Chapitre 1

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La jeune fille s'éveilla en sursaut. Une douleur lui martelait les tempes et elle s'empressa de porter ses mains à sa tête, geste instinctif pour calmer la douleur. Elle attendit un moment avant de pouvoir ouvrir les yeux, quand la souffrance fut moins aiguë. Elle se trouvait dans une pièce sombre qui lui semblait inconnue. Elle détailla les murs de pierre, la minuscule ouverture barrée de métal et le malheureux banc rongé par l'humidité qui constituait le seul ameublement de la pièce. Cette dernière avait décidément des allures de cachot.

Un rictus tordit les lèvres de la jeune fille mais ce geste raviva la douleur. D'accord, elle allait commencer par s'attarder sur elle-même plutôt que sur la pièce. Tout d'abord, elle évalua les dégâts. Sa tête était le pire, de loin. Mais son mollet l'élançait et un coup d'œil lui suffit pour comprendre qu'elle s'était blessée. A sa plus grande surprise, un bandage y avait été appliqué, bien que sali par la crasse du cachot. Elle avait aussi un mal au poignet mais elle n'aurait qu'une bosse. Rien d'important.

Une fois qu'elle eut fait l'inventaire de ses blessures, elle commença à s'intéresser à autre chose. « Je m'appelle Lauwe. Ça c'est bon. J'ai dix-sept ans. Ça aussi c'est bon. Je viens des marches du Nord. Mon père est... Qui était son père ? Sa mère ? Et qu'est ce qui m'a amenée en prison ? » Un sentiment de panique naquit en elle et elle dut se faire violence pour ne pas sauter sur ses pieds. Sa raison lui dictait de préserver sa tête étant donné que l'ouverture lui restait inaccessible. Mais pourquoi ne se souvenait-elle pas de sa maison ? Elle se rappelait son prénom, son âge, elle savait qu'elle était une Frontalière, mais c'était tout.

Elle chercha son sabre du regard, ne sentant pas son poids familier dans son dos. Un nom lui vint en tête. Aneko. C'était le nom de la lame. Légère comme une plume, cette lame qui se transmettait de générations en génération avait été, dit-on, enchantée par Merwyn lui-même afin que jamais elle ne perde de son tranchant, que jamais elle ne se brise et qu'elle triomphe de tous les combats. Lauwe n'y croyait pas étant donné qu'elle avait déjà perdu, mais la lame avait effectivement toujours été aussi parfaite depuis qu'elle la connaissait. C'était son bien le plus précieux et à la pensée qu'elle l'avait perdue ou qu'on la lui avait volée, elle sentit la tristesse l'envahir. Elle ne pleura pas. Une Frontalière jamais ne montre sa faiblesse, mais elle eut la sensation d'être amputée d'une part d'elle-même.

Mais qui était-elle donc ? Elle ne se rappelait que de si peu ! Et d'ailleurs, comment pouvait-elle avoir tout oublié sauf ces quelques détails essentiels ? Les questions tournaient dans sa tête et cette dernière se remit à l'élancer douloureusement. Elle finit par les balayer d'un geste mental et choisit de dormir. Que pouvait-elle faire sinon recouvrer ses forces ? Un voile noir s'empara d'elle et elle sombra immédiatement.



A son réveil, sa tête était nettement moins douloureuse. Mais quelque chose d'autre avait changé. Elle fut aussitôt sur ses gardes et ouvrit les yeux avec précautions, déterminée à faire semblant de dormir si elle pouvait maintenir l'illusion. La porte était close. Ce n'était pas cela. Elle parcourut la salle sans bouger la tête puis, n'apercevant aucun mouvement, elle se décida à lever les yeux. Le changement fut aussitôt évident. Elle n'était plus seule. Deux fillettes recroquevillées sur elles-mêmes à même le sol avaient été jetées ici. Lauwe se mit à quatre pattes, favorisant sa santé contre sa dignité malgré son instinct qui se refusait à s'abaisser de la sorte. Elle avança doucement, attentive à éviter les mouvements brusques. Pas après pas, elle put enfin observer ses colocataires.

La première ressemblait à un ange. Ses cheveux étaient blonds, fins, éthérés. Ils se soulevaient au moindre souffle de la jeune fille et s'étalaient gracieusement sur le sol. Elle parvenait à être magnifique même jetée dans un cachot, même blessée comme l'attestaient le sang sous sa tête. Son nez était fin et délicat, ses lèvres magnifiques et la forme de son visage elle-même lui donnait cet aspect angélique. La seconde fille était moins belle, mais il se dégageait d'elle une aura indescriptible. Faite de liberté, de chaos, d'harmonie, de sang, de sueur et d'un quelque chose de sauvage. Cette fille avait ce charisme. Quant à ses traits, ils étaient quelconques. Ses épais cheveux bruns encadraient un visage paisible. Elle était blessée, elle aussi, mais elle paraissait libérée de toute douleur. Leurs blessures étaient semblables aux siennes : leur tête était bien amochée mais le reste était bénin ou soigné. Une énigme supplémentaire pour la jeune fille.

N'ayant rien de mieux à faire, elle retourna dans son coin et s'allongea. Elle ne pouvait pas encore se lever alors elle effectua quelques exercices pour vérifier que ses muscles jouaient souplement. Elle voulut s'échauffer quelque peu mais la fatigue la rattrapa vite et elle se rendormit.

On ne peut admirer en même temps la lune, la neige et les fleurs [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant