Billy s'arrête pour pointer quelque chose du doigt, sans un mot. Il vient de me réveiller, moi et mes sens engourdis par cette marche. Devant nous se dessinent dans l'obscurité des toits partiellement enneigés. Nous approchons de l'agglomération. Il se met en alerte et passe devant moi. Je lui emboîte le pas sans réfléchir. Nous progressons sur le bas-côté de la route, plus discret, au cas où d'autres auraient déjà élu domicile dans le coin.
Ce village a clairement subi de lourds combats durant la guerre. Les bâtiments en périphérie présentent tous des cicatrices, certains se sont même effondrés. La rue principale est encombrée de gravats et de véhicules abandonnés ou détruits. Il n'y a aucun mouvement, aucun son. Par sécurité, Billy préfère rentrer dans le village par l'arrière-cour d'une maison. Celle-ci n'a plus de toit, ses fenêtres sont cassées et la porte arrière est défoncée. Ce qui devait être un jardin n'est plus qu'une mini toundra parsemée çà et là de quelques buissons et arbustes rachitiques dépourvus de feuillage. Une balançoire et un salon de jardin en désordre témoignent de la vie qui, jadis, animait ces lieux.
Billy me fait signe de continuer. Nous traversons d'autres jardins du même acabit tout en prenant soin de surveiller les maisons que nous dépassons. Mon corps est à présent totalement réveillé, et la chaleur qu'il dégage me fait oublier le froid ambiant.
Billy s'arrête alors que nous passons devant notre cinquième habitation.
— Celle-là ?
Sa question porte moins sur l'esthétique de la bâtisse que sur mon ressenti quant à la sécurité des environs pour y passer la nuit. Bien que cette partie du village paraisse totalement abandonnée, il n'est pas impossible qu'une petite communauté se soit installée plus loin. Mais nous sommes trop fatigués pour continuer.
— Ça me paraît bien. Passe devant.
J'accompagne mes paroles d'un geste de la main.
Billy se retourne et se dirige vers la porte fenêtre de la terrasse. Une des vitres est cassée, mais il préfère l'ouvrir normalement en passant sa main à l'intérieur plutôt que de risquer de se blesser. Nous fixons nos lampes frontales avant de pénétrer dans la première pièce.
C'est un véritable capharnaüm ici, presque du saccage volontaire, certainement l'œuvre de récupérateurs ou de pillards. La nuance est subtile entre nos deux catégories : l'un déniche des biens tandis que l'autre vous les prend, mais les deux sont prêts à tuer pour parvenir à leurs fins. Nos deux petits faisceaux de lumière éclairent tour à tour des chaises renversées, un canapé éventré, une table basse retournée et une télé tombée à plat sur le parquet. Nous entamons notre progression lente dans ce qui était autrefois un salon. Le sol est jonché de papiers, de babioles et de déchets. Un petit objet en plastique craque sous mon pied. Je passe à côté d'un buffet dont les tiroirs sont restés grands ouverts.
— Putain !
Billy vient de buter contre quelque chose, une petite caisse retournée sur le sol. Retrouvant son calme, il évolue lentement vers la cuisine donnant directement sur le salon. Elle est dans le même état. Le frigo et les placards sont ouverts, les tiroirs ont été arrachés et retournés, leur contenu gisant sur le carrelage crasseux. L'odeur ambiante est un mélange de rance et de moisi. L'humidité est partout. Il n'y a pas la moindre chance de trouver quoi que ce soit ici.
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Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1
Science FictionAlors que la Troisième Guerre mondiale fait rage, le monde bascule dans l'escalade nucléaire le 21 septembre 2037, « The Enola Day ». Le conflit dure quelques mois, suffisamment longtemps pour défigurer la planète. En Europe, un immense territoire s...