Un avenir incertain

Chapitre 39 - le chasseur

Point de vue de Kal-El

Kal-El ouvrit les yeux et se réveilla en sueur. La lune éclairait encore de ses rayons le lit où dormait Salomé près de lui. Son corps se soulevait lentement, de façon régulière et ses cheveux bruns étaient éparpillés sur son oreiller. Le Kryptonien se pencha vers elle. Ses yeux étaient clos, ses traits détendus. Il était 4 heures. Il s'approcha encore plus pour déposer un baiser sur son épaule nue, mais se retint au dernier moment. Il ne voulait pas la réveiller.

Il venait de rêver de Melchior. Un paysage sombre et sanglant où l'ancien général revenait d'entre les morts et le ramenait de force sur Oyessa. Sélène l'attendait là-bas, toujours reine, et avec Rhodri, ils l'enfermaient. Ce n'était pas le premier songe de la sorte qu'il faisait depuis qu'il était revenu sur Terre.

Il passa une main sur son visage pour s'éclaircir les pensées. Pourquoi n'arrivait-il pas à reléguer tout ça au fin fond de sa mémoire. Après tout, il avait réussi. Son peuple était maintenant chez lui sur Oyessa. Kal-El repensa à la discussion du repas. « C'est quand même inouï que personne n'arrive à avoir la vérité sur ce qu'il s'est passé ! Tout ce qu'on veut bien nous dire, c'est qu'une... troupe d'extra-terrestre a débarqué en France, fouillé dans notre sol, et a été chassé par l'armée. C'est lunaire. On dit qu'ils nous ressembleraient. Est-ce que c'est pas flippant ça ? Et s'ils étaient parmi nous ? ». Un long soupir s'échappa de la bouche sèche du Kryptonien. Pensait-il vraiment qu'on lui permettrait de changer de vie aussi facilement ? N'allait-il pas toujours être rappelé à l'ordre ? Est-ce qu'au moins on le laissera seulement tranquille ? Une sensation sournoise s'était immiscée en lui, et lui disait que c'était trop beau pour être vrai. Il se tourna sur le flanc et enfonça son bras sous l'oreiller de Salomé en passant son autre main sur elle pour la ramener doucement contre lui. Elle grogna légèrement d'aise. Puis, il enfouit son visage dans sa chevelure et huma l'odeur de noix de coco qui les empreignait. Dieu qu'il se sentait bien et vivant à cet instant présent. Il contempla les courbes de son épaule nue, de la chute de ses reins sous le drap, de son poignet frêle éclairé par la lune. Il se réfugia dans sa nuque chaude et inspira longuement. « S'il vous plaît, ne m'enlevez pas ça », supplia-t-il intérieurement. Il repensa à sa casquette de commandant, les nombreuses batailles qu'il avaient menées, la mort de ses congénères, les luttes de pouvoirs, les alliances, les armes, les yeux des Kryptoniens lors de la destitution de Sélène. Ceux de Rhodri. Il fronça les sourcils avant de serrer un peu plus contre lui Salomé sans s'en rendre compte.

Sa respiration de fit plus forte avant qu'elle ne tourne légèrement la tête vers lui et qu'elle la frotte contre sa joue râpeuse. Son bras se leva pour que sa main aille gentiment caresser la nuque de Kal-El. Il y déposa ses lèvres, puis, sur l'ovale de sa mâchoire, puis, sur ses lèvres tièdes. Elle soupira, à moitié endormie.

Jamais il n'avait vécu ça auparavant. Il y avait bien cette fille pendant ses études, mais rien de comparable avec ce qui s'était installé dans son cœur depuis un an. La première fois qu'il l'avait vu, endormie dans son fauteuil, le lendemain matin de la nuit où elle l'avait sauvé, si paisible... Un étrange sentiment s'était insinué dans son ventre lorsque ses grands yeux s'étaient ouverts sur lui. La façon dont elle l'avait regardé l'avait déstabilisé. Il s'était enfui bêtement.

Mais la curiosité qu'elle avait suscitée chez lui faisait qu'il ne l'avait plus quitté des yeux. Et heureusement, puisque Melchior avait débarqué peu de temps après. Chaque jour qu'il avait passé avec elle, ne faisait que le charmer un peu plus. Son sourire, son tempérament, son courage, sa douceur... Et puis cette nuit était arrivée. Attiré comme un aimant vers elle, il lui avait rendu visite, une fois tout le monde endormi. Elle restait éveillée. Elle l'avait vu. Il ne pouvait plus reculer. Quelque chose lui disait que tout allait changer. C'est ce qui s'était passé. Elle l'avait regardé, de ses grands yeux, près de lui. Elle l'avait touché. Ses sentiments s'étaient scellés par leur baiser. Puis le destin avait tenté d'empêcher cette histoire. Sélène, Otis. La guerre. Son devoir. Les mois passés loin d'elle avaient été pour lui d'une souffrance inédite. La peur lui broyait les entrailles quotidiennement. Et si elle l'oubliait ? Et si elle passait à autre chose ? Et si elle ne voulait plus le voir ? Et si elle n'envisageait pas d'être avec lui, du fait de leur différence ? Lorsqu'il l'avait revu, après huit longs mois d'attente, c'est comme s'il avait retrouvé son souffle.