Chapitre 20

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Ma grosse valise était ouverte sur mon lit, mes affaires étalées tout autour. Ça faisait une demi-heure que j'étais plantée là, incapable de me résoudre à la remplir. Je chassais d'un geste le chat qui était venu s'y installer. On aurait dit qu'il ne voulait pas me laisser partir non plus. Pourtant, je devais. Ma tante était prévenue de mon arrivée et avait banalisé sa journée pour venir me chercher à l'aéroport Saint Exupéry à Lyon. Et puis, en prenant du recul, ça me paraissait être la meilleure solution. Les vacances étaient finies et mes amis avaient repris les cours. Rester ici signifiait aussi rester dans cette maison, que j'avais cherché à fuir pendant deux semaines. Je pris mon courage à deux mains, et commençais à ranger mes affaires dedans. Deux heures plus tard, j'étais prête à partir le lendemain. J'avais traîné au maximum pour la finir. Je me couchais tôt. Mon avion n'était qu'à quinze heures, mais si je voulais dire au revoir à Tony demain, c'était avant qu'il ne parte au collège. En soi, j'aurai pu l'y accompagner comme j'avais un peu de temps la matinée, mais cela voulait aussi dire croiser les autres, potentiellement. Et je n'avais pas envie de devoir les quitter une deuxième fois.

- Je garderais ta chambre rangée pour quand tu reviendras, me fit mon petit frère.

- Et moi je suis sûre que Carla accepte que tu viennes passer quelques jours, répondis-je en le prenant dans mes bras.

Notre étreinte dura quelques minutes, jusqu'à ce que Matt s'impatiente et klaxonne.

- Tu vas me manquer.

- Moi aussi Tony, mais on s'appellera.

- Promis ?

- Promis.

Il s'engouffra dans la voiture, qui démarra en trombe, à peine eut-il le temps de fermer la portière.

Après avoir vérifié que je n'avais rien oublié, je me mis en route. Ça me peinait quand même un peu de refermer cette porte pour la dernière fois. Dans la rue, je levais la tête vers ma chambre, et la fenêtre par laquelle Adam était passé tant de fois, et par laquelle je m'étais échappée le temps d'une soirée. Cette fois-ci, ma mère m'emmena prendre mon avion, mais resta sur le parking. Le trajet m'avait paru interminable et lourd de silence.

- Merci d'avoir fait l'effort de venir, fit Mary. Je sais que ce n'est pas facile pour toi, ni pour nous, mais... tu peux revenir quand tu veux.

- Merci... Maman, répondis-je en claquant la porte et en tournant le dos à la voiture.

Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas appelée comme ça, et ce mot sonna bizarre dans ma bouche. Pourtant, elle le méritait peut-être. Pour la première fois, elle me donnait une chance. Elle y avait droit aussi. Mais je ne pouvais pas rester, sachant qu'une vie meilleure se dessinait pour moi en France. Pendant ces vacances, j'avais réussi à m'ouvrir à des gens de mon âge – aussi dérangés que moi -, alors peut-être que je pouvais le refaire en France. J'étais dans l'entrée de l'aéroport, quand j'entendis qu'on m'interpellait. En me retournant, je vis Elliot, Jimmy et Adam s'avancer vers moi.

- Mais qu'est-ce que vous faites là ? m'exclamais-je.

- On vient te dire au revoir, fit Jimmy.

- On sèche, dit Elliot au même moment.

- En fait, on espérait que tu viennes au lycée ce matin, ajouta le troisième.

- A vrai dire, j'ai hésité à venir. Mais je me suis dit que ça ne servait à rien de remuer le couteau dans la plaie, avouais-je.

Je restais avec eux, jusqu'à ce qu'il faille que je passe les portiques de sécurité, là où ils ne pouvaient pas m'accompagner. Quelques étreintes plus tard, je déposais mes affaires et mon bagage à main dans une panière prévue à cet effet. Je suspendis mon geste et regardais derrière moi. Ils étaient toujours là, me regardant partir, un sourire triste sur les lèvres. Je posais ma panière sur le sol, demandant aux gens de ne pas y toucher, et remontais la file en sens inverse, sous les regards ahuris de la foule et de la sécurité.

19 DaysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant