Nous avions traîné dans les rues de Camden encore un moment, et j'avais un peu craqué, mon sac à dos était plein de vêtements et de bijoux, alors que ce n'était pas dans mes habitudes de faire ce genre de choses. Je n'étais absolument pas dépensière en général, mais je m'étais mise en mode « no limits » ce jour-là. Sur le chemin – c'est-à-dire dans le métro aussi – j'avais encore rempli un peu plus la mémoire de mon appareil photo. Depuis que je l'avais, je m'étais mise à collectionner les petits moments insignifiants, et je me plaisais à regarder les photos en boucle le soir sur mon ordinateur. Ça me paraissait tellement irréel que je voulais garder une trace de chaque instant. On ne passait pas inaperçus : il fallait dire que nous étions sept, relativement bruyants, un groupe de jeunes, composé d'une rousse flamboyante, d'une jeune fille aux cheveux si décolorés qu'ils étaient blancs, un garçon aux yeux hétérochromes accompagné de son jumeau et de son meilleur ami – dont l'aura captait l'attention de tous – qui courraient partout. Les garçons, hyperactifs, faisaient même des allers-retours dans le couloir central des rames de métro. Je ne comprenais pas comment ils n'étaient pas fatigués, ni comment ils ne puisaient pas toute mon énergie. En réalité, c'était plutôt l'effet inverse qui se produisait, je me sentais d'attaque et prête à tout réaliser. Trop heureux pour faire attention aux regards que certains nous lançaient, un rien nous faisait rire aux éclats. Londres était réputée pour être une ville tolérante, mais en réalité il ne fallait pas trop faire de vagues. Entre deux fou-rires, je repensais à ce que nous avait dit le marchand. La belle jeunesse. Ma belle jeunesse. En presque 17 ans, j'en profitais enfin.
Selon les indications de Sacha, nous avions pu trouver des places pour la comédie musicale du Roi Lion, où j'avais finalement réussi à embarquer tout le monde, faisant fi de leurs protestations. Nous les avions payés quatre fois moins cher qu'une place normale. Certes, nous n'aurions pas une place incroyable et la représentation était le soir même, mais ça valait largement le coup. J'avais suivi la jolie rousse dans les rues, pendant que les autres nous attendaient, assis sur le bord de la fontaine qui ornait la place. Pour dénicher nos tickets à prix réduits, nous étions allées dans une toute petite boutique, dans laquelle nous pouvions à peine rentrer. Elle contrastait avec les grandes enseignes qui s'étalaient dans les bâtiments d'époque. Après avoir finalement trouvé sept places, ce qui n'était pas évident, nous rejoignîmes les garçons. S'il n'y avait pas eu autant de monde, j'aurai pu apprécier la place piétonne et ses innombrables théâtres, pubs, et cinémas à proximité. N'étant qu'à quelques minutes à pied de Victoria Embankment Gardens et voulant fuir la foule, nous nous y rendîmes. L'endroit était très entretenu, des bosquets colorés bordaient les chemins fait de graviers. Les jardins étaient situés juste à côté de la Tamise et les cris des mouettes se mêlaient aux bruits de la ville. Pour changer, nous avions tous finit par nous battre dans l'herbe, mis à part Ella qui parlait à un arbre. Charlie et Sacha avaient fini par s'isoler un peu plus loin. Face au prestige du lieu, je n'étais pas certaine que nous étions autorisés à être sur la pelouse, mais rien n'indiquait le contraire, et tout ce qui n'était pas interdit était autorisé.
Après nous être battus, débattus, alliés et désalliés les uns contre les autres, j'étais à bout de souffle. Assise dans l'herbe près d'Ella, les trois garçons avaient fini par nous y rejoindre. J'étais coincée entre Jimmy et Adam, mon boitier magique posé sur les genoux. Le garçon aux cheveux châtain foncé s'empara de ce dernier, colla son œil au viseur et shoota différents endroits du parc un peu au hasard. Je ris lorsqu'il me fixa, mimant de me photographier comme un professionnel, avant de détourner le regard, le laissant dans son délire de faire n'importe quoi. Dix minutes plus tard, je récupérais mon appareil, et fis défiler les clichés, histoire de voir l'étendue des dégâts crées par Adam. Les images se succédaient, j'en supprimais quelques-unes. Pas mal d'entre elles en réalité, la plupart étaient floues. Me voyant faire, il prit un air horrifié :
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19 Days
Roman d'amourDepuis des mois, Clélie déménage de foyers en familles d'accueils, après avoir fuit le domicile maternel. Ne sachant plus quoi faire, l'assistante sociale chargée de son dossier lui demande de retourner passer deux semaines chez sa mère, à Londres...