Chapitre 4

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Quelques jours plus tard, guéries, elles s'en allèrent, remerciant les Rêveurs pour leur travail. Leur Art avait fasciné la dessinatrice. Elle avait tenté de joindre leur rêve, qui lui faisait la même sensation qu'un dessin mais sans succès. Alors elle avait assisté à autant de rêves que possible pour comprendre. Pendant ce temps, Lauwe et Hanæ travaillaient leurs muscles retrouvés. A la fin de cet assez court séjour, elles étaient allées voir le chef de la confrérie et l'avaient questionné par rapport à leur perte de mémoire. Il avait lui-même déroulé un rêve particulier sur Lauwe, Elléa était fascinée par cet acte et Hanæ n'avait pas aimé l'idée qu'on examine son esprit. C'était donc la Frontalière qui avait accepté. Mais le bilan avait été peu concluant. Il ne comprenait pas ce qu'il avait pu se passer leurs esprits étaient, selon lui intacts. Mais il avait proposé deux solutions. La première, c'est que cette amnésie était due aux coups à la tête qu'elles avaient reçu. Auquel cas, elles devraient progressivement reprendre possession des souvenirs entreposés mais inaccessibles pour le moment.

L'autre possibilité était plus sombre. Un dessinateur avait pu leur en bloquer l'accès. Mais cette possibilité ne s'expliquait pas. A moins qu'elles n'aient toutes trois vu quelque chose qu'elles n'auraient pas dû voir et qui concernait quelqu'un d'assez proche des Sentinelles et dessinateurs les plus puissants du royaume, cela ne s'expliquait pas. Elles n'étaient pas assez intéressantes pour préoccuper les grands du pays. Cependant, pour dissiper le doute, elles avaient choisi de se mettre en route vers Al-Jeit. Un passage à Al-Far leur avait permis de prendre possession de chevaux plus taillés pour le voyage et elles étaient parties. Seule Elléa s'était retournée sur sa selle, déçue de quitter à la fois la confrérie où un Art si intéressant restait incompris à son esprit, et aussi la ville où elle savait avoir vécu. Si ses souvenirs devaient revenir progressivement, peut-être y connaissait-elle des gens ? Mais cela devrait attendre son retour. L'Académie d'Al-Jeit serait le meilleur endroit pour se renseigner.

Les trois jeunes filles discutaient de plus en plus, au fur et à mesure que leurs esprits s'emplissaient de souvenirs qu'ils soient dus au voyage ou au passé. Elles retrouvèrent leurs noms complets. Lauwe Til'Ebrel, Elléa Nil'Urgiel et Hanæ Valiga. Cette dernière était la seule non noble, jusqu'à ce qu'un souvenir remonte dans l'esprit d'Elléa. Elle avait été anoblie par son entrée à l'Académie ! Elle y avait donc bel et bien été élève dessinatrice. Mais depuis combien de temps et si elle avait été diplômée, à supposer que ce soit possible vu son âge, elle n'en savait rien. Mais des réponses l'attendaient à Al-Jeit et elle en fut impatiente de rejoindre la capitale, qu'elles savaient grandiose par ailleurs. Et elles ne furent pas déçues.

De la totalité du voyage, la fin fut la plus inoubliable. Car si Al-Jeit était une cité merveilleuse, la découverte du Lac Chen puis du Pollimage mais surtout la Grande Arche qui enjambait ce dernier fut une expérience inouïe pour les trois jeunes filles. Le lac, tout d'abord, si grand qu'il semblait être une mer intérieure. Aucune des trois ne se rappelait avoir vu autant d'eau. L'incroyable fleuve qui en découlait les laissa également bouche bée. Comment pouvait-on appeler ça un fleuve ? « Pollimage » aurait dû être un nom commun plus qu'un nom propre. Mais l'Arche... L'Arche était une poésie, un rêve, un mirage tant il leur semblait impossible et irréel. Sa grandeur incroyable comme ses couleurs qui parcouraient le spectre complet de la lumière blanche. Elles l'aimèrent immédiatement.

Comme elles s'étaient arrêtées pour le contempler, un homme les rejoignit. Il avait bien vu qu'elles l'observaient avec admiration alors il se mit à côté d'elles pour le regarder en silence. Finalement il le brisa pour dire :

- L'arche est une pure merveille n'est-ce pas ? Il est une légende qui raconte qu'un homme a passé plusieurs jours à le contempler, fasciné par sa beauté. Puis, lorsqu'il a eu fini, il est mort, heureux.

Il leur laissa le temps d'apprécier cette histoire puis leur souhaita une bonne continuation avant de s'éloigner. Elles ne prononcèrent un mot, prises par leur admiration pour l'éternelle splendeur qui s'offrait à eux. Finalement, elles parvinrent à grand peine à se ressaisir suffisamment pour poursuivre leur chemin. Mais elles ne prêtaient guère attention au chemin et ce fut un miracle si personne ne leur rentra dedans. Même si elles ne la traversèrent pas, étant passées par Al-Chen, sur les conseils d'aubergistes, afin de se ravitailler, elles ne cessèrent de la contempler. Seul Al-Jeit parvint à les détourner de leur observation. La ville était absolument incroyable elle aussi.

Les dessinateurs qui avaient créé cette cité aux mille merveilles étaient surdoués. Elle se dressait seule au milieu de la plaine, en haut d'un roc inimaginable. Personne n'avait osé construire à côté d'une telle création et elle dominait les environs de sa grandeur et de sa beauté. Les tours qui s'élevaient dans le ciel étaient à la fois un défi à la pesanteur et au temps. Éternelles et irréelles. Des coupoles renvoyaient la lumière du soleil de la fin d'après-midi et des passerelles délicates reliaient ces constructions. Des cascades tombaient près des rampes d'entrée et chutaient dans un doux bruissement dans une rivière qui encerclait la ville. Celle-ci, aussi impossible qu'elle puisse paraître, se dressait sous leurs yeux avec majesté.

Gwendalavir recelait d'incroyables merveilles mais les trois jeunes filles avaient découvert les plus belles d'entre elles en une seule journée. Désormais leur périple touchait à sa fin. La ville d'Al-Jeit était également une merveille. Pour Lauwe qui maîtrisait difficilement le dessin, l'idée qu'on puisse concevoir une ville aussi incroyable à partir de l'Imagination seule était presque impensable. Et elle était en train de fouler le sol de cette ville incroyable.

Les trois rejoignirent l'Académie. Elles remontaient le flot d'élèves et parvinrent au bâtiment. Là, elles se firent indiquer une auberge, étant toutes trois d'avis qu'y aller en journée serait plus favorable. Elles auraient plus de temps pour mener leurs recherches et les élèves étant en cours, personne ne pourrait les déranger. De plus, après un si long voyage, elles ne désiraient que profiter d'un lit confortable. Éreintées, le dîner fut expédié et elles s'adonnèrent avec bonheur au sommeil.

On ne peut admirer en même temps la lune, la neige et les fleurs [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant