On ne peut admirer en même temps la lune, la neige et les fleurs [terminé]

Chapitre 11

Elles s'éveillèrent tôt, assez mal reposée. Hanæ était celle qui avait le mieux dormi, habituée à ce genre d'exercices. Ensuite, Lauwe, qui savait relâcher ses muscles et était donc parvenue au sommeil. Mais Elléa portait de belles traces sous les yeux, attestant de son stress de la veille. Elles réglèrent, sellèrent Altaïr, Guimauve et Équilibre et s'en allèrent au galop d'Al-Far, sans se retourner. Lauwe, par respect de Frontalière, avait fait déposer une lettre laconique annonçant sa démission à la Tour de Guet, ce que les deux autres avaient trouvé idiot. Elles étaient tout de même parvenues à la convaincre de ne pas aller la déposer par elle-même, comme elle l'aurait voulu.

La route leurs prit deux semaines car elles devaient tout de même ménager leurs montures, mais la gravité de la situation fut un peu amoindrie par l'Arche, dont la splendeur aurait pu calmer même un brûleur énervé. Parvenues à Al-Jeit, elles se rendirent à l'Académie. Inutile de demander par elles-mêmes une audience à l'Empereur, il valait mieux que la demande ne parvienne pas de jeunes femmes mais d'un professeur émérite en dessin. Elléa alla voir le professeur en lequel elle avait le plus confiance, qui était bien heureusement aussi expérimenté et reconnu de tous pour ses talents.

Il les reçut avec gentillesse, leur offrit à boire, ce qu'elles acceptèrent avec plaisir. Elles se sentaient sales après leur long voyage mais l'urgence leur avait fait oublier leur état. Prendre ce moment leur fit réaliser à quel point elles étaient peu présentables et elles s'en excusèrent également. Puis elles expliquèrent leur problème, précisant et insistant sur le fait qu'elles ne pouvaient lui expliquer toute l'histoire. Il protesta cependant, ce qui était plus que compréhensible.

- Tu devrais pouvoir m'en parler Elléa. Je ne peux demander audience à l'Empereur sans expliquer pourquoi.

- Je... Je suis désolée, professeur, mais...

- Mais ce complot touche à des personnes trop haut placées. Même si vous êtes innocent, vous êtes sous les ordres de personnes qui ne le sont pas. Et malgré toute la confiance qu'Elléa vous accorde, je ne vous connais pas de la même manière et Lauwe non plus. J'espère donc que vous comprendrez que vous ne voulions pas vous en parler. Mais si vous ne pouvez nous aider, nous ferons sans.

Hanæ posa sa tasse, se leva, tourna les talons et s'en alla, les deux autres s'apprêtant à faire de même, malgré leur déception, mais il la rappela avant qu'elle ne franchisse la porte.

- Pardonnez-moi, jeune fille, j'estimais pouvoir connaître les raisons. Puisque cela m'est interdit, et j'accepte mieux votre choix, je vais vous aider comme je le peux. Mais je vous demande simplement de m'expliquer tout lorsque ce sera possible. Je suis un vieil homme, je ne veux pas garder un mystère jusqu'à la fin de ma vie.

La Marchombre accepta ce marché qui semblait tout à fait équitable et ils échangèrent un moment avant qu'elles ne partent, ravies de voir leur affaire avancer. Elles allèrent enfin prendre une chambre et un bain plus que nécessaire pour se débarrasser de la crasse accumulée. De plus, dès le lendemain, Elléa reprenait les cours et Hanæ comptait expliquer à son maître ce qu'elle savait si elle parvenait à le trouver. Lauwe allait tenter de contacter des Frontaliers hauts placés. A elles trois, elles espéraient parvenir à parler à l'Empereur. Si on le disait vieux et déclinant, il restait la figure d'autorité et il avait toujours été juste, elles pensaient donc qu'il était le seul à qui elles pouvaient parler.

Il leur fallut des jours pour trouver une aide digne de ce nom, mais le professeur d'Elléa était parvenu à leur obtenir un entretien. Seulement, ce n'était pas avec l'Empereur mais un genre de secrétaire – c'était ainsi qu'elles avaient compris son rôle – qui déciderait de leur motivation. Elles étaient convaincues et soulagées donc cela leur sembla être la meilleure nouvelle depuis qu'elles avaient retrouvé leurs souvenirs, Lauwe exceptée.