On ne peut admirer en même temps la lune, la neige et les fleurs [terminé]

Chapitre 12

Elles reçurent quelques jours plus tard un message très officiel les invitant à aller au palais le lendemain en début de soirée. Elles étaient ravies mais inquiètes. Comment cela se passerait-il ? Il s'agissait sans nul doute d'un genre de réunion où tous seraient là à les harceler. Fil'Palis serait-il présent également ? Probablement. Elles commencèrent à se sentir nerveuses, dans l'ignorance la plus totale. S'il avait été informé, nul doute qu'il ne les laisserait pas faire si facilement. Elles décidèrent donc gravement de rester enfermées jusqu'au lendemain soir, se préparant et peaufinant leurs explications. Lorsqu'il fut enfin temps, elles étaient sur des charbons ardents. Dans quoi s'étaient-elles fourrées ? Mais il était trop tard pour revenir en arrière, sinon, peut-être auraient-elles confié l'affaire à des mains plus compétentes ? Elles ne le sauraient jamais.

Elles s'enfoncèrent dans les ruelles d'Al-Jeit, la lumière déclinait doucement, des lanternes s'allumant à intervalles réguliers. Cela créait une ambiance particulière et, dans l'état où elles étaient, elles étaient persuadées de mal tomber. Quelle idée aussi de mettre cette réunion en fin de journée plutôt que dans l'après-midi. Mais l'hiver approchant, les nuits étaient de plus en plus précoces et longues. Il n'y avait finalement pas de bon choix à faire et elles n'avaient de toute manière pas leur mot à dire sur les décisions de l'Empereur.

Alors qu'elles marchaient avec précaution pour éviter d'attirer les regards, s'approchant à chaque pas du palais, une ombre se détacha du mur. Comme leurs sens étaient aux aguets, Hanæ sentit quelque chose arriver. Elle parvint à éviter le trait qui filait vers elle, le sentant tout de même tracer une ligne de feu sur sa joue. Trois combattants se déployèrent devant elles. Lauwe reconnut sans peine Ziriad, au centre. Il était entouré de soldats bien plus lambda mais sûrement pris parmi les meilleurs. Cependant, l'archer n'était pas parmi eux, ils avaient donc des renforts. Dès qu'elle en fut convaincue, la Marchombre s'effaça derrière ses amies et prit de la hauteur. Elle repéra sans peine l'ombre tapie et retint une exclamation en le voyant se mouvoir. Cette fluidité, ces gestes... C'étaient ceux d'un Marchombre. Qui avait pu les trahir ?

Lorsqu'il se tourna vers elle, elle comprit qu'il n'était en rien comme elle et l'information se corrigea. Un Mercenaire du Chaos. Un Marchombre qui avait renié l'Harmonie. Mais elle n'était pas censée avoir le niveau pour le vaincre. Elle n'avait cependant pas le choix et se mit en position, assurant ses appuis sur les tuiles glissantes. Plus bas, Elléa s'était placée en retrait, laissant le champ libre à Lauwe, qui avait tiré Aneko. Ziriad la dévisageait, sans expression si ce n'était une ombre dans le regard.

- Je savais bien que t'embaucher une seconde fois en jouant sur le dessin pour espérer que tu nous aies oubliés était une mauvaise idée. J'ignore comment tu as retrouvé la mémoire, mais je ne te laisserai pas passer.

- Quoi ? Comment ça « une deuxième fois » ? Vous m'aviez déjà embauchée ?

- Tiens, tu n'aurais aucun souvenir ? Je me demande bien ce qu'il s'est passé. A moins que ce ne soit la fille derrière toi qui t'ai demandé de l'aide ?

- Expliquez-moi tout.

Il haussa un sourcil puis accéda à sa requête, lui offrant ce qu'elle cherchait depuis des mois et des mois.

- Il y a deux ans, nous cherchions des gardes et tu t'es présentée, une Frontalière aimant le voyage et l'aventure. Une combattante comme toi était une aubaine et nous t'avons embauchée. Seulement, tu étais curieuse et tu as surpris des conversations. Nous ne l'avons pas tout de suite compris, mais lorsque cela a été fait, le Conseiller a choisi d'effacer ta mémoire et nous t'avons mise au cachot. Sinon, tu aurais tout révélé de cette affaire naissante. Mais tu t'es échappée, avec deux autres filles capturées dont je suppose que l'une est derrière toi. Lorsque tu es revenue, il y a quelques temps, tu semblais avoir tout oublié alors j'ai pris la décision de t'embaucher une seconde fois et de te tester en m'absentant. Tu nous as à nouveau trahis et tu es passée entre les mailles de nos filets jusqu'à parler à l'Empereur. Mais tu ne poursuivras pas cette aventure.