XXXII

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Je ne saurais expliquer l'urgence qui a envahi mon corps et mon âme mais je me rappelle avoir senti cette force immuable qui me tirait toute entière loin du camp. Comme si j'étais attachée par des liens invisibles, je me sentais dériver vers les forêts.

Ma place n'était pas avec la Tribu, mais avec les Enfants Perdus.

N'osant le dire à Lily, j'ai laissé une lettre griffonnée pendant qu'elle allait chercher son attirail de combat, expliquant par des mots maladroits et décousus ma disparition.

A présent, je marche rapidement entre les branchages, me repérant à la mousse des arbres et aux rayons de soleil qui pointent en cet fin d'après-midi. Je me maudis de n'avoir pris aucune carte, aucune affaire dans le cas où je me perdrai.

La température chute, le ciel prend une couleur pourpre entre les faîtes et j'accélère le pas. Je ne peux m'attarder dans les bois, que je connais si peu, lorsque la nuit sera tombée.

Malheureusement, la lumière disparait peu à peu et je dois plisser les yeux pour apercevoir le sol. Parfois, le plafond des sapins laisse entrevoir les constellations qui piquent le ciel, et je me surprends à m'y perdre en rêveries. C'était pour cela, pour la beauté des deux lunes qui se lancent des signes, pour la tête perdue entre les myriades d'étoiles filantes, pour mes pieds nus dans la terre humide et fraiche, pour ces choses-là que je me suis échappée mais tout ceci perd son sens à présent que les combats ne menacent l'Île.

Je ralentis un peu, car je ne crains plus les craquements dans les fourrés ni les ombres noirs qui s'effacent entre les buissons. Je ne baisse plus les yeux par peur de m'encoubler mais les lève bien haut pour embrasser les cieux.

Me perdre ne me fait plus peur, car je me sais en sécurité sur cette île, malgré ses dangers et ses caprices ; je sens la brise sur dans mon cou, qui me caresse comme l'amante de mes illusions, et mes maux disparaissent.

A cet instant, alors que mon coeur s'envole, léger dans ma cage thoracique, et que j'oublie les abîmes dans lesquelles je pourrais m'être lancée, que ma confiance entière repose sur les épaules de la Nature, une lueur volète entre les arbres, créant derrière elle une poussière d'or et de rires. Je fronce les sourcils, étonnée de cette soudaine apparition, et dans un élan que je ne comprends pas, décide de suivre ce halo éclatant qui abîme presque mes rétines. Elle ne prend pas peur lorsque je m'approche mais s'éloigne assez pour que je ne puisse identifier sa nature. Elle me guide entre les arbres, la flamme de sa présence faisant office de lanterne dans cette nuit plus noire que mes cauchemars.

L'insouciance la plus pure baigne mes veines et j'avance les yeux rivés sur cette étincelle de mon imagination qui sautille de feuille en feuille, de songe en songe.


Elle glisse lentement dans l'air, dansante et riante, comme si la musique de mille violons retentissait dans l'air silencieux et je me surprends moi-même à esquisser un pas de valse en avançant.

Je ne sais combien de temps s'est écoulé, mais lorsque nous parvenons à la clairière, les Lunes ont déjà disparu du firmament, laissant la place aux étoiles, pour que ces dernières puissent  exprimer leurs espoirs.

Je réalise à quel point les angoisses semblent s'être évaporée, et béni le ciel et cette étoile descendue pour me guider, en embrassant l'atmosphère tiède. Je sens mes joues baignées de larmes, que je ne remarque qu'en passant ma main sur mes joues, et ma gorge serrée témoigne des sanglots que j'ai dû laisser échapper lors de mon voyage. J'ai peine à croire ce miracle. Je suis devant l'Arbre du Pendu, qui se courbe et ne laisse paraitre que son ombre écrasée sur un fond bleuté.

L'étoile – ou la fée, s'arrête et clignote. Je baisse la tête en guise de remerciement mais avant d'avoir pu prononcer le moindre mot, l'éclat d'or et de joie rejoint le firmament, me laissant seule les deux pieds ancrés dans l'herbe.





C'est alors que je remarque, assis un peu à l'écart de l'arbre, une ombre dont je reconnais presque immédiatement les traits.

- Viktor ! je m'exclame en me précipitant vers lui.

Il lève des yeux et semble m'identifier.

- Claire ?

J'hoche vivement de la tête et suis tellement ravie de voir son visage que je manque de l'enlacer. Il tente de se relever mais n'y parviens pas, alors je m'installe à ses côtés.

- Comment vas-tu ? je demande timidement.

- Toi, comment vas-tu ? Raconte-moi, tu dois me raconter !

Je ris doucement, et il me saisit la main.

- Je ne te remercierai jamais assez.

Je suis surprise par cet élan si soudain, venant de la part du blond.

Au loin résonnent tambours et grands cris. Voyant mon regard interrogatif, Viktor m'explique rapidement :

- Les Indiens font toujours ça avant un combat. S'habillent, ne dorment pas et implore les étoiles de les aider. Nous, on mange, on dort, et on se prépare le lendemain.

- Demain... Demain nous nous battons, je murmure, incapable d'y croire.

C'est pourtant ce qui était indiqué sur les plans. Deux jours après le croisement de Lune, ils attaqueraient la Tribu, en se faufilant à travers l'aube. C'est pour cela qu'ils avaient calculé leur absence : faire croire à Peter et aux habitants de l'Île qu'ils étaient partis pour de bon, avant de se glisser vicieusement dans le Camp. S'ils avaient le contrôle sur le Chef et Lily, ils tenaient l'Île, car ceux-ci connaissaient mieux le Pays Imaginaire que quiconque. Je frémis à l'idée des couteaux sur la gorge de mon amour, la menaçant pour la faire parler, ses yeux rougis alors qu'elle ne dirait rien, ses cris lorsqu'elle avouerait tout et les remords qui s'ensuivraient. Mais tout ceci n'arrivera pas, puisque le plan a été déjoué. Nous nous battrons, la Tribu et les Enfants Perdus.

- D'ailleurs, qui viendra demain ? Lesquels sont assez grands pour nous accompagner ? je demande.

Il me fixe d'un air étrange, ne sachant pas si je plaisante ou si je suis sérieuse. J'ai un sourire effacé sur le visage, et mon coeur se fige lorsqu'il prend la parole.

- Mais tout le monde se bat.

Aussitôt s'impriment les visages de Tilio et Tamira et je sens une nausée terrible m'envahir. Il ne peut pas être sérieux.

- Il y a un prix à payer lorsqu'on refuse de grandir.

La cruauté de l'île gentiment se fait sentir, les cris de guerre parviennent aux oreilles et la bataille approche.
J'ai du retard, je prends des pauses, je saute parfois dans votre fil d'actualité oupsi (je mets la faute sur la période d'examens dans laquelle je me trouve)
Je vous souhaite un bon weekend et me réjouis de vos retours !
A très vite
Klara

Jamais demainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant