9. Une jungle dangereuse

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Clarke fulminait.

Même le lent ressac de la mer qui s'étendait en bas de la falaise n'arrivait pas à la calmer.

Pire : Clarke avait l'impression que la mer lui répétait, encore et toujours, la même question « Que fait Lexa ici ? Que fait Lexa ici ? Que fait Lexa ici ? ».

Accoudée à son bureau installé devant la fenêtre, elle pressa son visage dans ses mains. Elle avait envie de pleurer, elle avait envie de rire, elle avait envie de hurler, tout à la fois et l'impression était si perturbante qu'elle se demanda une fraction de seconde si elle n'allait pas sauter par cette fenêtre, droit dans la mer cent mètres plus bas.

Quel soulagement ce serait, de ne plus rien ressentir...

Evidemment, elle n'en fit rien.

A la place, elle devait se préparer pour l'expédition invraisemblable qui l'attendait. Une expédition inutile, ridicule, dangereuse... Mais, elle devait se l'avouer, légèrement excitante.

Si l'Arche était une île paisible et sécurisée, certains dangers régnaient quand même. Il était toujours possible de se noyer ou de tomber d'une falaise, mais les accidents de ce genre étaient assez rares. Ce n'étaient pas non plus les crimes qu'il fallait craindre, car ils n'existaient tout simplement pas – la seule exception à la règle ayant été Herdolf le fou. Il avait tué deux bambins qui jouaient dans son champ avec une faux, vingt-six ans auparavant. Certains avaient pensé que le vieil homme, à moitié aveugle et sourd, avait dû les prendre pour de la mauvaise herbe particulièrement coriace. D'autres, plus nombreux, l'avaient condamné en masse et avaient obtenu sa mise à mort par noyade. Un châtiment qui n'avait pas été appliqué depuis deux cents ans.

Mais les vrais dangers de l'Arche résidaient plus en hauteur. Si les bords de l'île cuisaient sous le climat méditerranéen, sur les montagnes du centre foisonnait une jungle touffue dans laquelle aucun enfant n'aurait osé pénétrer. Seuls quelques hommes et femmes, parmi les plus forts ou les plus fous du peuple, se risquaient au coeur de la forêt, espérant en revenir avec un flacon de sève de malissa. Le petit peuple murmurait que le malissa était un arbre magique, car quelques gouttes de sa sève diluée cent fois guérissait miraculeusement les maladies et blessures. Or, cet arbre ne vivait qu'au cœur de la forêt.

Cette jungle abritait de nombreux pumas et autres panthères. Mais ici, le roi des animaux n'était pas le lion mais l'orant, une espèce endémique de l'île. Heureusement, les représentants n'en était pas nombreux. Car l'orant faisait régner sur la jungle sa toute-puissance : cet énorme singe de trois mètres de haut et de plusieurs tonnes terrifiait même les panthères et avait forcé les arbres à acquérir une hauteur et une résistance peu commune – ce qui était, d'ailleurs, une des raisons de la vigueur des bateaux de l'Arche.

Lexa, en se souvenant qu'un tel monstre existait, s'était mise en tête de le voir de ses propres yeux. Tous avaient essayé de l'en dissuader, mais ce que Lexa voulait, Lexa avait.

C'est ainsi que Lexa, Octavia, Lincoln, ainsi que Clarke et ses gardes Bellamy, Harper et Jasper, se rendirent tous les sept à cheval en direction de la jungle.

Lexa et Clarke chevauchaient côte à côte. Clarke jetait de fréquents coups d'œil à la jeune femme, ce que ne manqua pas de remarquer Bellamy. Sans savoir pourquoi, il fût soudain pris d'un violent accès de jalousie. Clarke ne l'avait jamais regardé autrement qu'un simple ami, et voilà qu'elle ne pouvait détourner ces yeux de cette femme tout juste rencontrée ? Lexa n'était même pas si belle, elle avait le visage trop long et les yeux trop maquillés de noir... Personne ne pouvait être attiré par un raton-laveur, non ?

Bellamy secoua la tête. Clarke était sa reine et il ne pouvait pas laisser de tels sentiments se développer. Cela risquait d'affecter son aptitude à réagir au danger.

Les TrahisonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant