12.

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Ezéchiel

Je reprends ma place d'hier et me cale confortablement contre le dossier du fauteuil. Mon regard s'égare sur Mira, elle a du cran vu ce qu'elle a fait ce matin. Je ne sais pas trop à quoi elle s'attendait mais ça demandait du courage. Et ça m'incite aussi à la méfiance. La plupart du temps les réactions des premiers jours sont dictées par la peur, elles peuvent faire des trucs plus ou moins stupides mais c'est rarement calculé. Par contre là, elle est tellement calme qu'on pourrait croire que tout va bien pour elle. Peut-être que c'est une forme de déni...

Elle est aussi plutôt mignonne, assise là tranquillement et vêtue de mes fringues. Bordel et dire que ça aussi je ne l'avais pas prévu. Alors que je m'apprêtais à prendre la parole elle sort soudainement de son silence pour rire. Incrédule je perds quelques secondes avant de venir m'assoir près d'elle pour m'assurer qu'elle respire bien. Elle rit tellement qu'elle se tient le ventre tandis que des larmes coulent sur ses joues. J'imagine que ses nerfs ont fini par lâcher, il y a toujours des pleurs à un moment ou un autre de toute façon et la seule chose à faire c'est d'attendre que ça passe. Je caresse ses cheveux fins du bout de mes doigts tout en lui murmurant des mots apaisants. Peu à peu son rire se calme et elle se redresse pour améliorer sa respiration. J'ai dit plutôt mignonne ? Ça serait plus carrément. Elle a l'air d'une folle, mais elle est carrément mignonne. Je lui demande doucement :

— Ça va mieux ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

— Je repensais juste à tous les trucs les plus dingues qui me sont arrivés. J'ai vécu des trucs de merdes tu vois. Des vrais trucs de merdes. Et à chaque fois que j'ai pu me dire que ça ne pouvait pas être pire, que ça irait mieux, il arrivait un truc qui m'enfonçait encore plus. J'ai des dizaines de théories sur tout ce qui peut me tomber sur la gueule, mais putain celle-là je l'aurai jamais cru. Ma vie commençait vraiment à s'améliorer en plus mais non, il fallait qu'on m'enlève pour faire la pute.

Et elle se remets à rire de plus belle en me laissant totalement abasourdi. Sa réaction bien qu'incongrue me permet cependant d'en apprendre un peu plus sur elle. Le recul et le calme dont elle semble faire preuve ne sont qu'un fragile bouclier. Ma curiosité me pousse à lui adresser des dizaines de questions mais je sais qu'il vaut mieux que je mette tout ça de côté pour l'instant. Quand elle finit enfin par se calmer plus de quelques secondes elle essuie ses joues humides avant de se tourner vers moi :

— Désolée, je crois que j'ai un peu craqué. Si tu es resté là j'imagine que tu voulais me parler ?

Ok, elle a l'air de vouloir mettre ça sous le tapis. J'en ai pas vraiment envie mais je n'ai pas non plus envie de la braquer, elle me semble tellement vulnérable maintenant. Je hoche cependant la tête en guise de réponse. Je me lève le temps de récupérer la tablette que j'avais posé sur le bar.

— Tu voulais des fringues ? J'ai un catalogue pour toi choisis ce qui te plaît.

Elle me lance un regard surprit tandis que je déverrouille l'écran. Entièrement codée par John la tablette dispose d'une seule application qui est un immense catalogue virtuel. Je lui tends la tablette et reprends ma place dans le fauteuil tout en lui adressant un regard d'encouragement. Ses gestes sont maladroits sans que j'arrive à savoir si c'est suite à sa crise ou si c'est d'angoisse. Lassée de faire défiler la page principale elle finit par ouvrir le menu de navigation et je vois ses yeux s'écarquiller. Mira repose la tablette et se redresse vers moi en lâchant :

— Je ne comprends pas. Je suis censée faire quoi ?

— Liste juste ce que tu aimerais.

Son regard est tellement perdu que je me force à être un peu plus loquace, après tout si je veux qu'elle me parle il va falloir que moi aussi je fasse un effort. Je prends alors une inspiration :

TénèbresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant