Capítulo IV

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Après les cours, il se dépêcha donc de la retrouver, bravant le soudain souffle maritime qui s'était levée sur le village. Au milieu de la bruine, il passa devant trois fois avant de la remarquer, étroite et couverte de tags qui se mélangeaient dans les motifs fleuris et colorés des maisons environnantes.

Il s'y engouffra avec soulagement, agacé par le flot continu de gouttelettes salées dans la figure. Qui donc avait eu l'idée d'ériger un village à un endroit si proche de la mer sans même en donner les avantages d'un accès direct ?

— Maudit trou paumé, grogna-t-il, puis composa le numéro de sa copine, le cœur battant.

Bip, biiiip, biiiiii- clac.

Fichu réseau ! Il voulut remettre de la monnaie dans la fente de la machine, mais interrompit son geste lorsque la porte s'ouvrit en grand pour laisser entrer une mince silhouette.

— Ça te dérange si je reste là quelques instants ? J'attends que le vent s'apaise un peu, c'est l'enfer, dehors !

Perplexe, Domenico observa le garçon qu'il reconnut rapidement comme un de ses camarades de classe, Angelo. Plus petit que la moyenne, il semblait vouloir compenser sa taille par une gigantesque crête iroquoise vert pomme. Son visage, lui, était constellé de piercings étincelant contre la peau mate, en totale contradiction avec sa tenue de cuir, résolument noire.

Malgré la tempête d'émotion qui secouait sa main, Domenico haussa des épaules avec nonchalances et retenta son coup.

Bip, biiiiiip, biclac.

— Ça ne sert à rien d'insister. Ça ne fonctionnera pas.

— Et pourquoi donc ? rétorqua Domenico en enfonçant un poing rageur dans sa poche à la recherche d'autres pièces.

— Le monde des vivants et des morts se superposent, énonça le garçon d'un ton plat. Ça crée des interférences.

— Tu rigoles ?

— Il faut que tu fasses gaffe, mon vieux. Les autres veulent pas trop te faire peur par respect pour ton abuela, mais le jour des morts, ici, c'est pas une simple fête, tu comprends ? Les morts les plus agités ressortent de notre côté pour nous jouer de sales tours. Voir plus que ça. Les morts sont jaloux des vivants et désirent leur mort, c'est dans l'ordre des choses.

— Hein ?

Le punk lui adressa un mince sourire, puis jeta un coup d'œil à l'extérieur.

—Tiens, ça a l'air de se calmer. Je te laisse tranquille.

— Attends !

— Quoi ?

Domenico se gratta la tête, essaya de jauger la sincérité de son camarade, puis abandonna et lâcha :

— T'aurais pas une clope à me passer, par hasard ?

— Mais enfin, Domenico, fumer tue.

L'air très satisfait de sa blague, Angelo lui fit un signe d'adieu et retourna dans les bourrasques, laissant le garçon seul face à ses démons intérieurs.

Après une douzaine de tentatives infructueuses, Domenico se résigna à prendre le chemin du retour. Le vent s'était mué en brise et poussait le garçon dans le dos, facilitant son ascension. Malgré cela, ses pieds se prenaient sans cesse les rochers qui affleuraient du chemin de terre, fatigués par la journée mouvementée.

Alors que le cadavre de sa bicyclette se dévoilait au détour d'un tournant, Domenico ne put s'empêcher de chercher Alicia d'un discret coup d'œil. Aucune silhouette ne perturbait les vagues des hautes herbes. Un peu déçu, il se pencha sur sa bécane et –

Dia de los MuertosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant