Chapitre 13

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Plusieurs jours plus tard, dans les jardins de l'Académie, la cérémonie fut organisée. Lauwe et Hanæ rencontrèrent les parents de leur amie, les leurs étant trop loin pour s'être déplacés jusqu'à Al-Jeit. Seuls les plus grands dessinateurs étaient enterrés à l'Académie, en général les proviseurs successifs. Mais il avait été fait une exception pour services rendus à l'Empire et cette consolation atténuait à peine la tristesse des proches de la jeune fille. Des amis dessinateurs étaient également venus et l'enterrement fut aussi triste que solennel. Lorsqu'elle fut sous terre, ils dessinèrent ensemble une simple fleur qu'ils firent éternelle en son honneur. La délicate création symboliserait la jeune fille au symbole qu'elle avait sous l'œil jusqu'à la fin des temps.

Quelques mots furent prononcés au-dessus du tertre fraîchement constitué. Ils disaient sa gentillesse innocente, son envie de découvrir le monde et d'être utile aux autres. Ils racontaient combien elle avait mené une vie généreuse et paisible jusqu'à son pas sur le côté puis les aventures qui avaient suivi. Ils vantaient son sacrifice qui avait permis de résoudre un sérieux complot contre l'Empire. Sa mort n'avait pas été vaine.

Lauwe et Hanæ pleuraient en silence. Elles avaient toutes deux voulu retenir leurs larmes par fierté avant de céder à la tristesse qui envahissaient leur cœur comme une chape de plomb. Lorsque tout fut fini, les invités s'éloignèrent par petits groupes. Il faisait bon pour une journée d'hiver mais personne ne souhaitait rester dans le froid. Seuls ses plus proches amis restèrent jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que la Frontalière et la Marchombre, prises par leur chagrin. Elles mirent un certain temps à se ressaisir avant de se regarder. Elles n'avaient prononcé un mot depuis le début de la cérémonie et il n'y en avait aucun à dire. Mais à écrire, oui. Se saisissant d'une pierre blanche, faite de craie, Hanæ laissa ses émotions puissantes guider sa main et la Voie placer des mots sur lesdites émotions.

Comme toute fleur meurt un jour

Nul n'est éternel

Seule la peine demeure



Plusieurs jours étaient passé, elles avaient été convoquées à plusieurs reprises au palais. A chaque fois, ils étaient plus nombreux à venir écouter l'affaire, bien que l'Empereur, fatigué, ne se donne pas la peine d'assister à de telles réunions. L'affaire faisait du bruit à Al-Jeit. Trois jeunes filles avaient découvert un complot contre Fil'Palis, un des plus importants conseillers de l'Empereur ! Ce n'était pas rien ! Elles étaient parvenues à rester discrètes, de toute manière, peu s'intéressaient à elles. La question de l'avenir de l'Empire, puisque ses failles étaient révélée, préoccupaient bien plus les Alaviriens. Jinus Fil'Ophel était un vieil homme et la succession s'avérait houleuse, en ces temps sombres. Ils l'étaient déjà avant, avec la descente des Géants de leurs montagnes pour prendre le contrôle des Raïs, mais les choses ne s'arrangeaient pas, bien que le pire soit évité.

Lauwe rentra à la Citadelle. Elle ne voulait pas rester dans cette ville sombre et elle avait hâte de revenir chez elle, tous ses souvenirs en mémoire. Elle avait retrouvé sa famille depuis des mois, mais elle avait eu du mal à se montrer chaleureuse avec eux, n'ayant pas l'histoire qui les avait soudés en tête. Elle respectait son grand-frère qui l'avait initiée au sabre petite, selon ses dires, mais elle ne parvenait pas à l'aimer. Elle appréciait ses parents, la cuisine de sa mère et le regard chaleureux de son père, mais elle était incapable de les voir comme ses parents. Désormais, ils allaient à nouveau reformer une famille et l'avenir était plus clair malgré le nuage noir de la mort d'Elléa.

Hanæ pour sa part avait enfin mené à bien la mission de son maître. Il lui avait fallu deux ans pour cela et elle avait désormais à achever son apprentissage. Elle avait encore plusieurs mois à arpenter la Voie en sa compagnie avant de pouvoir se nommer réellement « Marchombre » à part entière. Parfois, elle se sentait l'être déjà, surtout que peu avaient accompli le voyage jusqu'à la montagne sacrée qu'était le Rentaï. Par cela, elle avait découvert une partie de l'âme Marchombre et cela ne la quitterait jamais. Mais elle n'était pas encore complètement prête à arpenter seule le monde. Elle n'aurait pas vaincu ce Mercenaire du Chaos sans l'aide de son amie, comment pourrait-elle survivre dans un monde où il existait des guerriers autrement plus redoutables, sans le savoir nécessaire ? Rien que Ziriad aurait été un adversaire d'un trop bon niveau pour elle, heureusement que Lauwe avait été capable de le vaincre. Alors elle avait quitté Al-Jeit elle aussi, suivant les pas de son maître, montée sur Équilibre. La malheureuse Guimauve était rentrée à Al-Vor avec les parents d'Elléa et toutes les affaires qu'elle avait accumulées à l'Académie depuis quelques années.

Le trio était à nouveau brisé mais jamais il ne se reformerait. Cela résonnait dans les pensées de la Frontalière, avançant au pas avec Altaïr. Elle avait décidé, malgré le danger, de voyager seule avec sa peine et son cheval. Il lui faudrait quelques temps pour assimilier complètement tout ce qu'il s'était passé ces dernières semaines. Elle allait prendre le temps de se reposer, seule d'abord puis avec sa famille. Et un jour, elle retrouverait Hanæ et elles iraient saluer Elléa afin d'accepter définitivement sa mort. Elles pourraient alors, libérées de leurs souvenirs et de leur peine, vivre complètement. Mais cela ne serait pas simple.


Plusieurs mois passèrent. 

On ne peut admirer en même temps la lune, la neige et les fleurs [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant