A leur réveil, un peu de nourriture leur avait été jeté. Elles se partagèrent équitablement cette maigre pitance et la firent durer autant que leurs estomacs affamés le supportèrent. Et l'attente recommença. Aussi longue et ennuyeuse.
Soudain, la porte s'ouvrit brutalement. Les trois, plongées dans leurs pensées, sursautèrent. Elles attendirent, aux aguets, mais rien ne vint. Une fiche écharpe de brume flottait dans le couloir mais elle se dissipa vite sous l'effet d'un courant d'air. Lauwe se leva. Elle avait eu plus de temps que les deux autres pour récupérer et sa force développée par le combat l'avait dotée d'une certaine capacité de récupération. Elle alla jeter un coup d'œil dans le couloir mais ne vit rien.
- On dirait qu'on cherche à nous libérer. Ou nous aider.
Lauwe n'avait pas entendu Hanæ approcher malgré son ouïe et son instinct. Elle sursauta, lui lança un regard agressif que la jeune fille ignora puis se détourna. Elléa peinait à se redresser. En tant que dessinatrice, son corps était fait pour dessiner et non se battre. Sa résistance était bien moindre. Mais elle ne tremblait pas lorsqu'elle fut enfin debout et n'eut pas besoin de l'aide de Lauwe pour atteindre la porte. En toute discrétion, elles s'avancèrent dans le couloir. La jeune fille cherchait avant tout à récupérer Aneko. Sans son arme favorite, elle ne partirait pas.
Elles sortirent de la salle. Hanæ s'était attardée et fut la dernière à sortir. Après cette longue attente, la seule trace de leur passage furent quelques lignes, tracées dans la poussière accumulée :
Attente mortelle du condamné
Danse de l'oiseau dans les cieux
Patience infinie de la vie
Ce dernier mot pulsait dans l'esprit de la jeune fille. Un « maitre-mot ». Patience. Elle ne savait pas ce que c'était, mais il avait son importance et jamais elle ne l'oublierait.
Elles progressaient dans un couloir désert. Elles n'étaient pas dans une prison où les cachots se côtoyaient. Où étaient-elles dans ce cas ? A chaque porte, Hanæ écoutait avec attention avant d'ouvrir la porte avec précaution. Mais les salles ne contenaient que du mobilier basique, aucune salle d'arme n'était en vue. Un peu plus loin, Elléa s'exclama soudainement :
- L'Imagination ! Le gommeur ne fait plus effet, je peux enfin dessiner.
- Abstiens-toi, s'il y a des dessinateurs, ils sauront que nous sommes libres.
Elle eut l'air peiné mais acquiesça. Elle semblait aussi faible que déterminée. Elles poursuivirent le long de couloir. Il n'y avait aucune fenêtre, Lauwe commençait à penser qu'elles étaient sous terre. Elles gravirent un escalier qui renforça cette sensation. A chaque étage, elles visitaient sans tomber sur qui que ce soit. Cet endroit désert inquiétait Lauwe. Mais elle ne partirait pas sans Aneko ! Elles tombèrent alors sur un garde-manger et en profitèrent pour se restaurer quelque peu et prendre des réserves avant de poursuivre. La visite était interminable et éreintante. Mais elles gardaient une attention constante et cela fut payé lorsqu'une porte refusa de s'ouvrir devant eux. Il y avait donc quelque chose derrière. Elles retournèrent dans une autre salle et crochetèrent la serrure. La porte s'ouvrit enfin sur l'armurerie. Un éclat capta aussitôt l'attention de Lauwe qui fut la première à pénétrer dans la pièce. Lorsqu'elle eut enfin son arme en main, elle se sentit soudainement mieux. Elle était... complète. Derrière elle, Hanæ s'équipait de poignards et plaça un arc en travers de sa poitrine. Hésitante, Elléa soupesait une dague. Hanæ lui en tendit un en expliquant :
- Si tu n'as pas l'habitude, une plus légère comme celle-ci sera moins puissante mais beaucoup plus maniable.
Elle hocha la tête et accepta l'arme. Une fois équipées, les trois jeunes filles sortirent et montèrent tous les escaliers qu'elles rencontraient. Lorsqu'enfin, elles trouvèrent une fenêtre, elles se sentirent quelque peu idiotes. Elles étaient approximativement au deuxième étage d'une tour. Sous leurs yeux s'étalait une ville inconnue de Lauwe qui ne voyageait que depuis peu. Mais Elléa s'exclama d'un ton ravi :
- Nous sommes à Al-Far ! J'ai vécu dans cette ville ! Nous pouvons rejoindre Tintiane en une journée à pied. Par contre, je ne me rappelle de rien d'autre.
- Ça me va quand même, commençons par sortir d'ici.
Elles mirent un certain temps à trouver la sortie mais une fois dehors, l'air de la liberté emplit leurs poumons et leur fit se sentir vivantes. Elléa les entraîna à travers les ruelles étroites avec l'habileté que confère l'habitude. Hanæ la suivait en évitant habilement les gens et obstacles, Lauwe avait un peu plus de mal mais parvenait sans trop de peine à les suivre. Elléa les guida en suivant son instinct plus que sa mémoire défaillante. Mais elle stoppa net devant un haut bâtiment. Elle hésita puis poursuivit sa route. Consciente de la curiosité des deux autres, elle expliqua :
- Je crois que j'ai connu cet endroit, mais je ne sais plus pourquoi ni même ce que c'est. J'ai préféré continuer.
Elles comprenaient très bien et la suivirent sans ajouter un mot. Finalement elles atteignirent le marché. Elles avaient suffisamment d'argent du vol des réserves de la tour et louèrent des chevaux. On leur indiqua le chemin et elles s'élancèrent dans un galop tranquille. Le voyage fut pénible. Lauwe savait monter à cheval, elle le savait, mais son corps souffrait. Ses compagnes n'étaient pas tellement mieux loties. Heureusement la confrérie des rêveurs n'était pas loin et elles mirent peu de temps à l'atteindre. Elles furent bien accueillies et soignées.
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On ne peut admirer en même temps la lune, la neige et les fleurs [terminé]
FanficLauwe. Elléa. Hanæ. Trois histoires, trois origines, trois peuples. Trois sœurs de cœur plus que sœurs de sang, réunies puis séparées par le Destin, à moins que ce ne soit la volonté de la Dame. Trois symboles désunis. Cette histoire se place dans l...