Chapitre 21

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Depuis que j'étais rentrée, je comptais inlassablement les jours. Vingt-neuf. Ce n'était pas grand-chose, mais le temps ne m'avait jamais paru aussi long. Je parlais tous les jours avec Adam, presque avec les jumeaux, et de temps en temps, avec Sacha. J'essayais de faire des efforts, mais ici, tout me paraissait plus fade. Les deux semaines passées à Londres avaient été si occupées, si mouvementées, et j'avais découvert la vie en si peu de temps. Ça avait été... intense. Depuis mon retour, les journées se suivaient, et je m'ennuyais. A en mourir. J'aidais tous les jours aux tâches de la ferme, mais au minimum. Même la nourriture avait un goût de poussière. Vingt-neuf jours, et pas une seule fois, ils ne m'avaient parlé du test. Je n'avais pas osé leur demander, et pourtant, il m'obsédait maintenant. Ça serait une vraie bonne raison de retourner à Londres. Mais j'avais été si stupide de croire que leur histoire tenait debout ! Je leur en voulais moins que je ne m'en voulais à moi-même. J'en étais arrivée à la conclusion que, pour rentrer vivre avec eux, il fallait que je rentre chez ma mère. Impensable. Même si mon séjour n'avait pas été si terrible, je ne pouvais pas y retourner. A mon opposé, ma tante souriait tout le temps. A croire qu'elle se moquait de moi. Depuis vingt-neuf longues journées, je me refaisais mon séjour à Londres, sans jamais réussir à retrouver ce que j'y avais vécu. Vingt-neuf jours où la présence d'Adam, Jimmy, Elliot, Sacha, Charly et même Ella me manquait. Surtout Adam. Depuis que je l'avais embrassé à Londres, je ne faisais qu'y repenser, essayant de retrouver les sensations d'alors : le poids de ses bras croisés dans mon dos, la sensation au creux de mon ventre, son souffle sur mon visage, la douceur de ses lèvres. Tout cela me paraissait stéréotypé avant, pourtant aujourd'hui, je ne parvenais pas à en capter un millième. A ce moment-là, je m'étais dit que je le regretterais si je ne le faisais pas, mais maintenant, dès que mon cerveau n'est pas occupé, il se met à me dire que je n'aurai pas dû, que ça rendait son absence encore plus longue. Et même quand il était occupé, la pensée d'Adam n'en était jamais loin.

Ce matin, j'étais en train de nettoyer les boxs des chevaux, lorsque Carla m'interpella :

- Clélie, va mettre une tenue propre. Jérôme finira les boxs.

- Ah bon ?

Après avoir balancé la fourche dans la brouette pleine de fumier et foin sale, j'étais partie enfiler un jean propre et t-shirt. J'enfilais ma veste, chaussait mes baskets et rejoignit ma tante dans le 4x4 en démêlant mes cheveux à l'aide de mes doigts. Elle ne dit rien du trajet, mais se dirigea vers l'aéroport.

- On va chercher un WOOFeur ? demandais-je.

Je disais ça en référence aux gens qui demandaient un couchage et le repas en échange d'une aide aux travaux de la ferme. En attendant de pouvoir être une famille d'accueil, Carla s'était inscrite sur un site qui regroupait les endroits proposants le woofing. Pour moi, elle ne pouvait pas supporter d'avoir des chambres vides, et de ne pas voir d'autres personnes que Jérôme et moi. Elle aurait peut-être dû s'installer en ville, et pas perdu dans la campagne, mais la ferme lui tenait beaucoup trop à cœur pour qu'elle n'y renonce. Ma tante ne répondit pas et s'engagea sur l'autoroute, faisant ronfler le moteur.

Nous étions devant la porte par laquelle les voyageurs sortaient, qui déversait inlassablement un flot de personnes accompagnés de grosses valises ou de simples sacs. Attendant cet inconnu, j'essayais de deviner qui c'était. Je ne savais même pas si c'était un homme ou une femme, mais à chaque humain qui passait ces portes accompagné d'un sac de randonnée, je pariais dessus. Mais personne ne venait vers nous. Soudain, je vis trois silhouettes traverser la porte : Elliot, Jimmy et Adam. Non, ça c'était complétement impossible, c'était mon imagination qui me jouait des tours. J'avais tellement rêvé et tellement envie de les revoir que j'en avais maintenant des hallucinations. Je clignais des yeux, les frottais, me pinçait, et toutes autres choses susceptibles de me convaincre que je dormais, et que ça paraissait tellement réaliste que je serais triste de m'être réveillée. Oui, c'était ça, sur le trajet pour aller à l'aéroport, je m'étais endormie et je rêvais encore. Un rêve lucide, voilà l'explication. Le problème, enfin, d'un certain point de vue, c'était que mon pincement me fit mal. Donc je ne dormais pas. Mais c'était impossible. Pourquoi seraient-ils là ? Ça pouvait tout aussi bien être une coïncidence, les trois garçons avaient la même silhouette que mes amis, et ma mémoire s'était altérée. Je me tournais vers ma tante, qui sourit sans rien dire. Alors je me jetais au cou d'Adam, qui m'embrassa en riant. J'avais mis de la force dans mon élancement, comme si c'était une vision qui allait disparaitre si je ne l'attrapais pas à temps, et nous serions tombés si Adam n'était pas campé sur ses jambes. Ça aurait été ridicule, comme dans ses vidéos où les filles retrouvent leurs copains ou copines sur les quais ou dans des centres commerciaux. Le temps paru s'arrêter, puis Elliot nous ''rappela à l'ordre'' comme il dit. Après m'être détachée, je pris les jumeaux dans mes bras. Ils étaient bien là, bien réels. J'étais tellement contente de les retrouver, je n'arrêtais pas de parler. Ce qui les fit rire.

19 DaysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant