Cuisse de nymphe.Un nom trop poétique pour seulement définir la couleur du plafond, que le jeune homme fixait maintenant depuis de longues minutes. L'appellation de cette nuance se voulait comique, désignant la féminité et le sexe. Un cliché sexiste dont on aurait pu se passer ; Après tout, c'était seulement du rose pâle. Point de nécessité dans cette qualification absurde.
Un léger mouvement à sa droite entraînant un bruit familier de froissement lui fit tourner la tête. Allongé sur le lit, le corps tourné vers lui, se trouvait son amant dont le sommeil semblait imperturbable. Son sourire béat, dont s'écoulait un léger filet de bave n'empêchait pas à l'éveillé d'apprécier son visage, de se sentir apaisé à l'écoute de sa respiration régulière.
« Voilà une vue plaisante, pensa-t-il en se rapprochant lentement de son partenaire. Bien plus que ce foutu plafond couleur cuisse de mes deux. »
D'un geste presque réflexe tant il avait l'habitude de le faire, sa main effleura la joue de son bel endormi, chassant d'un coup d'index une de ses mèches brune qui retombait sur son visage.
Il aimait la sensation chaude enveloppant son cœur, lorsque son regard se posait sur son bien-aimé. Cela lui faisait oublier l'état d'angoisse constante dont il cherchait à se dépêtrer, en vain. En même temps, ces derniers temps n'avaient pas été simples. Il n'avait pas pu profiter d'un seul moment de calme depuis belle lurette. D'ailleurs, il ne devrait pas pouvoir en profiter, actuellement. Le plafond rose, le lit confortable à mémoire de forme, le silence dans la chambre... Tout ça n'était qu'un souvenir d'une vie dont il aurait davantage joui, s'il avait su que tout lui serait subitement arraché. Mais alors, que faisait-il ici ?
Ce fut suite à cette soudaine prise de conscience que la pièce disparut, faisant s'évanouir avec elle l'ambiance chaleureuse et rassurante. D'autres souvenirs à la temporalité désordonnée passaient en flash dans son esprit, sans lui laisser une minute de répit. Cette surabondance d'information sans trame logique le prit à la gorge, et la serrait si fort que sa respiration s'était arrêtée.
Il s'était réveillé comme sous l'effet d'un choc, se redressant brusquement, les muscles tendus à l'extrême, les yeux exorbités fixant le vide et deux gouttes de sueur perlant au bout de son nez. Le silence fut interrompu par les saccades de son souffle qu'il essayait de calmer en pressant les paumes de ses mains contre son thorax.
Sa nuque était retombée contre l'oreiller, mais il ne fut pas accueilli par le plafond couleur cuisse de nymphe qu'il avait l'habitude de voir dès le réveil. La teinte rosée avait laissé place à un plafond blanc et décrépit, reflétant désagréablement une lumière à la pâleur exsangue qui lui brûla la rétine. Il dû cligner plusieurs fois des yeux, chassant les larmes qui floutaient sa vision. C'est en voulant se redresser de nouveau sur lui-même qu'une douleur aiguë, partant de sa cuisse et s'étendant au reste de son corps, le figea sur place.
Baissant la tête, il releva le drap avec précaution, se risquant à jeter un œil à l'état de son corps : ses vêtements lui avaient été retirés, ne le laissant affublé que de son boxer aux motifs enfantins de dinosaures, ainsi que son t-shirt blanc sali par un mélange de terre, de sueur et de sang. Bref, plus si blanc que ça au final. Quelqu'un-e avait également apposé un bandage faisant tout le tour de sa cuisse droite. Du sang encore frais s'en imprégnait.
Les souvenirs de la veille lui revenaient progressivement en mémoire. Il ne s'était pas endormi. Il avait perdu connaissance. Une autre pensée le frappa avec effroi. Sa main glissa sur le côté, à la recherche de son amant. Or, celle-ci ne rencontra que le vide. Un vide aussi glaçant qu'une nuit d'hiver solitaire. Paniqué, le jeune homme se saisit du drap qui le couvrait et le rejeta en arrière, sautant sur ses deux pieds, se moquant bien de la douleur lacérante que lui infligeait sa blessure, et de la sensation du carrelage frais sous ses pieds nus.
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Aspen
Fantasy[En cours] Personne ne veut d'une vie médiocre. Personne, sauf Sigma. Tandis que d'autres tentent de casser le métro-boulot-dodo en casant de petites activités inédites dans leur planning et en se renouvelant sans cesse, Sigma lui, a déjà accompli s...