Vendredi cinq novembre. Je partais le huit. J'avais vu la date à l'entrée du London Bridge Experience. Il ne me restait que trois jours. Cette prise de conscience m'avait fait un pincement au cœur. Plus la date fatidique approchait, plus je me rendais compte que je n'avais pas envie de rentrer en France, même si ma tante m'y attendait, et avec elle, la promesse d'une nouvelle vie. Nous faisions la file pour rentrer, et un pirate, un perroquet juché sur l'épaule, remontais et descendais cette dernière en proposant des chocolats. Chacun faisait des hypothèses sur ce qui nous attendais. Enfin, ce fut notre tour. Nous occupions la moitié du groupe. Pendant vingt minutes, nous avions déambulés dans différents tableaux, qui racontaient l'histoires de Londres : grand incendie, chasse aux sorcières, meurtres du fameux Jack l'éventreur. Rien de très effrayants. Les acteurs avaient ensuite annoncé qu'à partir du point où nous étions, il n'y avait plus de retour en arrière possible. Je me dirigeais innocemment vers la sortie indiquée mais Adam me rattrapa par le bras m'empêchant de bouger. En file indienne, nous étions passés dans un couloir qui tournait sur lui-même. Puis, nous étions rentrés dans une salle, moi la dernière, assise sur un banc, serrée entre Adam et un bout de mur. Face à nous, sur des écrans, une vidéo passa, nous montrant des phénomènes paranormaux. A côté de moi, la porte s'ouvrit en un claquement. Je sursautais. Dans les haut-parleurs, une voie nous intima de nous mettre en file indienne et de sortir de la pièce. Evidemment, personne ne voulut prendre ma place. Je me retrouvais à suivre un chemin, en tête de file, les mains d'Adam sur mes épaules. Nous étions entrés dans un vieil ascenseur, les uns collés aux autres. En en sortant, je m'arrangeais pour me retrouver à peu près au milieu de la colonne, entre Adam et Elliot. Passer en première à l'abattoir ? Merci, mais non merci. Nous déambulions dans l'obscurité, des trucs pendus au plafond nous tombaient dessus. Deux énormes airbags avaient été gonflés et ne laissaient qu'un passage étroit entre les deux. J'avais à peine la place de me faufiler, mes deux épaules compressées entre les matelas. Je m'attendais à ce qu'à tout moment, quelque chose nous tombe dessus ou m'attrape les chevilles. Devant moi, Elliot, qui était plus large, devait se tourner légèrement pour pouvoir avancer. Malgré cela, je ne lui lâchais jamais les épaules. Ce contact me rassurait. En sortant, des tuyaux lâchaient de l'air sous pressions. Lorsque l'un d'eux explosa à côté de moi, mes mains se crispèrent sur les épaules du garçon, et je m'accrochais à son t-shirt. Il se retourna, un sourire moqueur collé aux lèvres.
- Regarde devant toi ! Soufflais-je.
Il se retourna. Nous étions à présent au milieu d'araignées, de toiles et filets en tout genre. De coins sombres, des hommes, ou des femmes d'ailleurs, habillés de noir et le visage peint, nous sautaient dessus. Un décor de maison de poupées se dressa devant nous, suivit d'un cirque aux clowns effrayants. Tout mon corps était tendu, prêt à fuir. Derrière moi, j'entendais Adam blaguer avec Ella. Au tout début de la colonne, un homme du groupe se déplaçait comme lors d'une balade de santé, les mains dans les poches, le corps décontracté. Je sentais Elliot détendu sous mes doigts. Il n'y avait donc que moi qui flippait ? Nous passions à nouveau dans un passage entre deux airbags, mais cette fois ci, nous débouchions sur un asile. La lumière blanche clignotait à toute allure, nous aveuglant. Je pouvais seulement distinguer des formes bouger par saccades, des visages possédés, délirants se jeter contre les palettes en bois, seul rempart entre eux et nous. Et des palettes, ce n'était pas très solide. Je sentis Adam se raidir, serrant un peu plus les doigts sur mes épaules, et plus personne ne parlait. Il me semblait même que l'homme du devant s'était rapproché du groupe, comme pour avoir une protection. Mon petit gars, ce n'est certainement pas moi qui vais te l'offrir ! Je distinguais l'entrée d'une salle, baignée d'une lumière rouge. Je pressais le pas, poussant Elliot pour qu'il accélère aussi. Je regrettais mon empressement lorsque je vis des corps d'animaux suspendus par d'énormes crochets au plafond. Au milieu se trouvaient des membres humains : bras, jambes. Et même des têtes, les cheveux poissés de substances, qui frôlaient le crâne des plus grands lorsqu'on passait dessous. A ce moment-là, je me félicitais de mon mètre soixante-trois. Soudain, un vrombissement retentit derrière nous, et un homme masqué se jeta à notre poursuite, une vraie tronçonneuse allumée. Quelqu'un hurla derrière moi. Puis juste devant moi, Elliot cria aussi, d'un cri très viril. Bien, je ne serais pas la seule à être moquée par les autres en sortant. Je lâchais les épaules d'Elliot, qui se retourna vers moi. Faisant un pas en arrière, je me retrouvais au niveau d'Adam. Je m'agrippais à son bras, et le priais de sortir d'ici. Devant nous, il y avait des escaliers. Je les grimpais quatre à quatre, priant je ne savais quelle divinité pour que ça soit finit. J'émergeais dans une boutique de souvenirs, le cœur bondissant dans ma poitrine. Je cherchais d'où venait le danger, où était le piège. Elliot ne tarda pas à me rejoindre, le visage cramoisit. Les autres suivirent bientôt. Je remarquais qu'Ella avait les yeux légèrement rouges, mais ne fit pas de commentaires. Nous arrivâmes dans la rue, et la tension se relâcha d'un coup, chacun se moquait les uns des autres. Apparemment, Charlie avait eu aussi peur qu'Ella et moi d'après Sacha. Elle se moqua jusqu'à ce que Jimmy lui réponde qu'il avait entendu son cri et celui de son frère. Elle se tut, mais continua à sourire. J'étais soulagée d'être sortie de cet enfer, ne comprenant pas déjà pourquoi j'avais accepté, dans un premier lieu. Mon estomac gargouilla et nous sommes partis en quête d'un endroit pour déjeuner. Comment pouvais-je avoir faim après cette expérience de l'horreur ?
- En tout cas Charly, plus jamais tu ne nous fais un coup pareil ! fis-je, allongée dans l'herbe.
- On verra. Me répondit ce dernier.
- Je ne pensais pas que tu étais une flipette comme ça ! se moqua Adam.
- Walker, si tes muscles pouvaient parler pour toi, ils ne diraient pas que c'était une promenade de santé, vu comme tu étais tendu ! répliquais-je. Ce qui m'attira un regard noir de la part d'Ella. Je le chassais de ma pensée.
- En parlant de promenade de santé, commença Jimmy, vous avez vu l'homme tout devant ?
- Oui, continua son frère, on aurait dit que ça ne lui faisait rien !
Nous passions le reste de la journée sans faire grand-chose, à rigoler de nos différentes réactions face à la peur des autres. Il n'y avait rien de méchant, je voyais juste là une manière de nous détendre. Et puis, c'était le but, d'avoir peur et d'en rigoler ensuite. N'empêche que, si on me demandait de leur refaire, je n'étais pas sûre d'accepter. Même si je savais que tout était faux, l'ambiance était très prenante.
Le lendemain, quand je me levais, la pluie tambourinait à ma fenêtre. Je traînais dans mon lit toute la matinée, jusqu'à ce que je propose aux autres d'aller à la piscine, ou quelque chose comme ça, en intérieur. Adam me répondit qu'il y avait un centre où on pouvait faire plein de sports différents en intérieur, me donna l'adresse et me demanda de les y rejoindre. Il prévenait les autres, pendant que je me préparais.
Nous avions finalement passé la journée dans un centre dans lequel j'avais pu faire de l'escalade, du badminton et du tennis, où j'avais pu nager et profiter du spa. Apparemment, il existait d'autre centres comme ça dans tout Londres et qui proposait plein de sport comme ça. Je trouvais ça bien qu'ils proposaient des instituts omnisports comme ça, où nous pouvions pratiquer le sport que nous voulions parmi les proposés, tous concentrés au même endroit.
Le lendemain, il pleuvait toujours. On se rapprochait du départ, et j'étais de mauvaise humeur. A la demande des jumeaux, nous nous rejoignîmes tous chez eux. Lorsque leur père m'ouvrit la porte, je le saluais, mais évitais son regard, repensant au test ADN. J'avais réussi à mettre cette histoire de côté, mais de le revoir me l'avait rappelé. Tous les autres étaient déjà là, et m'accueillirent comme si ça faisait des mois qu'on ne s'était pas vus. Je m'installais d'un canapé, entre Adam et Elliot. Regard noir d'Ella. J'ignorais. Leurs parents s'en allèrent et nous retrouvions seuls ici. Au détour de la conversation, j'avais fait la remarque que je ne savais pas si j'étais contente de rentrer en France ou non. Sans crier gare, la réponse d'Ella me percuta, de plein fouet :
- C'est bon Clélie, ce n'est pas parce que ta famille est compliquée et que tu es sauvage que tu dois faire de toute ta vie un drame.
- Tu sais quoi Ella ? Ferme là, tu me gaves, depuis le début tu peux pas me saquer je l'ai bien compris. Mais ça ne te donne pas le droit de me parler comme ça.
Je ne comprenais pas pourquoi elle s'énervait comme ça d'un coup. Dans d'autres circonstances, j'aurai certainement répondu autrement, mais je décollais demain, alors c'était plus facile, je n'avais rien à y perdre. En plus, je n'étais déjà pas dans un super état d'esprit.
- Vas-y, petite Clélie, énerve-toi, qu'on rigole un peu, continua-t-elle.
- Ella... firent Elliot et Adam en même temps, comme une mise en garde.
- Allez-y, défendez votre petite protégée ! s'exclama Ella.
- C'est bon, fis-je. C'est une connasse, j'en ai déjà vue d'autres, je n'ai pas besoin de vous.
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19 Days
RomanceDepuis des mois, Clélie déménage de foyers en familles d'accueils, après avoir fuit le domicile maternel. Ne sachant plus quoi faire, l'assistante sociale chargée de son dossier lui demande de retourner passer deux semaines chez sa mère, à Londres...