On ne peut admirer en même temps la lune, la neige et les fleurs [terminé]

Chapitre 14

Altaïr luttait bravement contre la pente raide qu'il tentait vainement de passer. Lauwe, sur son dos, l'encourageait de la voix et des mains. L'hiver était passé, l'Empire s'était remis et les Raïs étaient toujours maintenus derrière les Frontières de Glace. Mais la neige était encore là dans les Marches du Nord, contrée froide de Gwendalavir. Elle finirait par céder au printemps qui avait recouvert le pays par le sud mais cette contrée resterait froide et inhospitalière. Et les flocons qui recouvraient le sol étaient un rempart efficace malgré la force du petit hongre. Mais finalement, il parvint au sommet et s'élança avec joie dans la plaine. Le village fut vite en vue et Lauwe se dirigea avec l'habitude de celle qui y a toujours vécu entre les maisonnettes. Elle avait définitivement repris possession de ses souvenirs et avait jusque-là mené une vie calme. Elle se sentait de plus en plus prête à repartir explorer Gwendalavir, du haut de ses presque vingt ans.

Lorsqu'elle arriva chez elle, elle prit le soin de s'occuper soigneusement d'Altaïr, le pansant, curant ses sabots et le réchauffant d'une couverture après l'épreuve du froid. Une fois qu'elle fut satisfaite, elle rangea son matériel dans une malle et rentra chez elle. En poussant la porte, elle sentit que l'atmosphère était différente de d'habitude et elle fut immédiatement sur ses gardes. Mais son regard tomba sur une lune stylisée, barrée d'un trait net. Hanæ était là. Le symbole sous son œil resterait brisé. Puisque celle qui représentait la fleur n'était plus, seule restait la femme au flocon. Elles qui avaient formé un trio inséparable... Il fallait mettre le passé de côté, sans pour autant l'oublier car, pour avoir expérimenté l'amnésie, elle savait que le passé déterminait l'avenir. Lauwe remit ses pensées à leur place et alla saluer chaleureusement son amie, la prenant dans ses bras après une si longue durée.

Elle la présenta officiellement à ses parents et le dîner fut plus calme que d'habitude. Puis elles sortirent toutes les deux, décidées à échanger sur tout ce qu'il s'était passé depuis tout ce temps. Ce fut Hanæ qui commença, sans vraiment laisser le temps à Lauwe de dire un mot.

- J'ai terminé mon apprentissage. Je suis Marchombre. Mais j'ai l'impression d'être surtout seule.

Un moment de silence suivit cette déclaration. La Frontalière sentait qu'il y avait une suite et laissa son amie formuler ses idées sans l'interrompre.

- Elléa qui s'en va, mon maître qui me laisse. Tu n'étais pas là, même très loin de moi. J'ai hésité à aller voir ma famille, depuis trois ans que je ne les ai pas vus, mais je voulais te voir avant. Je ne suis pas certaine de l'endroit où ils sont alors je ne voulais pas faire le voyage seule.

- Tu voudrais que je vienne avec toi. Comme elle acquiesçait, elle poursuivit, ce serait avec plaisir, d'autant plus que je n'ai jamais vu le pays Faël.

Elles se mirent d'accord pour partir dans quelques jours, le temps de tout planifier. Ses parents ne furent pas ravis de voir leur fille quitter la maison après qu'elle ait eu tant de problèmes la dernière fois, mais ils acceptèrent. Lauwe ne se retourna qu'une fois en partant. Elle reviendrait, elle en était certaine.

Un an était passé, elles avaient voyagé ensemble bien longtemps, finissant par retrouver les Valiga, effectivement en pays Faël, mais à Sinum et non à Illuin, comme il l'était prévu. Puis elles s'étaient séparées et cela faisait à présent deux mois que Lauwe parcourait Gwendalavir. Elle avait choisi de vivre en mercenaire, bien que cela lui évoquât trop le Chaos, c'était le terme le plus adéquat. Elle travaillait là où on avait besoin d'elle, respectant cependant éthique et honneur à travers ses missions, contrairement à ce que l'on pourrait attendre de quelqu'un qui vendait ses services guerriers. Elle était une Frontalière après tout. Et elle protégeait l'Empire.