PARTIE 1 CHAPITRE 1

113 6 1
                                    

PREMIERE PARTIE

CHAPITRE 1 « Séparation » :
Aujourd’hui, il fait chaud, comme tous les jours. A cette heure de la journée, les gens sont rentrés des champs et ont fermé tous les volets de leur maison afin de la garder fraîche. On peut voir de loin le soleil à son zénith, au sommet de la colline, là ou plus jeune, je gardais les moutons de ma tante. C’est une journée très ensoleillée, comme d’h...abitude. Mais aujourd’hui n’est pas comme d’habitude, c’est un jour exceptionnel, qui s’avèrera dans peu de temps être le plus noir de ce mois de mai 1988. Une sorte de mélange d’appréhension, de peur, de tristesse mais aussi d’excitation sourde s’est emparée de moi. Vous devez vous demander pourquoi, n’est-ce pas ? Aujourd’hui je pars, je quitte mon pays. Les papiers sont prêts, les billets de train ont été réservés ainsi que ceux du bateau, Ahmed s’est occupé de tout. Je finis de ranger nos affaires qui constitueront nos maigres bagages et m’en vais appeler Fawzi et Imad. Ils doivent encore être partis aux champs de cerises pour y trouver de l’ombre. La ville de Sefrou est très connue pour ses productions de cerises et chaque année, nous allons dans la ville pour assister au festival annuel des cerises. Ce ne sera plus le cas les autres années. Les garçons arrivent en marchant, presque à reculons, comme s’ils se doutaient que les instants qui suivraient ne seraient pas réjouissants et ils n’ont pas tort. Je tente tant bien que mal de ravaler mes larmes et les accompagne jusqu’au perron. Je ne peux pas leur annoncer la nouvelle, non, c’est impossible. Je jette un regard presque suppliant à Ahmed, qui me comprend et s’agenouille vers Imad et Fawzi en s’éclaircissant la gorge et déclare (en arabe bien sûr) :
« Les garçons, vous savez qu’aujourd’hui on va partir avec Maman. On a tout préparé. Mais Imad, il va falloir que tu restes ici. On ne peut pas t’emmener avec nous, c’est interdit. Si la police te trouve avec nous, on nous emmènera en prison. »
C’est plus fort que moi, je baisse la tête et éclate en sanglots. Imad commence tout juste à saisir l’importance des propos de son père et dit d’une voix tremblotante : « donc je vais rester ici tout seul ? »
« - Non, réplique Ahmed, il y a ton grand-père, ta grand-mère, il y aussi toutes tes tantes et oncles. Ne t’inquiète pas on va revenir. Je te promets qu’on reviendra te chercher.
C’est parce que je fais des bêtises que vous partez ? Et Fawzi, il part aussi ? Des petites larmes commencent à inonder son petit visage doux
Non, ce n’est pas ça ! Gémis-je en m’agenouillant face à lui. On y va parce qu’on veut pouvoir vous acheter des habits et des jouets et aussi pour avoir une grande maison pour vous ! Ne soit pas triste habibi (mon chéri) !
Imad craque et pleure dans mes bras. Pendant ce temps, toute la famille observait la scène d’un air désolé. Même Fawzi pour son jeune âge avait compris qu’il allait partir. Ahmed le prit dans ses bras mais lorsque l’on a dû partir, celui-ci ne voulait plus se détacher de nos bras. Imad criait et nous suppliait de le ramener avec lui ; moi, j’essayais d’étouffer mes hoquets dans le creux de son frêle cou. La mère d’Ahmed dû intervenir pour le prendre de nos bras. Fawzi aussi, pleurait et ne voulait pas s’arrêter. Il y avait une sorte de contraste bizarre entre le soleil qui brillait et nos visages qui eux, brillaient de tristesse. Nous sommes alors montés avec Ahmed et Fawzi dans le taxi qui nous attendait, mais malgré la route semée de gravas je ne pouvais détacher mes yeux de mon enfant, mon premier enfant, la prunelle de mes yeux que j’allais devoir quitter. Quelle affreuse journée ensoleillée.
Durant tout le trajet, j’ai pleuré avec Fawzi alors âgé de presque 4 ans. Ahmed m’avait expliqué que d’ici 3 trois mois nous pouvions ramener Imad avec nous. J’essayais de me persuader que 3 mois, ce n’est presque rien. Nous sommes enfin arrivés après quelques heures de route à Nador pour prendre le bateau. La chaleur et le soleil nous rendait tellement fatigués que je cessais mes sanglots. Après 2 heures d’attente, nous entrions dans le bateau avec nos petits bagages. Ça y est, je quitte mon pays. Après un dernier pas sur la terre de mon pays, je me tourne vers le soleil et envoie mes dernières pensées vers celui-ci.
Je ne me suis pas présentée. Je suis Zahra, âgée d’à peu près 23 ans et marocaine. Bienvenue à Bord de l’embarcation qu’est ma vie.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Jan 20, 2015 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Je suis venue, j'ai vu et j'ai vécu- Chroniques lointainesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant