«Tu veux dormir là ?»

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Lorsque je suis sorti avec Harry, j'étais perdu, vraiment, dans tous les sens du terme. J'avais beaucoup trop testé, trop de fois et trop de différentes façons. J'étais faussement tombé amoureux et n'avais jamais vraiment stoppé les amoureuses sincères. J'avais tenté avec des femmes plus jeunes, plus vieilles, plus rondes, et encore plus belles. En clair, j'avais tenté beaucoup trop de choses pour ne jamais me sentir à ma place. J'avais tellement tout parcouru et tout visité que je perdais le nord dans mon propre environnement. J'étais allé trop loin, et pour régler mes pauvres problèmes, j'étais parti chercher encore un peu plus loin.

Sortir avec un homme en étant soi-même un homme était différent de ce que j'avais toujours pensé. Je ne pouvais tomber plus bas dans les stéréotypes et jamais je n'aurai pensé qu'il était possible de devenir gay. Pour moi, on naissait gay, on vivait gay, on mourrait gay, point barre.
Quand j'ai réalisé que je sortais avec Harry, j'ai ressenti une sensation vraiment inconnue, comme si je venais d'emménager dans un pays dont je ne connaissais ni les coutumes, ni la langue. Pourtant, Harry ne paraissait pas gay du tout. Il était simplement Harry et à la seconde où ses lèvres avaient touché les miennes après que j'eus accepté d'être avec lui, j'ai su que je faisais une énorme connerie. Je me suis demandé s'il m'aimait et je me suis senti mal pour lui. Parce que toutes les salopes du monde avaient le droit de se faire couiller par un connard comme moi, mais pas lui, pas Harry. Il m'a regardé et ses yeux étaient remplis de la même lueur que les yeux des filles que j'avais embrassées précédemment. Ça m'a fait bizarre et j'ai imaginé Harry déguisé en fille. J'ai secoué la tête pour me sortir cette image de l'esprit et il a souri. Le même sourire que l'ont fait quand notre chat vient de faire une action vraiment mignonne qui mérite de passer sur le zap des animaux. Je me suis senti tombé en arrière et j'ai sursauté en me relevant sur mes jambes. «J'ai besoin d'air» j'ai dit, et je suis sorti. Il ne m'a pas suivi, je crois qu'il comprenait ce que je ressentais. Je lui avais expliqué en bafouillant que je n'avais jamais fait ce genre de truc et il avait rigolé en soufflant que ce n'était pas grave.

Je suis sorti de l'immeuble par le local de bennes à ordures. Je me suis senti mal, comme si je venais de boire des mélanges improbables. Je me suis baissé, les jambes tendues, les mains sur le ventre. J'ai vomi un peu et je me suis senti mieux après ça. Je n'ai pas osé retourner chez Harry tout de suite. Je suis resté assis contre une poubelle et j'avais l'air bien con. J'ai réfléchi quelques secondes et j'ai pensé : « Bordel de merde mec, tu sors avec le gars le plus sympa et aimable de tout Paris et t'es actuellement en train de vomir dans son local à poubelle ! Le pire dans ce bordel, c'est pas que t'es juste à côté de ses ordures, c'est que t'es même pas gay mec! T'aimes les meufs putain ! » J'ai envoyé un coup-de-poing dans la poubelle face à moi. Il devait être vingt-trois heures et je n'avais ni voiture pour rentrer, ni les un euro soixante-dix du métro, ni la force de rentrer à pied. Je me suis dit que ça faisait mec minable de demander de l'aide à Harry après une journée seulement de relation et le mot relation m'a redonné la nausée. J'ai manqué de gerber sur mon jean. Je me sentais ridicule. J'étais à la rue encore une fois, plus ou moins. Je me suis relevé, j'ai respiré et j'ai fait la seule chose que je savais faire pour me sortir de là. Je suis sorti du local et j'ai monté les marches quatre par quatre jusqu'à la porte d'Harry. Je me suis arrêté devant, j'ai respiré une grande bouffée de l'air frai du couloir et j'ai ouvert la porte sans frapper.

Comme je m'y attendais Harry n'avait pas bougé et attendais paisiblement devant sa porte, même si je le sentais tendu. Je lui ai sauté dessus, ni plus ni moins, j'ai plaqué mes lèvres aux siennes et coincé son corps entre le mur, mon buste et mes bras. Je l'ai senti sourire sous ma langue et il a renforcé le baiser. Après ça, il a repris sa respiration et a soufflé tout contre mes lèvres : «Tu veux dormir là ?». La seule chose à laquelle j'ai pensé et que je me suis répété un milliard de fois au moins, dans mon esprit, jusqu'à m'en lasser encore et encore était : «Ne vomis pas Louis, ne vomis pas.». J'ai souri du peu de force qu'il me restait pour faire semblant, «Oui».

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 18, 2015 ⏰

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