Nikolaï

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Je rangeais la clé à sa place et correctement cachée dans une poche intérieure de ma manche.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé, Nikolaï ?
Je haussais les épaules et m'asseyais sur le sol.
- Va savoir, il se passe beaucoup de choses de nos jours
- Je suis sérieux, déclara t-il en s'approchant.
Je vis ses jambes face à moi et s'ensuit un long silence. Du moins, de ce qu'il me semblait en être un.
Il s'accroupit à ma hauteur et apparut devant moi de nouveau.
- Je suis persuadé que tout ça était inutile, on aurait pu trouver autre chose, déclara t-il.
- Et qu'est-ce que tu en sais ?
Il parut hésiter quelques instants, avant de tendre son bras et de venir me toucher l'épaule. Presque automatiquement, je venais la repousser sèchement.
- Oï, qu'est-ce que tu crois être en train de foutre?
Il fronça les sourcils en se relevant, d'un air sévère.
- Tu n'aurais pas dû prendre ce genre de risques! Qu'est-ce qui t'a pris? Tout ça pour une foutue clé !
- Je l'ai à peine touché, c'est bon. Et tu devrais crier encore plus fort, tant que tu y est.
Il baissa la voix suite à cela, gardant tout de même un ton sévère.
- Est-ce que tu as seulement réfléchi aux conséquences ! Tu savais très bien ce qu'ils allaient te faire!
Il avait apparemment deviné. Je ne doutais pas de sa perspicacité mais je ne m'attendais pas à ce qu'il le fasse tout de suite.
- Mais merde, tu peux pas arrêter de te mêler de ça ? Je sais ce que je fait. Alors reste tranquille et attends, même un gosse peut faire ça.
- Comment veux-tu que je ne me mêle pas de ça si ça te concerne, finit-il par rétorquer.
- Mêle toi plutôt de ce qui te regarde.
- Ça me regarde, et de près.
Je ne répondais rien, me contentant de l'ignorer. Peut-être bien qu'il en ferait de même et que nous n'aurions qu'à attendre en silence.
- Si ça ne tenait qu'à moi, je serais déjà parti leur régler leurs comptes, Nikolaï.
- Ah, vraiment ? Et tu m'expliques comment tu ferais, enfermé dans une cellule ?
- C'est le cadet de mes soucis là, en ce moment.
Je soupirais et appuyais mon dos au mur le plus proche, évitant de grimacer. Tanpis pour la propreté, j'étais plus vraiment à ça près.
- Cette discussion tourne en rond. On sera sorti pour ce soir, alors arrête de japer et patiente, bordel. C'est pas en haussant le ton ou je-ne-sais quelle connerie, que tu vas arranger quoi que ce soit.
- Tu n'as pas l'air de comprendre quand je parle normalement, alors j'essaye autrement, c'est tout. Je ne fais pas ça pour te donner une raison de me haïr...
- Dans ce cas, arrête. Je n'ai pas besoin de ça.
- Tu penses peut-être pouvoir tout garder pour toi ?
- Exactement, maintenant que tu as compris ça, lâche-moi. Je dois réfléchir.
- Et tu croyais aussi pouvoir me cacher le fait qu'ils flagellent les fauteurs de trouble?
Je me crispais en l'entendant et fronçait les sourcils, contrarié par le fait qu'il l'est découvert si facilement, ne cherchant même pas à savoir comment. Pour qui est-ce qu'il se prenait à me donner ses morales à la con ?
- T'es bien l'une des dernières personnes que j'écouterais me donner des leçons de morales. Alors, tes leçons de noble à la con ou je sais pas quoi, tu te les prends et tu te les fourre bien profond, peut-être que tu te la fermeras. C'est pas parce qu'on doit voyager ensemble que ça te donne le droit de faire quoi que ce soit, crachais-je d'une traite.
Je le vis tressaillir, cherchant ses mots. Toute cette histoire s'accumulant, c'est à bout de nerfs, que j'essayais de le faire s'éloigner. Ce qui le fit balbutier maladroitement.
- Nikolaï...
- Laisse moi..., finis-je par murmurer sèchement.
Je le sentis hésiter, et finalement, il s'éloigna silencieusement, allant s'asseoir à l'autre bout de la cellule, tel un chiot.

Bon, une fois calmé, le plan auquel j'avais si longuement réfléchi ne paraissait pas si défaillant que cela. Mais il faudrait agir rapidement et ne pas regarder en arrière. Je jettais un coup d'œil à l'extérieur de la cellule.
Un garde passait dans le couloir environ toutes les dix minutes. Et un appel était fait toutes les demi-heures.
Pensivement, j'observais la masse que formait Itami dans le coin de la cellule, silencieux, et ce, pendant plusieurs minutes. C'est qu'il me faisait regretter mes paroles tout seul dans son coin, ce con.
Décidé, je me levais et époussetais mes vêtements, avant de commencer à retirer mon manteau.
- Itami, retire ton haut.
Il releva la tête automatiquement.
- Pardon...?
Je pliais mon manteau sur mon bras avant de commencer à tasser la saleté et la paillasse sur le sol, à l'aide de mon pied.
- J'ai besoin de ton manteau, maintenant, le pressais-je un peu.
Du coin de l'œil, je le vis se lever et s'approcher timidement.
- Pour quoi faire exactement ? Demanda t-il d'une petite voix.
Râlant un peu, je lui demandais de se hâter d'un geste de la main. Putain, il me faisait penser à un pauvre gosse maintenant.
- J'ai pas le temps de répondre à tes questions.
- Tu m'excuseras, mais c'est quand même étrange comme demande.
À bout de patience, je me tournais vers lui, afin de commencer à lui retirer sa veste. Il se recula précipitamment alors que je terminais presque de défaire tout les laçages.
- W-Wowowo! Je vais le faire, je vais le faire!
Ce qu'il fit sans attendre, avant de me tendre la dite veste. Je la saisit avant de l'installer sur le sol.
- Mais... Tu l'utilise vraiment pour ça ?
Je fis de même avec le mien, ayant récupéré la clé au préalable.
- Au moins on sera tranquille le temps qu'ils s'en rendent compte, qu'ils vérifient et qu'ils s'alarment, clamais-je avant de me diriger vers la porte de la cellule.
- Tu pense vraiment qu'ils vont se faire berner par un simple tas de saleté et des manteaux ? Chuchota Itami en s'approchant lui aussi de la porte.
Insérant la clé dans la serrure, je la tournais doucement afin de retarder le claquement qui nous indiquerait l'ouverture. Et elle se fit entendre à peine quelques secondes plus tard. J'attendais un peu avant d'ouvrir la porte. Mais aucun bruit ne s'échappa du couloir.
- Bon, quoi qu'il se passe, il faut toujours aller à droite puis à gauche, compris? Il faudra descendre un escalier qui mènera à la salle de l'incinérateur. On verra si on arrive déjà là-bas, murmurais-je en m'avançant le plus discrètement possible.
Je fut surpris de me rendre compte que même avec sa carrure, il parvenait à se faire discret. Je me coupais dans ma réflexion, afin de me reconcentrer sur notre évasion.
Les cellules étaient presque toutes silencieuses, et je remarquais seulement des formes recroquevillées sur le sol pour la plupart.
Mais alors que nous passions près d'une cellule, l'une de ses formes, toutefois, se releva en instant, venant s'écraser le front contre les barreaux, des gargouillis de désespoir dans la gorge, avant de retomber sur le sol, inerte.
- Merde... Lâchais-je en soufflant.
Je glissais mon regard vers son bras, espérant voir sa catégorie, mais celui-ci était trop nécrosé pour y voir quelque chose. Ce qui semblait être un homme, et de même ça j'en était peu sûr, était dans un état pitoyable. Il se fondait parfaitement à la crasse sur le sol. Je pressais un peu Itami pour que nous continuions notre chemin.
Un cri déchirant nous arrêta toutefois et nous nous retournions vers la cellule. C'était un regard fou qui se posait sur nous. L'homme se mit à parler avec un jargon que je ne comprenais pas, tendant ses bras frêles à travers les barreaux.
Je reculais sous le coup en fronçant les sourcils. Il m'avait fait peur cet enfoiré. Un bruit distinctif de pas résonna sur le sol, se dirigeant vers nous. Je tirais le bras d'Itami. Il fallait se dépêcher. Cette fois-ci, j'ignorais totalement ce que contenait les cellules, pour éviter les mauvaises surprises.
Ce n'était pas très pratique d'avancer avec seulement quelques lanternes tous les dix mètres, et encore, les flammes s'éteignaient à cause de l'humidité fétide des murs.

Arrivés au palier de l'interminable escalier menant vers les étages inférieurs, je vérifiais autour de nous avant de commencer à descendre. Je vérifiais d'un coup d'œil qu'Itami suivait toujours, même si je n'en doutait pas trop.
À peine au centre des escaliers, je me crispais en entendant distinctement le son des cloches d'alarme.
- On s'est fait cramés... lançais-je en accélérant la cadence, tirant toujours Itami derrière moi.
Finalement, nous arrivions dans la salle de l'incinérateur. Je soupirais, relâchant la pression. Restant néanmoins sur mes gardes.
- Bon, on est arrivés, au moins...
Je cherchais alors dans toute la pièce, notre porte de sortie. Mis à part le bruit de l'incinérateur en marche, on entendait très distinctement le son de l'eau à l'extérieur, ce qui était un bon signe. Quelques caisses bouchaient le passage, et nous devions alors les déplacer. Nous accelèrions en attendant des bruits de pas dans les escaliers. Ils étaient plus nombreux que nous, c'était certain.
Finalement, une porte apparut, anciennement cachée derrière les caisses. Je m'empressais de me jeter dessus pour essayer de l'ouvrir. Elle semblait être bloquée de l'extérieur, et j'avais beau pousser, elle tremblait à peine.
Les pas se rapprochèrent un peu trop fortement à mon goût. Et en effet, quelques instants plus tards, une dizaine de gardes se tenait dans l'entrée, armés jusqu'aux coudes.
- Et bah les voilà les emmerdes...
Lâchais-je en râlant contre la porte. Itami, si tu pouvais les retenir deux petites secondes, ça m'arrangerait.
- Qu'est-ce qu'il y a derrière la porte? Demanda-t-il en se mettant en garde.
Je jettais un coup d'œil en arrière et remarquais qu'au moins cinq des gardes avaient des arbalètes.
- Tu sais nager?
Il parut comprendre et hocha la tête.
- Pas besoin de les retenir, tu devrais fermer les yeux, déclara t-il.
Je n'eût pas le temps de me retourner qu'il m'avait déjà saisi dans ses bras. D'un coup d'épaule qui aurait pu faire trembler la pièce entière, il envoya la porte en dehors de son encadrement, me barrant des quelques éclats avec son corps. Je put apercevoir celle-ci tomber dans le torrent qui se trouvait en dessous de nous, et être emportée plus loin, en plusieurs morceaux.
Et presque aussitôt, nous la rejoignions. Loin de moi l'idée de mourir cassé en deux sur un rocher, mais je n'eût d'autre choix que de m'accrocher à cette montagne, qui s'avérait plutôt utile dans ce genre de situation, et fermant les yeux, je comptais pour beaucoup sur la chance. La dernière chose que j'entendis avant que nous tombions de plusieurs mètres de haut, dans cette eau glacée, était le son d'une flèche me frôler l'oreille.

Tᚺᛖ ᚺᛖᚨᚱᛏ ᚲᛖᛖᛈᛖᚱ The Heart KeeperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant