Chapitre 37 : Forlock

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Forlock (Indonésie) : Zone abandonnée

16 octobre 2112 (neuf ans plus tôt)

23h41

Kalyopé Stulor

Mes bras, mon dos et mes jambes me font terriblement mal. Comme tous les jours depuis bientôt un an, j'ai passé plus de dix heures de ma journée à porter des charges bien trop lourdes. Je suis exténuée mais je n'arrive pas à fermer l'oeil. J'ai bien trop de frustration et de colère en moi pour trouver le sommeil. Trainte, lui, dort comme un bébé. Je ne sais pas comment il fait mais je l'envie. Je dors entre trois et cinq heures par nuit pour commencer le travail à six heures du matin et finir à dix-huit heures le soir. Chaque jour, nous avons trois misérables repas, fait avec ce qui semble être de la merde en boîte et nous pouvons prendre trois pauses de quinze minutes maximum, si les gardiens sont de bonne humeur... Nous avons le droit de nous doucher deux minutes à l'eau froide toutes les quarante-huit heures et nous pouvons sortir dans la cours extérieur une fois par semaine. Nous vivons à douze avec un seul chiotte dans des cellules de moins de vingt mètres carrés et nous n'avons qu'un seul jour de repos par semaine. En bref, c'est la merde ici. Nous sommes des moins que rien pour les gens du haut peuple mais je ne comprends pas pourquoi. Notre seul crime était de ne pas être suffisamment riche pour vivre en haute zone. Ça ne justifie pas autant de haine de leur part.

Mes courbatures sont particulièrement douloureuses aujourd'hui. L'objectif de la semaine était pratiquement inatteignable mais les décharges électriques nous ont motivé... Dieu merci, demain c'est notre jour de repos. Notre temps libre est occupé par de vulgaires jeux de société en piteux état que les gardiens ont eu l'extrême gentillesse de nous fournir. On ne joue qu'avec nos codétenus généralement. L'ambiance n'est pas toujours très cordiale entre les prisonniers. Ils nous ont mélangé avec des tueurs, des violeurs et autres malades mentaux qui sont parfois très violent. On les évite autant que possible. Les gardiens veillent à ce que nous ne nous battions pas mais il y a tout de même régulièrement des altercations qui finissent tragiquement. Heureusement nous pouvons choisir dans quelle cellule nous dormons, au moins on ne passe pas la nuit avec ces tarés et on les croise le moins possible. Quand on a pas des problèmes avec nos codétenus on en a avec des gardiens. C'est des putains de sadiques qui s'amusent avec nous. Il y en a quelques-uns qui sortent du lot et qui font preuve d'un peu d'humanité, mais je peux les compter sur les doigts d'une seule main. Et puis j'avoue que si un jour je dois les tuer pour avoir ne serait-ce qu'une chance de m'enfuir, alors je n'hésiterai pas une seconde. Après tout ils travaillent pour Malorne, ils méritent de mourir.

Ma vie d'avant me manque, ici tout n'est que souffrance, méfiance, peur et haine. Ma mère est morte sous mes yeux pendant le bombardement et mon père vivait dans une zone qui a été complètement rasé, tout comme Cole. Ils sont sans doute tous les deux morts également. Ils étaient toute ma vie, il ne me reste plus que Trainte. Il a toujours était mon meilleur ami et aujourd'hui il est bien plus que ça. C'est grâce à lui que je tiens encore le coup. Il était fort et plein de colère en arrivant ici, mais la colère a laissé place à la peur. La peur que les gardiens s'en prennent à moi s'il ne coopère pas. Chez moi, ça a été l'inverse. La peur a doucement laisser place à la colère, et si je le pouvais, je tuerais lentement chacun des membres du gouvernement pour me venger de ce qu'ils nous font vivre. Ils m'ont tout pris et ils le paieront.

Tout le monde dort sauf moi et Anya qui est sur le lit juste au-dessus du mien. Elle pleure depuis bientôt un quart d'heure. C'est comme ça presque chaque soir. Ça n'a pas l'air de déranger Trainte qui est profondément endormi à ma gauche. Any est une petite vieille de presque soixante ans. Ses enfants et ses petits enfants sont tous morts pendant les bombardements. Elle ne s'en remet pas la pauvre... Mais ses pleures m'irritent fortement et j'ai de moins en moins de patience.

NÉMÉSIS : 2121 RÉSISTANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant