Illusions

1.

Pas à pas, Diaraye avance plus gaie que jamais. Cette jeune fille, lettrée, tout fraîchement mariée marchant le sourire aux lèvres, le cœur battant fort est impatiente d'aller récupérer son colis de la part de son âme sœur. Convoitée par les plus beaux et riches hommes de cette belle Guinée, Diaraye a donné son cœur à Aladji, un boutiquier à Dakar. Follement amoureuse de son prince charmant, elle a supporté les insultes, les médisances et les moqueries. Car pour elle, il lui est impossible de vivre avec un homme qu'elle n'aime pas. Célibataire ou marié, jeune ou vieux, il n'y a pas un seul homme dans ce village qui n'a pas rêvé d'épouser cette charmante jeune fille. Quand elle passe, avec sa démarche de déesse, elle ne reste pas inaperçue. Surnommée, soleil du Bondera, son sourire peut rendre votre journée exceptionnelle et incroyable. Toutes les femmes la voulaient comme belle fille car disent elles, elle porte bonheur. Mais malheureusement pour tous ces hommes, l'heureux élu de cette merveilleuse fille est Aladji. Tous ceux qu'elle croise sur son chemin réclament un sourire pour avoir une journée remplie de bonnes choses. Arrivée dans la concession de sa meilleure amie Bounama, Diaraye de sa mielleuse voix salue la belle mère de cette dernière. Une chaise est amenée, elle s'y installe et entame une conversation.

- Ah tu es là. Dit elle à l'endroit de son amie.
- Oui, ça va ? Viens, je me douchais.

Habituée à pénétrer le seuil de cette porte, à s'y engouffrer, s'asseoir au cœur de ce lit face à ce miroir. Cette chambre a été témoin quand elle racontait ses conquêtes, confiait ses secrets, se lamentait mais également quand elle parlait de son amour pour Aladji.

- Comment va ton mari ? Et le bébé ?
- Ah ça va al hamdulillah. Tu m'as manquée. La nouvelle mariée.
- Ah ouiiiii. Il est trop mignon ton bébé, j'espère que tu n'es pas trop fatiguée.
- Non non.
- Il est où mon colis ?
- Doucement. Je sais que tu meurs d'envie de revoir ton Aladji.

Dans un sac noir rempli de colis pour des mères et des femmes des émigrés logeant à Dakar, elle y sort un sachet noir.

- Voilà, Aladji me demande de te donner ça et de te dire qu'il pense constamment à toi.
- Hum. Voyons voir ce qu'il y'a dedans.

Dans le sachet, elle y sort une très jolie robe rose comme elle l'aime et 20.000fcfa. Il y'a également une lettre qu'elle décide de lire la nuit, une fois sur son lit.

Elle n'est pas la seule qui vit cette situation dans ce pays. On peut dire que la plupart des femmes vivent loin de leurs époux. Et comme son amie Bounama, elle rêve de rejoindre son mari à Dakar et de vivre l'amour qu'il lui avait promis. Il lui avait également promis de payer sa formation une fois à Dakar. Elle en rêve tous les jours. Comme toutes ces femmes, elle s'endort avec ces rêves.

- Il va bien j'espère. Quelle est sa situation là-bas ? Il s'en sort bien ?
- Oui ma chérie, ne t'inquiète pas. Bien vrai que je n'ai pas vu sa boutique, je sais qu'il est dans de bonnes conditions.
- Pourquoi tu n'es pas allée le voir dans sa boutique ? Je t'avais pourtant demandé de le faire.
- Oui mais j'ai pas eu le temps. Tu sais, je vendais des cacahuètes et des patates douces là-bas.
- Vraiment ? Tu étais censée te reposer n'est ce pas ?
- Chérie, bienvenue dans le monde des mariés. Il faut que tu arrêtes de penser comme les blancs, les livres que tu lis te font beaucoup trop rêver. J'avoue que ça existe oui, mais nous ne sommes pas faites pour vivre ce genre de vie, cet amour.
- Non, je t'arrête. Chacun a droit à l'amour. Et mon amour avec Aladji, je vais le vivre. Je le rejoindrai et nous vivrons heureux, ensemble.

Bounama la regardait, pensive. Il y'a 2 ans de cela, c'est cette même joie qui l'animait, ces mêmes idées. Elle y a cru, elle aussi mais plus maintenant. Plus maintenant, où elle a découvert la vraie vie qui l'attendait à Dakar. Il faut travailler dur, lui avait dit son mari, son premier jour à Dakar. C'est à cet instant là qu'elle a compris que cette vie qui la faisait rêver, elle ne la vivra peut-être jamais. Elle peut donc facilement comprendre la réaction de son amie.

- Je vais partir. Bonne journée.
- Tu sais très bien que j'aurai une belle journée.

Elle sourit et s'en va. Bounama la regarde s'éloigner, cette fille pleine de vie, avec beaucoup de rêves et d'ambitions. Diaraye est ce genre de personnes qui croient au bonheur et à l'amour.
Elle rentre chez elle, montre le colis à sa belle mère et lui en donne 5000f, entre dans sa chambre, change ses habits et va dans la cuisine pour attaquer le repas. Quand elle pense qu'elle avait l'occasion de se marier à un très riche homme, habiter dans une très grande maison, avoir des bonnes, avoir de l'argent sans travailler, se parer des plus beaux bijoux et se compter parmi les femmes d'affaires de cette belle Guinée, une fine couche de fierté se lit sur son visage. Là voilà maintenant, mariée à un homme pas très stable financièrement, habitant une maison pas très jolie, avec belle mère, beau père et fils des beaux frères. Elle cuisine tous les jours, fait toutes les corvées et s'occupe des 3 enfants. Mais cette vie, elle l'a choisie et assumera son choix. Face au refus de sa mère, elle a réussi à la convaincre. Le jour de son mariage, elle avait cru qu'Aladji viendrait assister au plus beau jour de leur vie, ce jour où leur amour a triomphé mais malheureusement, il n'est pas venu. Depuis maintenant 6 mois, Diaraye prie tous les jours afin de revoir son amour.
La journée s'achève, seule dans sa chambre, Diaraye prend la robe et la met. Elle prend la lettre, s'assoit au milieu du lit et la déplie.