Chapitre 1

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Dix-sept ans. Type féminine. Brune aux cheveux courts. Les avoir longs aurait été plus judicieux et féminin. Cette coupe lui donne l'air d'une vulgaire lesbienne. Ses piercings n'en font pas penser moins. Elle est de taille moyenne. Ni grande, ni petite. Elle a de petites mains, un peu potelées. Ses ongles sont rongés. Quelqu'un lui a déjà demandé pourquoi ? Non. Son fond de teint est mal étalé. Légèrement à l'arrache. Son trait d'eye-liner au dessus de sa paupière est fait d'un trait tremblant. Son corps est beau. Peu de personne s'en rendront compte. Peu de personne ne critique pas. Il est beau mais comme elle ne cherche pas plus loin que les codes des réseaux, elle obéit à ce qui est dicté. Quand ce ne sont pas les remarques des grands-parents qui, nous pouvons le comprendre, ne sont pas de notre génération, ce sont celles désobligeantes des parents peu ouverts d'esprits, vous devinerez d'où viennent les autres remarques bien évidemment. Vous en faites peut-être partie. Quand pourrons-nous avoir une coupe de cheveux de notre choix, non dictée par les hommes et la société sans que celle-ci ne définisse notre genre ? Une jupe de la longueur désirée par chacune sans que ces pauvres centimètres ne désignent notre « statut » ? Si elle se maquille aussi mal c'est peut-être parce qu'elle se sent obligée de le faire. En réalité elle n'en a peut être pas envie. On ne nous demande que très rarement, au contraire, on nous impose souvent. Notre identité n'est pas la seule chose qui nous est volée et imposée. 

Tous les jours, matins et soirs, elle prend les transports et trois jours sur sept elle est victime ou spectatrice d'un geste sexuellement déplacé. Elle se rappelle, il se rappelle et ils se rappellent d'un jeudi matin. Assise contre la vitre, la musique forte au point qu'elle n'entende même plus la voix de l'enregistrement du bus qui passe toutes les dix minutes. Quand cette voix résonne dans le bus des gens l'écoutent sans rien faire. En même temps il n'y a rien à faire. Le bus s'arrête, des gens de tous genres y entrent comme toutes les deux minutes, à chaque arrêts. A cet instant où les gens montent et descendent tout le monde se dévisage. Personne ne se connaît, personne n'a rien à se dire. Pourtant, pendant quinze longues minutes de transport un homme s'est assis contre elle. Pour ne pas dire coller. Elle a pensé, au début, qu'il essayait de se gratter la cuisse. C'était sa cuisse qu'il caressait. Ensuite elle a envisagé qu'il puisse tenter d'enlever quelque chose qui le grattait sous son aisselle. Or, c'était sa poitrine qu'il envisageait. 

Les minutes se transforment en heures. On lui dira qu'elle pouvait lui dire d'arrêter. Nous savons qu'elles ne peuvent pas. Le jeune garçon en face d'elle et le vieux assis à quelques centimètres diront qu'ils ne pouvaient rien faire. Nous savons qu'ils le pouvaient. Elle est sortie du bus, les larmes prêtent à envahir ses joues, les mains tremblantes. Elle est sortie avec une question en tête. Aurait-il eu les mêmes gestes envers une gamine de 8 ans ?

Les critiques, remarques, harcèlements de rue ne devraient pas envahir notre quotidien. Le manque d'estime de soi, le manque de confiance, la méfiance ne devraient pas grignoter notre état psychologique. Toutes violences faites aux femmes ne doivent pas être justifiées par ce qu'elles portent ou par leurs refus face à certaines avances. La femme ne doit pas être comparée à l'homme. Une petite fille ne devrait pas être élevée autrement qu'un petit garçon si la condition et les exemples changeaient. La femme n'a pas à être un objet face à un homme dit plus fort et plus puissant car la seule différence entre ces deux genres ne devrait pas aller plus loin que leur entrejambe.

histoire sans titreWhere stories live. Discover now