Mon frère, mon très cher frère, mon étoile.
Je ne sais pas quand exactement, où et comment et ce que je mourrais. Est-ce que c’est ceux qui nous attendent dehors qui me tueront si nous n’arrivons pas à nous enfuir ? Ou alors cette fièvre brûlante menaçant de m’abattre ?
Si c’est le premier cas, voilà ce que je tiens à te dire.
Makube. Ne pense pas que je voulais mourir, que je suis lâche, ou que je veux te laisser seul. Tu sais mieux que n’importe qui que je ne supporte pas la défaite.
Notre soi-disant Conseil des Anges m’a enfin recontactée, aujourd’hui, vers huit heures et demie. Les démons nous ont repérés, et a envoyé un escadron nous tuer. Ils arrivent vers neuf heures. J’ai peu de temps pour te griffonner cette lettre. Je ne peux pas me battre. Je vois flou, c’est la énième fois que le stylo me tombe des mains, et j’arrive à peine à tenir sur mes jambes…. Si j’essaye de résister, on nous tuera tous les deux, et dans d’atroces souffrances. Nos bâtards de supérieurs se sont bien gardés de laisser savoir qu’on se salissait les mains pour eux…
Je ne veux pas, je ne peux pas courir le risque de te perdre.
Mon instinct me souffle que l’on allait m’abattre. Tu sais pourquoi ? Parce qu’on meurt comme on a tué.
Si on arrive miraculeusement à s’enfuir tous les deux, alors… C’est la fièvre qui me démolira. C’est ridicule, pas vrai ? Tu auras un sale souvenir dans ta petite tête Makube. « Ma mère est morte en me mettant au monde, mon père s’est empoisonné, et ma sœur ? Elle est morte de fièvre… » C’est hilarant. Ridicule. Honteux. Je ne veux pas mourir comme ça.
Eh ben oui. C’est comme ça. Pas de cadavres, pas de travail, pas de médecin, pas de médicaments. Qu’est ce que tu veux que je te dise ?
Maintenant, je tiens à m’excuser. Dans un premier temps, je n’ai pas respecté la promesse que je me suis faite il y’ a neuf ans. Celle de combler le vide laissé par maman et papa. Au lieu de ça, j’ai été froide, glaciale, je-m’en-foutiste, et méchante. Ah, comme tu dois me haïr…
Tu sais cette étoile de glace que je vais te laisser dans ta main ? Sache qu’elle ne fondra jamais. Si je me fais tuer, tu la perdras en route, mais si je meurs de maladie, tu la recevras surement. Cruel dilemme… Mourir comme il se doit sans laisser de preuve de mon existence, ou mourir de façon humiliante, mais être sure que tu te souviendras de moi ?
Ah… Je suis désolée…Tout ce que je t’aurais offert de ma vie aurait été un violon et une étoile… C’est triste, non ?
J’aurais pu venir affronter mon destin seule, te placer en famille d’accueil. Tu m’aurais détestée toute ta vie, mais tu n’aurais manqué de rien, tu aurais été heureux. Mais non. Mademoiselle est égoïste, elle n’a pas le courage de faire face à sa funeste destinée seule, elle doit faire souffrir son frère avec elle.
Tu as eu raison l’autre fois. Je suis un monstre, j’ai gâché ma vie, et la tienne avec. Que dis-je ? La tienne est encore longue. J’espère que tu as compris le message.
Au fait, il est huit heures trente-cinq. Il est temps. Je suis désolée de t’arracher à tes rêves… Mais c’est l’heure de partir. Je ne me lasserais pas de regarder cette image que j’ai tant de fois admiré… Ta petite tête pleine de cheveux argentés emmêlés sur cette adorable bouille endormie en train de saliver sur le matelas… C’est la dernière fois…
J’essuie mes yeux. Je pars toute suite ranger cette feuille toute mouillée avec les armes dans le sac.
Ah, oui… Devrais-je faire comme Papa ? Ne quitte pas l’immortalité plutôt que prévu.
Je t’aime fort, petit frère.
P.S. : Oui, tu salive dans ton sommeil. C’est mignon, tu as beau avoir 17 ans, tu es toujours un enfant au fond.
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