Chapitre 35 : Le premier ministre

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Ville de Solaris (Ancien Etats-Unis) : Haute zone d'Amérique

26 décembre 2121

06h44

Claudius Malorne est seul dans la grande salle de réunion, faiblement éclairé par le luxueux lustre en cristal qui pend au centre de la pièce. Le soleil n'est pas encore levé, dehors il fait nuit noire et le silence règne. Le gouverneur regarde les lumières de la ville à travers la grande baie vitrée qui entoure la salle de réunion. La flèche, le bâtiment principal du gouvernement, est si haute, qu'il est possible de voir pratiquement toute l'immensité de Solaris depuis la salle de réunion. La cité est immense, les bâtiments s'étendent à perte de vue. La capitale est la plus grande et belle ville de toutes les hautes zones.

Claudius est si épuisé qu'il parait encore plus vieux qu'il ne l'est vraiment. Il travaille jour et nuit pour empêcher la Résistance de saboter son oeuvre. La famille Malorne a toujours travaillé pour le bien de l'humanité et le gouverneur sait au fond de lui, que ce qu'il fait est dur, mais juste. Il est l'élu et c'est à lui de prendre les décisions que personne d'autres n'oserait prendre, après tout, il ne fait que suivre la volonté de dieu. S'il doit manipuler le peuple, c'est parce que lui seul sait ce qui est mieux pour les citoyens, lui seul doit avoir le pouvoir, pour le bien de tous. Claudius a toujours appliqué les préceptes religieux qu'on lui a appris depuis sa naissance et il le fera jusqu'à sa mort. Il fait ce qui doit être fait, il le sait, mais ça ne rend pas ce qu'il s'apprête à faire plus simple. Malheureusement il n'a pas le choix, la situation l'exige.

Sa secrétaire frappe puis entre dans la salle ronde avec une femme d'une quarantaine d'année. À sa vue Malorne se force à paraître courtois et de bonne humeur. Il esquisse même un sourire :

- Elisabeth ! Je vous en pris, asseyez-vous, lui dit-il chaleureusement.

La secrétaire quitte la pièce tandis qu'Elisabeth prend une chaise et s'installe en face de Malorne qui se trouve à l'autre bout de la grande table ovale. C'est une petite femme pleine d'assurance aux longs cheveux blonds. Elle porte un grand mentau beige qui cache son ventre rond. Elle le dissimule bien, mais elle est quelque peu intimidée par Claudius. C'est un homme très important qu'elle ne le porte pas vraiment dans son coeur. Elle pense que la société qu'il a crée est injuste, misogyne et bien trop religieuse, mais elle ne peut rien dire, elle sait que cela serait dangereux. Elle espère que les nouvelles responsabilités qu'aura son mari lui permettra de changer tout ça.

- Merci pour votre invitation Gouverneur Malorne, dit-elle d'une voix forte et assurée. Je n'étais jamais entrée dans la flèche auparavant. C'est magnifique.

- N'est-ce pas... Vous n'avez rien dit à Sylver, comme nous avions convenu ? le demande-t-il avec son sourire hypocrite en allant s'asseoir près d'elle.

- Non, j'ai gardé le secret, la surprise sera totale.

Elle est excitée par ce qui est sur le point d'arriver, alors que Malorne, lui, appréhende. Mais c'est son devoir et il ira jusqu'au bout.

- Comment se passe votre grossesse ? lui demande-t-il gentiment.

- Et bien... ça a été très difficile, répond-t-elle en essayant de dissimuler sa tristesse. Je n'arrivais pas à tomber enceinte, nous avons dû faire appelle à une assistance médicale et nous avons failli la perdre plus d'une fois.

Ne pas être fertile est très mal vu dans les hautes zones, d'où l'expression honteuse d'Elisabeth. Mais elle reprend en forçant un sourire. C'est une femme fière elle ne veut pas paraître faible.

- Mais maintenant tout va bien, il n'y a plus aucun risque. Je dois accoucher dans un peu plus d'un mois. C'est une petite fille.

Elle se force à paraître heureuse, mais elle sait très bien qu'au bout de quelques semaines, une fois qu'elle aura fini d'allaiter son enfant, il lui sera enlevé pour être élevé par le gouvernement et par des religieux extrémistes qu'elle déteste. Cette idée lui donne envie de vomir, mais c'est ainsi, elle n'a pas le choix. Et le fait que sa fille vive dans une société où les femmes sont considérée comme inférieures aux hommes l'inquiète énormément. Elle aurait tellement voulu fonder une famille avec son mari, mais ce n'est plus envisageable dans les hautes zones, et ça lui brise le coeur. Malorne ne pourrait pas comprendre, il n'aime pas sa femme, elle ne lui sert qu'à procréer, remplir son devoir et donner l'exemple au peuple. Il n'a jamais été amoureux si ce n'est de la religion, du pouvoir et de lui-même.

NÉMÉSIS : 2121 RÉSISTANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant