DIES IRAE - Cycle I : L'Angicide

Acte III, 6e Épître - Frémir, puis mourir

Leliël faisait les cent pas dans le couloir, devant la porte de la salle d'interrogatoire. Il ne savait pas combien de temps il devait attendre, voire même s'il était supposé revenir tout court. Bien sûr, il n'allait pas s'en plaindre, car maintenir son pouvoir de dissimulation était déjà suffisamment épuisant en soi, sans devoir rajouter des heures et des heures de discussions. Mais l'intervention de sa supérieure l'avait pris de court, et il se retrouvait un peu penaud, se demandant s'il devait rejoindre les autres Séraphins dans la salle d'observation, se diriger seul vers la seconde salle, ou bien continuer à patienter dans l'antichambre.

Alors qu'il continuait d'hésiter sur la marche à suivre, il se figea brusquement lorsqu'il ressentit une présence oppressante dans les murs. Elle avait surgit sans crier gare, transperçant son enceinte de confinement sans coup férir, comme un couteau dans du beurre. Cela augurait du niveau de puissance du nouvel arrivant, qui n'était certainement pas du menu fretin. Le Dominion se concentra, communiant avec les ombres afin de découvrir l'identité de ce trouble-fête, et il sursauta d'effroi lorsqu'il reconnut l'aura délétère de ce sombre visiteur.

Sentant qu'il approchait de sa position, Leliël commença à paniquer. Il ne voulait surtout pas croiser son chemin, mais d'un autre côté, il ne pouvait pas quitter son poste pour une raison aussi triviale. Il opta donc finalement pour la dissimulation, usant de ses pouvoirs d'Ange de la Nuit pour se fondre dans la pénombre et dissimuler sa présence. Le nouveau venu apparut peu de temps après au détour du couloir, sa carrure imposante masquant les spots du plafond et rendant son apparence encore plus inquiétante qu'elle ne l'était déjà. Il avança lentement dans le long corridor, inclinant sa tête d'un côté puis de l'autre, tout en laissant vagabonder son regard, comme s'il était à la recherche de quelque chose ou de quelqu'un.

« - Je sais que tu es là, Leliël... Je sens l'odeur de ta peur suinter de tous les pores de cette coursive... Je suis rembruni de constater que tu préfères m'esquiver que d'échanger quelques menues civilités... J'aurais pourtant cru que ma présence en ces lieux te ravirait, sachant les exactions auxquelles vous vous livrez en ces murs. D'ailleurs, il me semble que j'arrive à point nommé, releva l'ange en s'arrêtant devant la porte de la salle d'interrogatoire, semblant humer l'air. Votre invitée ne semble guère intimidée par le déploiement de personnalités d'exception. Je suggère donc une approche plus... radicale !

- Je t'interdis de faire un pas de plus, Iroël ! s'exclama l'aide de camp en surgissant du mur où il s'était dissimulé, essayant du mieux qu'il pouvait de ne pas chevroter, afin de ne pas trahir la peur qui le tiraillait, bien qu'il ait été conscient que son interlocuteur lisait en lui comme dans un livre.

- Tu m'interdis, dis-tu ? Voilà qui est bien impétueux de ta part ! Ton avancement au grade de larbin en chef de la princesse pimbêche te monterait-il à la tête ?

- Tempère ton langage, où il t'en cuira, faquin !

- Ton manque de crédibilité nuit gravement à la portée de tes menaces, mon pauvre. Mais j'apprécie ta tentative désespérée, se moqua le Thrône. Et donc, c'est ici que les Séraphins ont choisi d'organiser leur petite fredaine ?

- Rien d'aussi tapageur, je le crains. Mais ce qui est sûr, c'est que ta présence ici est superflue et non désirée, Iroël. J'ignore comment tu as eu vent de cette opération, mais je t'invite vivement à retourner au Palais, avant qu'un Séraphin ne s'agace de te savoir ici.

- Si les Séraphins souhaitaient demeurer discrets, il aurait mieux valu qu'ils optent pour des biais moins ostensibles. Ton pouvoir ne passe pas inaperçu, petit oiseau de nuit, et j'ai le regret de t'apprendre que les importuns se pressent aux alentours. Il ne faudra point longtemps avant que l'un d'eux ne saisisse son courage à deux mains et se hasarde à risquer une traversée...