la valse des masques

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Un pas à gauche, un pas à droit, pas de bourrer, puis petit saut. Les pas s'enchaînaient sans se ressembler. Le sable fin glissait entre les doigts de pied de la danseuse et volait en rythme avec ses mouvements. Sa robe fluide épousait parfaitement ses courbes généreuses et dévoilait avec élégance ses jambes de velours. Ses longs cheveux tournaient et s'emmêlaient à mesure qu'elle s'exprimait. Entre ses bras, pour l'accompagner dans sa valse, un être humanoïde habillé d'une longue cape orange et au visage recouvert d'un masque souriant. Un sourire bien trop forcé pour être naturel.

Le soleil était sur le point de se coucher et la danseuse était exténuée. L'entité l'entourait de ses bras à mesure qu'elle faiblissait. Mais elle le repoussa avec force avant d'être totalement engloutie et s'approcha du rivage. L'eau de la mer, teintée de noir et de rouge, caressait ses pieds avec tendresse et réconfort. Elle s'accroupit et plongea ses mains dans le liquide glacé avant d'en asperger son visage. Ce dernier se mit à dégouliner, effaçant doucement tout ce qu'il contenait, jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien.

Une fois démasquée, elle retourna auprès de son partenaire qui lui tendait sa main. Elle le regarda hésitante, avant de saisir la main d'une autre entité. Celle-ci était vêtue d'une cape bleue et arborait un masque triste. La danseuse se positionna et entama quelques pas. Des pas lents, saccadés, durs à enchainer. Aucune figure complexe n'était envisageable tant son corps et son cœur lui faisaient mal. Une pression étouffante s'écrasait sur elle et elle sentit les regards de l'assemblée se poser sur sa personne. La jugeant et la plaignant sans véritable compassion.

Elle finit par s'arrêter au milieu d'un mouvement et s'extirpa des bras bleutés. Reprenant son souffle une fois délivré de son emprise, elle passa son bras sur son visage et effaça toute trace de cette émotion sur son visage.

Après quelques minutes elle saisit la main d'un être en cape rouge dont l'expression de colère était terrifiante. Saut, Flip, jeté, une force nouvelle s'empara d'elle. Elle se sentait légère et puissante, assez pour rembarrer tous ceux qui critiqueraient sur sa façon de danser. Mais à mesure que ses pas s'enchainaient, une grande solitude s'empara de son cœur. À force de faire des mouvements aussi amples et violents, les spectateurs la fuyaient.

Portée par la même énergie qui l'avait conduite jusqu'ici, elle lâcha son partenaire en plein porté, atterrissant lourdement dans le sable chaud. Il n'était pas non plus la solution. Avec douleur, elle porta son regard sur l'horizon. Le soleil était presque couché, il ne lui restait plus beaucoup de temps pour trouver son partenaire idéal. Elle se releva puis saisit la main d'un autre danseur et entama une nouvelle chorégraphie. Plus calme, plus convenue, plus neutre. Un pas après l'autre, elle regagnait les regards d'une partie du public, mais très vite, le violine du calme ennuya les spectateurs.

Elle enchaina avec une autre couleur, puis une autre et encore une, mais cela ne semblait jamais être satisfaisant pour ceux qui daignaient la regarder. Elle finit par entrainer toutes ses émotions dans une seule chorégraphie. Mêlant sa force, ses tristesses, ses colères, ses joies, ses douleurs, ses peines et tout ce qui faisait d'elle un être sans visage. Mais rien, cela ne changeait rien. Les critiques ne cessaient jamais et les regards finissaient toujours par se détourner de sa danse.

À bout de forces, elle s'effondra sur le sable, observée par toutes ses entités qui la fixaient derrière leur masque coloré. L'être à la cape orange finit par grenouiller devant elle et lui tendit sa main. Elle baissa la tête et se saisit de cette dernière par dépit, avant de se redressa avec douleur. A son contact, un masque de faux sourire se dessina doucement sur son visage. Elle se remémora les spectateurs attentifs, les compliments factices et les critiques dissimulées que ce masque engendrait. Plus ce dernier se rependait son visage, plus elle voulait fuir. Lorsqu'il la recouvrit à quatre-vingt-quinze pourcents, elle repoussa son partenaire et courut en direction de la mer.

Elle s'effondra sur le sable et plongea sa tête dans l'eau glacée jusqu'à ce que la nuit tombe. Elle posa ensuite son regard vide sur le ciel devant elle. Une nouvelle entité toute vêtue de noir et portant un masque vide sortit alors de l'eau. La jeune femme ne peut retenir un mouvement de recul lorsque l'ombre lui tendit sa main.

Ils se fixèrent durant de longues, de très longues, secondes. Le temps était comme suspendu et les voix qui l'étouffaient durant le jour avaient disparu. Il n'y avait plus qu'elle et cet entité au masque noir. Elle saisit sa main avec hésitation et commença une valse des plus personnelles. Un pas à gauche, un pas à droite, petit saut, porté, jeté. Elle se laissait aller et ne s'était jamais sentit aussi libre. Elle ne sentait plus tous ses regards posés sur elle, elle ne voyait plus que son partenaire.

Lorsque le jour se leva, elle dansait encore, un sourire sincère sur son visage, les larmes au bord des yeux et portée par une énergie nouvelle. Elle posa son regard sur son partenaire et réalisa que son masque n'était pas noir, mais était en réalité un miroir. Un masque qui lui renvoyait ce qu'elle était au plus profonde d'elle. Un masque qui lui faisait oublier les regards des autres. Un masque grâce auquel elle pouvait être elle-même.

Note d'auteur :

Coucou tout le monde !

Merci d'avoir lu mon petit texte j'espère qu'il vous aura plus.

Cette semaine je voulais essayer d'écrire une historie plus métaphorique. Un texte libre d'interprétation plus poétique que narratif.

J'ai hâte de voir comment vous interpréterez cette histoire.

Plein de pukas à tous !

Jack

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