trois longues années.
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Give Me Back My Heart
RomanceTrois ans. Trois ans que Leïa est partie. Loin des Vindicta. Loin de Rin. Celui qu'elle a abandonné sans un regard en arrière. Sans explication. Sans un mot. Trois ans. Trois ans que Rin survit tant bien que mal. Alors, quand Leïa fait son gr...