Fucking Butterflies 1

C H A P I T R E . 3

Point de vue de Sarah

Après le dîner chaotique de ce soir, je monte rapidement toquer à la chambre de Clément. Son idée d'émancipation n'a pas quitté mon esprit une seconde ce soir. Je le trouve allongé sur son lit, en train d'écrire un message en souriant comme un idiot. Je reste silencieuse, je n'ai pas du tout réfléchi à ce que j'allais lui dire.

— Qu'est-ce que tu veux ? finit-il par demander.

— Tu comptais m'en parler ?

— De ?

— À ton avis.

Il me regarde comme s'il n'avait rien à me cacher.

— Quand j'ai déposé le mot pour maman dans ta chambre, ton ordinateur était ouvert. J'ai voulu l'éteindre et ...

— Tu as vu que je voulais me faire émanciper ?

Le fait qu'il le dise aussi calmement fait monter ma colère d'un coup.

— Alors c'est vrai ? Tu veux quitter la maison ?

— Je ne veux pas vivre sous son toit Sarah, tu ne te rends pas compte d'à quel point c'est compliqué.

— Je ne me rends pas compte ? C'est aussi mon père, il m'a abandonné et j'ai autant subi que toi.

— C'est pas pareil et tu le sais.

— Tu ne comprends pas Clem ! crie-je. Je ne te demande pas d'établir la liste des raisons pour lesquelles tu le hais, je te demande comment tu peux vouloir nous abandonner, maman et moi ? Tu lui lances la pierre mais tu veux nous faire le même coup ?

La colère commence à se mêler à la tristesse. Ces deux émotions mélangées ne présagent jamais rien de bon.

— Je ne vais pas t'abandonner.

— Alors reste !

Sur ces mots ma voix se brise. Grandir sans notre père a créé un lien extrêmement fort entre nous. Je ne veux pas qu'il se défasse, je me sens déjà seule, mais ça serait un enfer pour moi de vivre loin de lui.

— La seule personne que je ne supporte pas c'est lui ! Mais nous on se verra au lycée, on pourra sortir, tu viendras chez moi et exactement pareil pour maman. Je sais que c'est égoïste de vouloir partir, mais vivre avec lui me rend fou. Tu me connais, je ne tiendrais pas le coup, c'est mauvais pour moi et j'ai bien peur que ce soit même dangereux.

Je comprends directement à quoi il fait référence. Derrière son rôle de grand frère protecteur se cache quelqu'un d'extrêmement instable qui a beaucoup trop souffert à cause de Chris. En réalité, Clem est probablement encore plus fragile que moi.

— Je ne peux pas être heureux en le voyant chez moi. Je veux une maison dont il ne connaîtra même pas l'adresse. Un lieu dans lequel il ne mettra jamais les pieds. Essaie de comprendre.

Je soupire, dans le fond je sais qu'il en a besoin.

— Vivre sans toi au quotidien ... ça me terrifie.

— De toute façon c'est maman qui décidera, pour être émancipé il faut l'accord d'un des deux parents.

— Elle n'acceptera jamais.

Il hausse une épaule.

— Je lui expliquerai que c'est mieux pour moi et que je ne pourrais jamais pardonner Chris en le supportant au quotidien. Alors que si je m'éloigne, j'arriverais à prendre du recul sur la situation. Mais ce n'est pas en me forçant que je pourrais. Elle a un grand cœur et l'a pardonné. Ils ont réglé leurs problèmes et si elle a voulu qu'il revienne à la maison c'est parce qu'elle croit en leur histoire. Mais je ne veux pas voir ça.