Elisio - Partie 1

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C'est un nouveau départ. Il a 22 ans. La France, cet eldorado sur lequel il a posé les pieds il y a deux ans, lui permettra de réaliser tous ses rêves. Il ne le dit jamais à voix haute mais il en a plein la tête. Il ne veut plus se balader d'usine en usine depuis ses 16 ans, il veut connaître le bonheur. Pas celui de trouver une femme, ça il s'en fiche. C'est un solitaire. Il veut être seul, mais là-haut. Il rêve d'être pilote d'avion. Seul dans son cockpit, à voir le monde. C'est la raison pour laquelle il est parti vivre à Toulouse avec son meilleur ami il y a deux mois, pour passer le concours d'une des plus prestigieuses écoles d'aviation civile. Ses parents sont retournés au Portugal et il a prit cette décision pour tout recommencer.

- Elisio ! ELISIO !

Il est sorti de ces rêveries par son meilleur ami, Joseph, avec qui il passe la majorité de son temps au café-bar de la gare.

- Putain mec, réveille-toi, ça fait une heure que cette meuf à côté des chiottes te mate.

- Laisse tomber Jo, répond-t-il sans même y prêter attention.

- J'sais pas comment tu fais. Moi je rêve que les filles soient à mes pieds. Tu peux avoir ce que tu veux avec ta gueule, profite !

C'est vrai qu'il est beau. Il est d'une beauté incomparable, pure, et sans effort. Ses lèvres, qui ne sourient jamais, sont à la fois fines et pulpeuses. Ses cheveux, la plupart du temps en bataille, sont châtains foncé ou bruns selon les saisons et son regard se mêle au mystère et à la froideur. Toutes les filles se retournent sur son passage. Il n'y prête jamais attention mais il le sait. Il se dit même qu'il aurait préféré être moins beau pour ne pas avoir à supporter tout ça, alors il ne fait pas plus d'effort que le naturel. Et même comme ça, il les attire encore plus. Elisio n'est pas un grand bavard, lorsqu'il parle « c'est utile » comme il aime le rappeler dès qu'on lui fait la remarque.

- Bon mon pote, si ça ne t'intéresse pas, j'y vais moi.

Il ne décroche pas un regard à son ami lorsqu'il s'éloigne vers cette fille qui, pense Elisio, ne doit pas avoir assez d'amour propre pour mater un gars dans un café-bar. Il ne comprend pas les filles d'aujourd'hui. Celles qui n'ont aucune gêne à prendre les devants, à accoster un homme qu'elle ne connaisse pas. Il regrette le temps de ses parents, celui où les filles devaient être courtisées des mois avant de se laisser aller à un seul baiser. Il est sûrement de la vieille école mais ça l'arrange, c'est une bonne excuse pour ne pas avoir à s'inquiéter de sa vie amoureuse. Jamais il ne tombera amoureux et il le sait. Il est trop dur pour ça. Le cœur dur, la tête ailleurs.

Lorsqu'il a descendu toute sa bière, il voit son ami revenir, le visage dépité.

- Laisse tomber, c'est une connasse.

- Ce n'est pas parce qu'elle te jette que c'est une connasse.

- Allez cassons-nous d'ici.

En sortant du café-bar il se rend compte que la nuit est déjà tombée. Il est déjà 21h et il se lève tôt demain pour passer ce fichu concours qui lui fout la frousse. Il faut qu'il l'ai, il n'a pas le choix. Il doit s'en sortir et quitter ce monde de misère qui le suit depuis son enfance.

- J'ai pas envie de rentrer. Ça te dit qu'on aille au pub de Gisèle ? dit Joseph en arrivant à proximité de leur appartement.

Gisèle est la propriétaire du T2 qu'ils occupent tous les deux. Elle tient un pub en bas de chez eux et ils aiment y traîner jusqu'au lever du jour.

- J'ai mon concours demain, j'vais rentrer.

- Alors j'y vais seul. Bon courage mon frère.

Après une accolade rapide mais sincère, il s'éloigne et Elisio pousse la porte de l'entrée. Les escaliers qui mènent à leur logement sont plongés dans le noir, la lumière n'a jamais fonctionné. Ils ont pris l'habitude de monter à l'aveugle et de compter les marches pour savoir à quel étage ils sont. Leur petit deux pièces est au deuxième étage. Il est assez petit mais tout confort. Lorsque le pas de de porte est passée, la kitchenette qui se compose exclusivement d'une gaziniere, de deux placards et d'un vieux réfrigérateur, est ouverte sur le salon. Dans le salon, un vieux canapé troué par ci et par là prend place au côté d'un grand placard qui occupe le reste de la pièce. Joseph a prit l'unique chambre du logement car il est le seul à ramener des filles. En réalité, Elisio s'en fichait, tant qu'il avait où dormir. Il se laisse tomber sur son canapé-lit et commence à sentir la panique monter pour le lendemain. Il n'est pas du genre angoissé mais il joue sa vie. Il commence à peine à se repasser ses révisions dans la tête lorsqu'il s'endort.

L'amour ne tient qu'à un filOù les histoires vivent. Découvrez maintenant