Chapitre 10. RoseMary's Baby.

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Deux grands yeux ouverts. Bleus comme un lac de montagne. Un univers à eux seuls. Un vide expressif dans lequel on pourrait sombrer.

Deux grands yeux étonnement familiers.

Sur le seuil de la porte du garage, en lieu et place d'Amane, un enfant la fixait. Il aurait pu crier, s'enfuir, quoique de toute façon, Hildegarde n'aurait jamais eu le cœur et la présence d'esprit de le rattraper ou de le faire taire. Au lieu de cela, il restait impassible et immobile, puis rompit presque immédiatement le contact visuel avec elle.

Compulsivement, le petit garçon sortit alors un carré de papier plié en quatre dont il se mit immédiatement à frotter les coins avec ses ongles. Il se rencogna contre le chambranle de la porte et continua inlassablement ce geste sans accorder plus d'attention à l'intruse.

La jeune femme plaqua la main sur sa poitrine. Son cœur cognait contre ses côtes, essayant de sortir de sa cage thoracique. Il lui semblait que sa respiration résonnait dans tout le garage avec la force d'un soufflet de forge. Elle appuya son autre main sur sa bouche et son souffle hiératique glissa entre ses doigts. Alors doucement, elle parvint enfin à contrôler sa respiration et elle sentit les palpitations de son cœur diminuer.

La pièce reprit ses couleurs et reprit ses contours. Que faire à présent ? Quel étrange enfant...

Il restait silencieux, Hildegarde ne se sentait pas l'envie de tenter le diable en s'approchant.

Il frottait toujours les coins de son carré de papier.

Le regard de la jeune femme alla de la table de ping-pong au petit garçon. Ce mutisme, ce retrait, ce regard de biche traqué... Hildegarde les avait déjà vus chez un enfant. Elle ne pouvait empêcher son cœur de s'élancer vers le petit garçon. Contre sa raison et tous les principes de prudence, elle s'approcha.

– Bonjour. Je m'appelle Hildegarde, mais tu peux m'appeler Hilda.

Quatre coins de papier, un silence.

– Et toi, c'est quoi ton nom ?

Il leva très vite les yeux vers elle et la jeune femme aperçut à nouveau le bleu de ses yeux. Elle avait déjà vu des yeux pareils et elle sentait qu'elle aurait dû se souvenir où. Sa réflexion fut interrompue de la manière la plus bruyante qui soit, lorsque le gamin éclata en sanglots. Il se jeta par terre en gesticulant, et au milieu de ses gestes désordonnés, Hildegarde reconnut quelques mouvements destinés à l'éloigner. Elle recula immédiatement jusqu'au fond du garage, près de la table de ping-pong et fit ce qu'elle aurait dû faire depuis le début : se cacher.

Le petit garçon pleura ainsi longtemps et la jeune femme craignit vraiment qu'il se fasse mal. Il faisait tant de bruit que ses parents allaient finir par débarquer dans le garage. Elle se doutait de ce dont était atteint l'enfant, elle avait vu ces cas lorsqu'elle travaillait comme infirmière, mais elle ne pouvait pas prendre le risque d'être trouvée ici.

Hildegarde finit par se boucher les oreilles, elle n'en pouvait plus. Entendre un enfant pleurer et souffrir étaient une torture. Elle maudit sa peur qui la faisait se terrer comme un rat dans ce recoin et elle se décidait à sortir quand même lorsqu'un homme fit irruption dans le garage.

Et lui put approcher l'enfant sans déclencher de nouveaux sanglots.

– Ça va aller, mon bonhomme. Tout va bien.

Sous les yeux fascinés de la jeune femme, il lui parla avec douceur et confiance, enroulant un doux cocon de bienveillance autour de lui. Il limitait les gestes exubérants et ses phrases n'avaient aucun sens. Tout était dans le ton de sa voix et les émotions qu'il lui insufflait.

Le Foyer [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant