Les dégâts sont encore plus impressionnants vu de l'intérieur. Depuis les hauteurs j'avais remarqué que le quartier pavillonnaire à l'entrée de la ville était totalement détruit, mais je ne me doutais pas que toute la ville était dans le même état. Et les bombardements ne sont pas les seuls responsables de toute cette destruction, il y a également eu de violents combats de rue ici. Il suffit de suivre les corps et les traces d'affrontements pour reconstituer toute l'histoire, comme à ce croisement. Une escouade de la compagnie défendant la ville ayant pour ordre de tenir cette rue a monté une barricade à l'aide des véhicules qui traînaient dans le coin. Après un ou deux jours de pilonnage intensif, les forces de l'Alliance ont fini par lancer l'assaut. À voir les quantités impressionnantes de douilles au sol, les types qui défendaient cette position leur ont opposé une farouche résistance. Un an plus tard, la route est toujours obstruée par cette barricade et sept cadavres la défendent encore. L'ennemi n'a jamais réussi à percer les défenses, du moins dans cette rue. Comme presque à chaque fois, les dernières forces de la Coalition ont dû battre en retraite, abandonnant la ville pour se replier sur d'autres positions défensives à plusieurs miles d'ici. Et tout cela en trois ou quatre jours, c'était à peu près le temps qu'il fallait à l'Alliance pour capturer une ville de cette taille, si elle se défendait.
Plus que leur armement ou leur technologie, c'est leur nombre et leur logistique qui permettait à nos ennemis de prendre le dessus. Pendant que de gigantesques colonnes de ravitaillement alimentaient en continu l'implacable machine de guerre, chaque régiment recevait son lot de renfort quotidien pour combler les pertes de la veille. Et si cela ne suffisait pas, rentraient alors en jeu l'aviation, l'artillerie ou encore des escadrilles de drones, parfois même tout ça à la fois. Quand l'Alliance Orientale s'attaquait à l'une de nos positions, elle ne cessait ses pilonnages que pour lancer des assauts en continu jusqu'à ce que la place soit sous leur contrôle. Nous appelions cette tactique le rouleau sino-russe. De notre côté, nous n'avions pas les moyens humains et logistiques pour résister, nous ne faisions que les ralentir. Pas étonnant alors que ce soit notre camp qui ait démocratisé les frappes nucléaires tactiques. L'énergie du désespoir.
J'arrive au pied du grand bâtiment, celui qui domine la ville. C'est bien un hôpital, du moins ce qu'il en reste. De taille modeste, ses ailes sud et est sont totalement effondrées. Pour ce qui demeure debout, il n'y a plus aucune vitre intacte et les façades sont constellées d'impacts de balles et de roquettes. Le parking est dans le même état, jonché en plus d'épaves de véhicules civils et militaires. Tout autour, comme partout où je suis passé depuis tout à l'heure, des douilles, des débris de béton, de verre et d'acier, et des corps desséchés, squelettiques, beaucoup de corps, des deux camps. Certains sont entiers, d'autres pas, quelques-uns sont même carbonisés. Ici aussi des collègues ont tenté de tenir leur position.
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Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1
Science FictionAlors que la Troisième Guerre mondiale fait rage, le monde bascule dans l'escalade nucléaire le 21 septembre 2037, « The Enola Day ». Le conflit dure quelques mois, suffisamment longtemps pour défigurer la planète. En Europe, un immense territoire s...