« Il ne demandait pas la lune... »

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Le ciel nocturne semblait jouer à cache cache, entre quelques Cirrus, tandis qu'à l'horizon, derrière la chaîne de montagne et les hauts pins se dessinaient de longues nappes de Stratus. Pourtant, le mauvais temps de la journée, menée ou plutôt malmenée par les Cumulonimbus et les Nimbostratus ne semblait pas avoir affecté l'apparition de la voûte céleste, véritable porte ouverte sur la galaxie elle-même. De ce lieu était visible une petite partie de la voie lactée, une simple esquisse des mystères de l'univers entier. Mais sur ce petit bout de planète, dans cette région éloignée et dissimulée, à l'abri des regards. Zone au sol blanchi de tant de couche de neige, laissé vert par quelques aiguilles étant tombée de leurs longues branches. Le lac, bien que gelé, laissait se refléter les milles et unes lueurs nocturnes. Le calme plat à peine dérangé par le vent léger et glacial restant. Aux quelques nuages s'accrochaient encore les dernières couleurs, des derniers rayons de soleil. Douces nuances de rouge, de jaune, d'orange, de rose, de violet, quelques bleues aussi, tant de teinte... Dans le calme crépusculaire, comme une ombre cauchemardesque se dressait un simple petit chalet. Lieu de vacances qu'occupaient deux frères, deux êtres aux âmes jumelées, puisque,eux-même l'étaient. La petite habitation était dores et déjà plongée dans le noir... Presque en réalité. De la baie vitrée du salon se dessinaient les ombres dansantes et frivoles du feu ronronnant dans l'âtre, comme le petit squelette aux douces pupilles dorées s'attardait à la lecture d'un roman dont il raffolait. Bien que déçu du couché rapide de son frère, Dream passait une agréable soirée. À l'étage du dessus, dans une chambre douillette aux coloris allant du bleu nuit au violin délicat, dans un grand lit à baldaquins, dormait son jumeau, Nightmare. Calme sommeil qu'il en était... Bien que ses traits s'en trouvaient étrangement déformé, comme si... Quelque chose, dans ses songes lui serrait l'âme. Le Prince des Malheurs n'était pourtant pas connu pour une quelconque faiblesse, bien au contraire... Mais le faible couinement qu'il laissa entendre semblait attester du fait que son rêve ne lui était plaisant.

"Il l'avait vu, le dernier soir, bondir de son lit et partir en trottinant, queue droite sans battre l'air, à peine recourbée, tandis que le bout de celle-ci formait un joli arrondi, comme s'il cherchait à lui prouver quelque chose. Sa fourrure, qu'il savait douce comme les nuages laissant coquettement les quelques reflets de lumière jouer entre les poils noirs, gris et roux de son corps, comme il remuait sa petite truffe, analysant son environnement à son habile habitude. Il le testait, il n'avait aucun mal à le savoir, cela brillait dans ses yeux d'adorable félin tandis qu'il passait la porte de sa chambre, l'air de rien, trottinant, animal fier qu'il était. Allait-il le suivre? Si cela ne tenait qu'à lui, au lendemain, il repartirait avec, l'emmenant dans ses bagages. Mais les autres ne voulaient pas. Alors, il était simplement resté assit à le regarder sortir de sa chambre provisoire, avant de regarder sa valise avec lassitude et désespoir. Sans rien dire, sans faire le moindre mouvement, seulement ses phalanges couleur néant glissantes sur son clavier, blanc cassé. Il avait échoué au test. Et au retour du petit félin, il avait pu lire, tristesse et déception. Regret, incompréhension. "Tu m'abandonnes?" Demande silencieuse d'un regard. "J'aimerai avoir à ne pas le faire..." Réponse muette d'un autre regard. Le chaton avait simplement baissé les oreilles, puis la queue et la tête, avant de se frotter affectueusement à lui en ronronnant, comme mélancolique. Pour bondir de son lit, queue droite, à peine recourbée, le bout de celle-ci formant un joli arrondi tandis qu'il passait la porte de sa chambre, l'air de rien, trottinant, animal fier qu'il était... Mais ce soir, il ne dormirait pas avec lui."

Les orbites de Nightmare s'ouvrirent, comme ce souvenir revenait encore, à chaque début de nuit, le hanter de manière mordante et mesquine. C'était il y a plusieurs longues années, dans sa fausse jeune, quand il profitait d'un événement étrange ayant comme, adoucit les autres à son égard. Moins seul, il l'avait été, moins craint aussi, mois rejeté, renié, injurié, délaissé, blessé, mal-jugé. Mais la seule chose à laquelle il s'était réellement attaché, était une petite boule de poils. Un chaton...
- Comme si ça ne suffisait pas... Maintenant un chat me hante, soupira-t-il en se couvrant les orbites d'un tentacule.
Il avait tenté l'ironie, mais sa voix s'était élevée basse, faible, tremblante, comme il sentait les larmes s'agglutiner aux bords de ses orbites. "Je ne demande pas la lune! Juste un chaton!" Mais les autres étaient restés sourd aux dires du Prince des Cauchemars... Cela ne faisait que trois jours qu'il était parti de chez lui, pour deux semaines de vacances, et sa famille d'accueil lui avait présentée deux chatons. Il s'y savait allergique, depuis la mort du sien. Alter-ego, ombre, comme une âme sœur. Jamais l'un sans l'autre, mais il était mort... Son "coeur" était mort, alors, il avait tracé une ligne bien précise. Il ne voulait plus de félin. Nightmare ne voulait plus tomber sous le charme d'une petite boule de poils et en souffrir en suite. S'attacher et développer de l'affection lui était difficile, et il n'aimait pas aimer à distance... Ni les séparations, ni le goût âcre de l'abandon, des regrets, du manque, de sa solitude glaçante et violente.
- Sors de mon esprit Mirage... Laisse-moi en paix... geignit-il faiblement, mal en point.
Mais il l'avait quand même fait. Mirage et Frimousse, deux adorables petits félins. Son âme avait flanchée face à Mirage, comme elle avait flanchée face à Herz. Il s'était simplement agenouillé pour le prendre dans ses bras, le caresser en espérant ne pas le voir fuir. "Nous n'en voulons plus, il ne fait que des bêtises." L'abandon encore, pour un caractère polisson et taquin, un peu mesquin, beaucoup affectif, principalement effrayé d'être délaissé, abandonné, oublié... La nuit même, Mirage dormait avec lui, et chaque suivante aussi. Trois jours de plus, et il entendait le "Non" tant redouté, son âme gela sur place. Pour l'une des rares fois de sa vie, le Prince des Malheurs s'était recroquevillé autour d'un autre être vivant pour le pleurer. Pleurer leur séparation à venir, la douleur à ressentir, déjà bien implantée dans son esprit, pauvre chaton qu'il allait laisser au loin, pour un "Non" cent fois trop sec, et des chiens incapables d'accepter un autre animal... Et, finalement... Il l'avait vu, le dernier soir, bondir de son lit et partir en trottinant, queue droite sans battre l'air, à peine recourbée, tandis que le bout de celle-ci formait un joli arrondi, comme s'il cherchait à lui prouver quelque chose. Sa fourrure, qu'il savait douce comme les nuages laissant coquettement les quelques reflets de lumière jouer entre les poils noirs, gris et roux de son corps, comme il remuait sa petite truffe, analysant son environnement à son habile habitude. Il le testait, il n'avait aucun mal à le savoir, cela brillait dans ses yeux d'adorable félin tandis qu'il passait la porte de sa chambre, l'air de rien, trottinant, animal fier qu'il était. Allait-il le suivre? Si cela ne tenait qu'à lui, au lendemain, il repartirait avec, l'emmenant dans ses bagages. Mais les autres ne voulaient pas. Alors, il était simplement resté assit à le regarder sortir de sa chambre provisoire, avant de regarder sa valise avec lassitude et désespoir. Sans rien dire, sans faire le moindre mouvement, seulement ses phalanges couleur néant glissantes sur son clavier, blanc cassé. Il avait échoué au test. Et au retour du petit félin, il avait pu lire, tristesse et déception. Regret, incompréhension. "Tu m'abandonnes?" Demande silencieuse d'un regard. "J'aimerai avoir à ne pas le faire..." Réponse muette d'un autre regard. Le chaton avait simplement baissé les oreilles, puis la queue et la tête, avant de se frotter affectueusement à lui en ronronnant, comme mélancolique. Pour bondir de son lit, queue droite, à peine recourbée, le bout de celle-ci formant un joli arrondi tandis qu'il passait la porte de sa chambre, l'air de rien, trottinant, animal fier qu'il était... Mais ce soir, il ne dormirait pas avec lui.
- Affaibli pour n'avoir pas eu droit à un chaton... grogna-t-il, essayant de se dégoûter de lui-même. Par un simple non, pour un animal débile...
Sa voix avait cassée en un sanglot lancinant, lui broyant l'âme de part en part. Animal débile... Il essayait tant de s'en convaincre, de se dire que ce n'était rien, qu'un simple chaton un peu trop câlin, jaloux de ses affaires. Il essayait tant de se voiler la face, de se dire que Mirage ne lui manquait pas, qu'il ne s'était pas, encore une fois, attaché à un animal qu'il ne pouvait pas avoir, que le monde lui avait enlevé comme ça, sans raison, sans lui laisser une chance, une chance même d'essayer de bien faire les choses. Herz était mort sans raison. Mirage lui avait été refusé... Bon sang! Qu'est-ce qu'il détestait cela! Pleurer pour des chatons! Pour presque rien, pour un simple manque d'affection profond... Il les revoyait encore, s'approcher de son lit en trottinant, truffe relevée à renifler l'air hasardeusement, curieusement, avant de miauler et de venir le rejoindre pour se blottir contre lui, en essayant de manger le câble de son casque, et finalement s'endormir. Pourquoi, en prime, devaient-ils avoir le même comportement? Les mêmes manières de faire, de venir le voir, de le suivre, d'être câlin, aimant, attendrissant, désarmant?!
- Je déteste les chats... grinça Nightmare en se pelotonnant sous sa couverture, fuyant ses souvenirs.
Discrètement, dans la pièce, son frère s'infiltra, ayant entendu les sanglots à peine perceptible de son aîné, ayant senti sa douleur, son manque, sa fureur. Sans bruits, Dream s'approcha du lit, et s'installa dessus, sans que le Prince des Cauchemars ne réagisse, ni ne lui adresse la parole. Prenant cela pour une permission muette, il souleva la couverture doucement, et se glissa en-dessous, se tortillant légèrement pour se blottir tout contre lui et le prendre dans ses bras, le bercer en silence, lui murmurant des mots de réconfort au conduit auditif en essuyant ses larmes, incapable de rester de marbre face à la douleur muette de son jumeau. Cela lui avait énormément coûté, de laisser les autres refuser qu'il puisse adopter sa petite boule de poils, mais cet animal constituait son plus honteux secret. Lui-même avait refusé le petit animal, rendant les autres perplexes de ce choix. Le Gardien des Rêves n'était pas connu pour ce genre de réactions, bien au contraire... Mais jamais il n'avait voulu avouer à quiconque, et encore moins au principal concerné, que le petit félin qui le peinait tant, depuis bientôt six ans, était en réalité, sa deuxième forme. Il avait toujours connu l'amour des chats de son jumeau, lui-même les adorant particulièrement, c'était en somme, l'un de leur ô combien nombreux points communs. La mort du petit Herz avait laissé son frère vide de ressentis positifs pendant plusieurs années, et Dream avait pensé que peut-être... Peut-être lui permettre de retrouver une complicité similaire pourrait apaiser sa douleur, mais il ne s'était pas attendu à tant s'attacher lui-même ni à jouer son rôle avec autant de réussite, et encore moins à ce que Nightmare veuille l'emmener avec lui une fois ses vacances terminées... Autant dire que la déchirure avait était de même ampleur des deux côtés en soit, mais seulement, le Gardien des Rêves s'en était mieux sorti que son jumeaux, sans penser à s'assurer que sa forme animale, Mirage, ne le hante pas... Preuve était de constater qu'il aurait mieux fait de le faire. Quand finalement Nightmare s'apaisa assez pour se rendormir, son frère, cadet de quelques millièmes de secondes à peine, laissa entendre un faible soupir désemparé. Mentalement, il se fustigeait en grinçant des dents, se savant fautif du désespoir grandissant du Prince des Malheurs. D'ailleurs, il trouvait cela mortellement ironique. Qui aurait pu penser, que l'être renié et rejeté, à la tête de la noirceur, de la souffrance, de la peur, et des autres mauvaises sensations, en était la première victime? Dream s'en voulait. Vraiment. Il n'oubliait jamais son innocence passée qui avait tant coûté à son aîné. Il ne perdait point de vue le spectacle destructeur, de son frère, assit en tailleur, se tuant à petit feu à force d'ingurgiter chaque pomme noire. Son esprit ne se laverait jamais des frissons glacés qui l'avaient tenu figé à l'entente dévastatrice des sons d'agonie, entrecoupé de sanglots, qui s'échappaient du corps ravagé du seul membre de sa famille. Enserré dans ses pensées, le Prince de la Positivité n'avait pas même remarqué qu'il l'était autant par les bras et les appendices de son frère, tentacules, soit dit en passant, qu'il trouvait superbes, et particulièrement plaisant au touché. Doux et soyeux, à la manière des étoffes de velours ou de satin... Un faible couinement glissa entre ses dents à l'instant même où, son petit protégé, pas si petit que cela en réalité, le serra un peu plus contre lui, venant nicher son crâne contre ses cervicales en inspirant lentement. Au travers de son sommeil, repos de prince, entouré d'une douce tiédeur, Nightmare fut envahi par la douce flagrance des pêches blanches gorgées de soleil, mêlée à la délicate senteur de la vanille, de la cannelle... Des notes qui lui apparaissaient douces et appréciables.
- Tactile dans ton sommeil... souffla tendrement le cadet, en se tortillant à peine, un infime sourire aux dents. Déploieras-tu un jour tes ailes, ange de l'ombre..?
Dream n'était pas fou. Il ne se permettait jamais ce surnom face à son jumeau éveillé. Il savait parfaitement que ce genre de marques d'affection mettait obligatoirement Nightmare mal à l'aise, sous couvert de le faire entrer dans une panique et rage folle. Le temps passa, lentement, dans un calme chaleureux et reposant, assez pour que le Gardien des Rêves s'endorme à son tour, somnolant silencieusement pour plongé finalement dans les bras éthérés de Morphée. Ce faisant, il ne remarqua qu'à moitié, l'éclat reconnaissant dans les pupilles violines, aux volutes illusoires bleutées du Prince des Cauchemars, qui le berçait doucement, sans dégager son crâne de sa place. Il ne sentit qu'à moitié, l'infime baiser déposé à la manière de l'effleurement des ailes d'un papillon. Il n'entendit qu'à moitié, le faible murmure que laissa entendre son grand-frère.
- Je ne les déploies quand ta présence...
L'inspiration fut infime, à peine assez pour s'imprégner de la douce odeur de son cadet tandis qu'il laissait ses phalanges courir distraitement sur sa nuque, ainsi que sur sa colonne, en une caresse précise.
- Étrange Mirage que tu es...

"Il avait essayé, le dernier soir, de vérifier leur attachement. Il avait bondit du lit, et était parti en trottinant, queue droite sans battre l'air, à peine recourbée, tandis que le bout de celle-ci formait un joli arrondi, comme s'il cherchait à se prouver quelque chose. Sa fourrure, au demeurant à la douceur des nuages laissant coquettement les quelques reflets de lumière jouer entre les poils noirs, gris et roux de son corps, comme il remuait sa petite truffe, analysant son environnement à son habile habitude. Il le testait... Bien contre son gré. Cela brillait dans ses yeux d'adorable félin tandis qu'il passait la porte de la chambre, l'air de rien, trottinant, animal fier qu'il était. Il savait, au fond de lui, qu'il ne le suivrait pas. Et ce fut le cas... Mais cela faisait mal. Revenant dans la pièce, son regard de petit félin n'avait était que tristesse et déception. Regret, incompréhension. "Tu m'abandonnes?" Demande silencieuse d'un regard. "J'aimerai avoir à ne pas le faire..." Réponse muette d'un autre regard. Le chaton avait simplement baissé les oreilles, puis la queue et la tête, avant de se frotter affectueusement à lui, ronronnant, mélancolique. Pour bondir de son lit, queue droite, à peine recourbée, le bout de celle-ci formant un joli arrondi tandis qu'il passait la porte de la chambre, l'air de rien, trottinant, animal fier qu'il était... Mais ce soir, il ne dormirait pas avec lui."

Ainsi, blottit dans les bras de son frère. Dream pour une nuit, ronronnait à peine, faiblement, apaisé plus qu'il ne l'avait jamais été de toute sa vie... Puisqu'il dormait avec lui.

« Il ne demandait pas la lune... »Where stories live. Discover now