Lexa :
« Dans les contrées profondes de chaque royaume, les conteurs avaient pour tradition de posséder un corbeau. Noir de geai et fidèle. Bien qu'à la réputation déplorable, ces animaux étaient reconnaissables entre milles. Leur patte était la signature officielle du conteur qui, nomade, ne pouvait être recensé. Ces oiseaux prévenaient du danger et représentaient leurs maîtres.
Quand Titus II envahit Arkadia, les corbeaux servirent de messagers pour la résistance. Déjà un symbole de liberté d'expression et de choix de vie, ils le devinrent encore plus lors de ces missions. Vicieux, ils s'attaquaient aux yeux des ennemis. Agiles, leurs attaques éclairs faisaient beaucoup de blessés dans l'armée du roi conquérant.Le corbeau devint ainsi, le symbole d'une déclaration de guerre. »
Il n'y avait aucun mot pour expliquer le cadavre animalier trouvé. Rien qui n'aurait laissé connaître son meurtrier. Le brouhaha qui animait la salle ne se fit que crescendo pendant que je m'efforçais de garder une image nette de la réalité. Qui aurait pu nous attaquer ainsi ? Si cela avait été le royaume du Nord, il aurait brisé un traité ou tué un diplomate. Ils auraient crié haut et fort leur haine contre nous. Ils auraient déjà envahi Polis à l'heure qu'il était. Ils ne se seraient pas donné la peine de nous prévenir de leur invasion. La brutalité des guerres de territoires était ce qui les caractérisait. Alors... ce n'était pas une guerre de territoire. Même pas un désaccord diplomatique qui aurait mal tourné. Je crois que j'aurais préféré. Dans ces circonstances-là, on coupe une tête ou deux et le problème est réglé. Ici, la cause de cette mascarade semblait plus insidieuse. Plus secrète. Mais surtout nouvelle. Pourquoi prévenir d'une guerre dont nous n'avions jamais entendu parler ? Pourquoi ne pas nous attaquer en traître puisque nous ne connaissions pas nos ennemis ? La question se tenait là. Devant moi. Ils ne comptaient pas nous attaquer. Enfin, pas pour l'instant. Ils comptaient faire entendre leur présence. Nous faire peur. La menace comme arme de guerre. Et je pouvais connaître les dégâts de cette stratégie. Ils nous mettaient en garde. Contre eux. Contre des figures de l'ombre que nous n'avions pas vu arriver, que nous n'avions pas vu se révolter. Ils voulaient nous prévenir qu'ils étaient prêts à combattre. Mais qui étaient-ils ?
Des bruits de pas et de cris attirèrent l'attention de toute la salle vers la porte. Qui s'ouvrît quelques secondes plus tard avec fracas. Mon père et son principal conseiller entrèrent, le visage grave. Ils semblaient avoir été informés de la chose quelques minutes plus tôt. Discrètement, je fis signe à Clarke de s'éloigner du centre de la pièce. Ce n'était pas le moment de s'attirer les foudres de mon père. Et encore moins devant tout le monde. Et dans ces circonstances. Sa main glissa en une caresse sur mon bras et finit par attraper la mienne. Son pouce me caressa le dos de la main en soutien silencieux. La douceur dont elle faisait preuve en toutes situations me donna un courage immense. Bien plus que toutes ces années d'entraînement auraient pu le faire. Elle finit par lâcher ma main dans une dernière caresse et partit vers Raven qui s'était trouvé un petit coin de pièce et se l'était approprié. Elle jouait avec un objet entre ses mains mais semblait intensément concentrée. Mon regard se tourna à nouveau vers mon père quand celui-ci explosa de rage.
- Que l'on m'amène le diplomate d'Azgeda ! Ainsi que celui du Skaykru !
Puis se tournant vers moi :
- Tu vois ça que tu as provoqué ? Ne crois-tu pas que la situation n'était déjà pas simple ? Tout cela pour une esclave misérable et insolente ! Si cela ne tenait qu'à moi, je la tuerais sur le champ sans pitié pour la guerre qu'elle a déclenché. Que tu as déclenché en voulant la sauver ! Qui est-elle pour mériter un tel traitement de faveur ? Ce n'est qu'une esclave ! Tu vas mener cette guerre ! Et en première ligne ! Ce sera ta punition.
Les deux diplomates, reconnaissables par l'écharpe noire qu'ils portaient en permanence furent rapidement amenés, poussés brutalement par deux gardes. Ils avaient l'air ahuris. Les deux. Aucun des deux n'avait le sourire narquois qu'ils auraient dû porter. Ils étaient abasourdis par la situation, ne sachant que faire alors qu'on les accusait d'un crime qu'ils n'avaient pas commis.
De mon côté, je me taisais, ne voulant pas attiser la colère du roi. Je m'y étais déjà assez mêlée. Je me déconnectais de la réalité, réfléchissant à notre ennemi, qui, j'en étais sûre, n'était ni le Skaykru, ni Azgeda. Cela ne leur ressemblait pas. Pourtant mon père continuait d'invectiver les deux pauvres diplomates complètement dépassés par la situation. Ils se défendaient comme ils le pouvaient mais sentaient la colère de mon père monter, et tout le monde savait que cela ne se terminerait pas bien. Des épées sortaient de leurs fourreaux, menaçantes. Les veines apparaissaient sur les fronts des diplomates. La peur prenait possession d'eux. Ils ne pouvaient plus penser. Ils étaient à la merci de Titus. Et il le savait.
Cependant, mon géniteur ne voyait que les évidences, et ne savait comment réagir à la moindre complexité. Il était plus habitué à agir qu'à réfléchir. Et aujourd'hui, cela se ressentait. Ses conseillers n'osaient le contrarier alors même qu'ils avaient eux aussi des doutes quant à la provenance du corbeau. Leurs sourcils froncés le démontraient. Leurs gestes saccadés à l'approche de l'exécution injuste, parce oui, la salle entière savait ce qui allait arriver, semblaient construire une chorégraphie robotique. L'air se faisait rare, ou du moins le semblait-il. Les poitrines se soulevaient de plus en plus vite alors que la tension ne faisait que monter. Les muscles se tendaient et les mâchoires se crispaient. Puis la sentence tomba.
- Tuez-les !
Et, sans que je ne comprenne rien, je me retrouvais devant les diplomates en position de défense, croisant le fer avec deux gardes dont j'avais arrêté les épées. Voyant que c'était moi en face d'eux, ils baissèrent directement leurs armes, baissant la tête. Ils étaient perdus, ne sachant quoi faire entre l'ordre de leur roi et la fidélité qu'ils me devaient. Un cri de rage retentit alors.
- Mais que fais-tu Alexandria ? Comment oses-tu contester mes ordres ? Ces diplomates sont des traîtres, des menteurs et des lâches ! Je ne les laisserai pas s'en sortir ainsi, sans que le sang ait coulé pour leur manque d'honneur.
Un combat de regard commença alors. Je ne baisserai pas les yeux. Pas cette fois. Deux hommes ne peuvent pas mourir sans justice efficace une fois de plus. Je me le refusais.
- Je pense que vous avez tort.
Ma voix était sortie. Claire et nette, tranchant le silence glacial qui régnait depuis que je m'étais interposée.
- Excuse-moi ? Je crois que je n'ai pas bien entendu.
Puis, se tournant vers les spectateurs contraints, il leva les bras et répéta un peu plus fort :
- Je crois que je n'ai pas bien entendu n'est-ce pas ?
Tous hochèrent de la tête assez timidement, bien décidés à ne pas contrarier un peu plus le roi. Puis, il se tourna vers moi.
- Je tiens à être magnanime aujourd'hui, c'est ton jour de chance, dit-il d'un ton mielleux avec un sourire discret mais narquois. Je te laisse une chance de te rattraper. Ne suis-je pas généreux ?
Un bruissement de chuchotements approbateurs lui répondit.
- Je ne suis pas d'accord avec vous sur cette décision de condamner des personnes qui n'ont rien fait.
Ma réponse trancha son orgueil une nouvelle fois. À la fin de ma prise de parole, son sourire devint fou comme possédé. Il se tourna vers la foule, la prenant à parti comme pour justifier ses prochains propos.
- Oh chère Alexandria, tu n'es pas d'accord ? Mais qui t'a demandé ton avis ici ? Tu n'as absolument aucun droit de parole mais seulement d'obéissance à ton roi. Tu n'es rien sans le titre que je t'ai accordé ! Pour qui te prends-tu ? Sans moi, tu serais misérable. Tu serais abandonnée et morte de faim depuis bien longtemps. Sans moi, tu aurais été assassinée bien des fois. Qui te protège ? Qui te nourrit ? Qui t'offre tous les privilèges dont tu abuses clairement aujourd'hui ? Qui t'offre un toit pour dormir ? Qui t'offre une sécurité des plus sûres du monde ? C'est MOI ! Tous ces vêtements que tu portes, tous ces bijoux dont tu disposes, tous ces égards dont tu es le sujet, ne crois-tu pas qu'ils viennent de MOI ? Alors je te le demande une nouvelle fois, qui t'a demandé ton avis ici ?
Baissant la tête, il n'y avait rien à répliquer. J'étais allée trop loin. Qu'aurais-je pu répliquer devant cette salle dévouée à mon père ? Je n'étais que le vilain petit canard, trop irrespectueux et sans reconnaissance à l'homme qui m'avait tout donné. J'étais en tort. Mon sang bouillonnait dans mes veines alors que je décidais d'abandonner la partie. Celle-ci m'était trop fatale pour continuer à chercher le combat. Je serrais les dents et déposais genou à terre, signalant mon abandon. Ma perte. Ma fuite du conflit. J'avais perdu. Trop tôt pour provoquer le moindre sursaut d'humanité chez les spectateurs. Trop tard pour échapper aux conséquences, qui, je le savais, seraient désastreuses et douloureuses. Mon père reprit la parole.
- Sergent Murphy, accompagnez ces hommes au cachot le plus noir que nous ayons. Tant que nous n'aurons pas de réponse, la faim sera leur meilleur ami. Ils croupiront avec les rats puisqu'ils ont perdu depuis longtemps le peu d'honneur qui faisait d'eux des hommes.
La sentence étant tombée, nombre de personnes sortirent de la salle précipitamment, préférant se cacher des foudres du roi pendant quelques heures. Ce dernier s'adressa à moi :
- Cette histoire n'est pas finie, tu le sais Alexandria. Tu viendras me voir ce soir pour que l'on règle cela. Tu sais à quoi t'attendre. Tu m'as fait honte et tu as incité à mon déshonneur. Tu seras punie en conséquence. Tu sais que je ne laisse rien au hasard. Prépare-toi.
Sa façon de me congédier, bien qu'attendue, me gela le sang. Rapidement, je quittais la salle. C'est presque en courant que je rejoignis ma chambre. Une fois entrée, je m'adossais à la porte et tentais de retenir les larmes. J'avais terriblement peur de cet homme. De ce monstre. Me cachant les yeux de mes mains pour ne pas laisser couler mes larmes, je ne vis pas Clarke approcher. Je sentis juste son corps se coller au mien, m'apportant le réconfort dont j'avais besoin. Délicatement, elle décolla mes mains de mon visage et plongea ses yeux dans les miens. Leur couleur m'apaisa immédiatement. L'angoisse disparut. Elle passa une main derrière ma nuque, exerçant délicatement une force pour me faire baisser la tête vers son cou.
- Laisse toi aller Lexa. Je suis là pour toi.
Mes mains s'accrochèrent à sa tunique au niveau de ses côtes pour me raccrocher à quelque chose. Elle était mon roc. Des larmes perlèrent à mes yeux et dévalèrent mes joues pour venir mouiller sa tunique.
- Chut... mon cœur... je suis là. Je ne te lâche pas.
Un lourd sanglot bloqué au niveau de la gorge s'échappa, me faisant trembler contre son corps chaud. Mon front posé contre son cou m'apporta la douceur dont j'avais besoin.
Un raclement de gorge attira mon attention mais ne faisait pas bouger Clarke d'un millimètre.
- Loin de moi l'intention de briser votre moment trop mignon mais tu as reçu une lettre Alex.
La voix de Murphy me parvint mais je n'avais pas envie de bouger.
- Alex ?
Je soupirais doucement.
- Juste une seconde John.
Inspirant profondément le parfum de Clarke qui servait d'oxygène à mon cœur, je relevais ensuite la tête près de la sienne. Lui déposant un tendre baiser sur la joue en guise de remerciement, je me décidais à regarder Murphy.
- Qu'y a-t-il ?
Son regard tendre posé sur nous tel un grand frère protecteur se fit plus alarmiste lorsque je posais ma question. Il bougea légèrement son bras et je remarquais qu'il tenait une lettre au bout de celui-ci.
- Ce n'est pas une guerre Alexandria. C'est une révolution.
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You're my evidence of love's existence (FanFiction)
FanfictionUn autre univers, une autre histoire. Une histoire de prince charmant avec une Commandante à la place du prince et pas vraiment le côté charmant... Injustement, Clarke se retrouve esclave de la Commandante tandis que la couleur de ses yeux et de ses...