Prologue

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Noir.

L'obscurité s'est emparée de mon monde. Les ténèbres ont envahi mes sens. La couleur n'est plus qu'un souvenir que le temps a emporté, comme il emporte tout ce à quoi on tient. Seul subsiste le noir. Aux bords aussi tranchants que la plus affûtée des lames. Plus profond qu'un abîme sans fin. Une seule nuance. Celle du désespoir.

Froid.

Je le sens qui pénètre au plus profond de mon âme. Glaçant la moindre parcelle de mon corps. M'arrachant les pensées une à une. Toute étincelle de vie semble m'avoir quitté. Les souvenirs heureux s'envolent à tire-d'aile. Ils ne sont plus que de lointains échos résonnant dans le vide du silence. Et ce froid, toujours. Un étau qui se resserre. Une menace qui se rapproche. Inexorablement. Partout et nulle part à la fois. Terrifiant.

Silence.

Si pesant qu'il en devient assourdissant. Presque aussi glaçant que le froid qui transperce mon corps. Ce calme qui m'était pourtant si familier n'est maintenant plus qu'un sombre nuage obscurcissant le ciel d'une longue nuit hivernale. Aussi invisible que les démons nocturnes qui hantent les rêves. Mais bien présent, brouillant la vue de ceux qui veulent regarder les étoiles.

Figée.

Je ne suis guère plus qu'une poupée de chiffon abandonnée. Incapable de bouger. Oubliée. Ne reste plus qu'une âme vidée de sens. De ce qui la fait vivre. De liberté. Emprisonnée dans un corps inerte. Au fond qu'est-ce que la vie ? Une succession d'événements destinée à peu à peu nous faire sombrer ? Pour certains c'est facile. Ils vivent, et c'est tout. Sans ce soucier de ce qui leur arrivera le lendemain. Pas besoin de réfléchir. Être heureux leur suffit.

Et moi, qui suis-je ? Que suis-je même. Est-ce donc ainsi que tout va pour moi se terminer ? Seule, dans l'obscurité, glacée ? Avec pour seule compagnie mes sombres pensées ? J'ai joué. Même si je n'ai pas vraiment eu le choix. J'ai perdu... C'est drôle comme la vie aime se moquer de nous. On se projette, on prend le temps. On vit. Pour quoi ? Pour que tout s'arrête brutalement ? Laissant s'évaporer toutes nos pensées, sans trace...

Je crois que si j'avais pu rire, je l'aurais fait. Ri de mon sort. Ri de la vie, qui prend un malin plaisir à souligner nos torts. Ri la cruauté de ce monde. Que l'existence est ridicule...

Espoir.

C'est drôle aussi, comme l'être humain se prend à espérer. Comme si il n'était pas capable de réaliser que tout est fini. Le refus d'accepter son sort... Je suis là, je pense, je réfléchis. Je suis encore en vie. Alors une partie de moi se dit que tout n'est peut-être pas perdu. Celui qui réfléchit vit bien plus de choses que celui qui ne fait que penser. En fait, c'est beau la vie quand on réfléchit. Cette inconstance des émotions. Ce tourbillon intérieur. Cette tempête de sensations. Moi aussi, je veux vivre, et c'est tout.

Vengeance.

Entre la vie et la mort, je choisis la vie. Et personne n'a le droit de décider pour moi. Ils n'avaient pas le droit. Ils ont brisé ma vie, ils ont brisé ma famille. Peut-être qu'au fond je savais ce qui arriverait. La seconde secousse est toujours plus forte que la première. Mais ce qui va dans un sens peut aussi aller dans l'autre. Au fond nous ne sommes que le reflet de notre âme. Je ne suis plus qu'un fragment de moi-même. Peut-être le plus important. Mais même les braises les plus petites peuvent allumer une flamme. Un jour le feu prendra le dessus sur la glace. Et ils payeront...

Asliona - Le Livre de la PerteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant