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Aujourd'hui, et comme beaucoup d'autres jours  avant celui là, j'étais triste. Je sentais mes pensées se cogner avec fracas contre les bords de mon crâne, se détruire mutuellement en se bousculant, ne me laissant donc pour paroles qu'un vide infini que je n'avais plus la force de combler. Pour arrêter ce mécanisme destructeur mais si bien rodé, j'ai voulu essayer quelque chose de nouveau, du jamais vu dans ma vie. Alors voilà, aujourd'hui, j'ai tué ma mère.

Ça m'a prit comme ça d'un coup, je tenais plus en place. Est-ce que cela provenait d'une envie de me différencier des autres ? D'avoir une particularité rien qu'à moi ? De vouloir sortir du concept ravageur que l'on nomme « normalité » ? Ou bien d'une envie de vengeance, le désir de blesser celle qui m'avait porté, amené dans ce monde, quand, peu importe l'endroit où elle apprendrait que j'étais sa meurtrière, elle se mettrait dans une de ses colères noires que je lui connaissais si bien. Comme quand je revenais d'une fugue de plusieurs jours ou quand elle devait me récupérer dans le bureau du proviseur après une des mes énièmes bagarres. Elle avait des raisons de se plaindre, de se mettre en colère, elle en avait beaucoup, mais aucune d'elles ne pourraient se vanter d'avoir secouer la ville entière comme l'avait fait cette ultime raison. Les gens se sont retournés sur mon passage quand je me suis faite escorter jusqu'à derrière les barreaux, ils devaient penser qu'enfin, la folle du village ne serait plus autorisée à se balader dans les rues. Plus autorisée à boire un café en terrasse, à marcher à leur rythme sur le trottoir, à faire tomber ses clefs à cause de ses tremblements, à partir de cours en courant, à pleurer, à pleurer encore, à pleurer toujours, parce que cette putain de folle elle sait faire que ça de chialer ! Mais oui je pleure, oui bordel je pleure, parce que j'arrive plus à vivre avec mes souvenirs, avec mes craintes, mes désillusions et tous les putains de démons qui hurlent dans ma tête. Ils veulent pas que je respire le même air qu'eux, que leurs gosses, parce que peut-être que je pourrais les contaminer, c'est bien connu, c'est comme un virus l'envie de tuer sa mère.

J'ai fais ça un matin, un matin comme les autres. C'est venu tout seul, sans vraiment de préméditation. Je bougeais anxieusement sur ma chaise, me grattais la nuque, claquait des dents et me mordait jusqu'au sang la lèvre du bas. Quand, à la pause du midi, ma prof de français m'a demandé si j'allais bien, j'ai dis « non, ma mère est morte ».
Et voilà c'était fait, elle qui ce matin, courait dans tous les sens, ramassait mes habits éparpillés ici et là et me criait aux pieds des escaliers si j'avais pas vu sa carte vitale. Avant je me serais juste égosillé que non, j'avais pas vu sa carte, que j'étais pas derrière son cul à regarder où elle posait toutes ses affaires. Mais aujourd'hui, et comme beaucoup d'autres jours avant celui là, j'étais triste. Alors j'avais juste descendu les marches d'un pas lent en secouant négativement la tête dans un silence de mort. Ironique non ?

Très vite après mon court entretien avec ma professeure, la nouvelle s'était répandue. Des dizaines de gens inquiets, voisins, collègues ou simplement curieux avaient immédiatement appelés différents membres de ma famille, qui avaient contactés ma mère. Elle avait rassuré du mieux qu'elle le pouvait tout notre entourage avant de se poser la question fatidique, d'où venait cette rumeur ? Il ne lui fallu que quelques coups de fils en plus pour savoir que j'en étais l'auteure. J'avais très vite était envoyé chez moi pour pouvoir avoir une discussion avec elle. Et c'est dans une cascade de sanglots que tout mon monde s'était effondré, elle l'avait dit, depuis des mois je m'en doutais, j'attendais que ça, qu'elle ose le dire. Et voilà, les mots s'étaient envolés pour venir s'abattre sur mon corps.

« Tu es atteinte d'une maladie mentale »

Elle avait essayé de me le cacher, elle avait réussi. Toute mon existence était fausse, j'étais pas normale, c'était inscrit dans mes gênes dès la naissance. Ensuite elle a continué, je devais partir ce soir, derrière les barreaux, ceux de l'hôpital psychiatrique. Au moment de mettre mes valises dans la voiture, les voisins se sont mis sur le pallier, la mine dégoûtée. Au début ils détestaient ma différence, ils avaient finis par haïr mon existence. Et j'aurais pu pleurer, crier que c'était pas volontaire, que c'était pas vraiment moi, que c'était dans mes gênes, ça n'aurait rien changé, puisqu'à leurs yeux, j'avais tué ma mère.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 24, 2020 ⏰

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