À plat ventre sur mon lit, les yeux rivés sur mon réveil, je regarde les minutes passer lentement. Trop à mon goût. Je voudrais les revoir, maintenant, ou au moins pouvoir leur parler, même si je dois le faire par SMS.
Depuis que j'ai réalisé que notre temps ensemble était compté, je ne veux pas perdre une seule minute que je pourrais passer avec eux, loin de ces personnes qui me sont encore plus chères que ma famille elle-même.
Vingt et une heure dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize, dix-sept, dix-huit, dix-neuf, vingt. Voilà dix minutes de plus de gaspillées.
J'attrape mon casque, le mets sur mes oreilles et lance la musique qu'ils m'ont faite découvrir. « Time is running out ». J'ai un léger sourire furtif. C'est tellement approprié à notre situation.
Je ferme les yeux. J'oublie successivement, ma sœur, ma belle-mère, le chat, mon père.
Que le temps passe, après tout. Je ne vais pas m'en plaindre. Je ne veux qu'une chose : être demain matin, à huit heure dix, dans la cour, avec eux. Rire avec eux, parler avec eux. Même pleurer avec eux, me paraît être un pur moment de bonheur.
Je sursaute quand mon père entre brusquement dans ma chambre. Je fais descendre, sans me presser, le casque sur ma nuque.
- Mmmm ? dis-je avec lassitude. - Tu réponds quand on te parles ? m'attaque sans détour l'homme. -Je n'avais pas entendu. - Tu es beaucoup dans ta bulle depuis ton retour de ce voyage. Cela ne me plaît pas du tout.
Je ne juge pas utile de lui répondre. Je ne fais donc que soutenir son regard furibond.
- Je voudrais que tu en sortes ! Commence par lâcher ton casque, ta musique et ton téléphone et venir manger avec ta famille.- J'ai pas faim.Tu vas venir vivre en société et sortir de ta bulle, tout de suite ! insiste-t-il fermement, sans me laisser le moindre choix.
Je le regarde fixement. Je sens les larmes monter, mon cœur se serrer.
- Sortir de ma bulle ? je réplique avec colère cette fois, mais qui m'y a placé ? Oh, mais il me semble que c'est la personne qui a bloqué mon téléphone et mon accès internet ! Celui qui m'empêche de pouvoir communiquer après vingt heure !
Je reçois une baffe claquante. Ma joue me brûle, mais bien moins que moins cœur. Je me lève et l'attaque de plus belle sans détacher mon regard du sien.
- Oui ! C'est de toi que je parle ! Tu peux bien faire ce que tu veux, un jour je partirais ! Et ce jour-là, tu n'entendras plus parler de moi !
Je me stop. Je dois calmer les hoquets et reprendre une respiration plus calme. Mes joues sont trempées et mes yeux voient flous.
- Si tu veux que je sorte de ma bulle, alors laisse-moi être libre de communiquer ! J'ai des personnes à qui je tiens ! Avec qui dans moins de trois mois je ne pourrais plus être !
Autre baffe.
- Tu peux bien m'en mettre autant que tu voudras ! Cela ne changera pas mes pensées ! Je me fiche bien de toi ou de vous tous ! Je ne veux être qu'avec certaines personnes ! Ils sont dix ! De tailles, d'âges, d'apparences, de passions différentes, mais je les aime ! Plus que toi, ma sœur, ou n'importe qui dans cette foutue baraque ! Ce sont les seuls à qui je veux dire mes problèmes, mes envies et mes tourments ! Et toi, ô grand protecteur que tu es, tu m'empêche de leur parler ! Tu me coupe d'eux ! Alors non je ne viendrais pas manger ! Depuis que je les ai quittés, je ne veux qu'une chose : les retrouver !
La porte claque.
J'explose, je n'en peux plus. J'en ai marre. Marre de ma famille. Marre de ma maison. Marre de ne pas être comprise. Je pleure tout ce que je peux. Je donne des coups de pieds dans les feuilles, les peluches qui trainent par terre.
Rien. Rien ne compte plus qu'eux. Je me fou royalement de tous ces objets qui me sont inutiles. Je donnerais tout ce que j'ai pour pouvoir rester avec eux. Rester avec eux toute ma vie. Ne jamais les quitter.
Parce qu'ils sont ma joie de vivre. Parce qu'ils sont ma raison de me lever le matin.
Parce que sans eux je ne veux pas rire. Parce que sans eux je ne veux que pleurer.
Parce qu'ils sont mes amis.
Les personnes à qui est dédiée cette nouvelle se reconnaitront sans problème. Merci à vous.
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Je ne veux qu'une chose : les retrouver
Non-FictionAdolescente perdue. Qui n'a jamais ressenti ce sentiment ? Celui de ne pas être à sa place dans sa famille ? De vouloir retrouver sa "famille de coeur", celle que l'on choisit ? Retrouver ses amis.