La mélodie des bois [Vincent Leclercq]

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 Une planète inconnue... Une forêt mystérieuse... Même le quotidien le plus décevant peut se changer en voyage... Vous n’oublierez pas la mélodie des bois.

La mélodie des bois [Vincent Leclercq]

 L’année de ses sept ans venait à peine de débuter. Il les avait fêtés juste avant de monter à bord du vaisseau qui les amenait à leur nouveau foyer. Un super anniversaire ; le dernier sur Terre. Tous ses amis du CP étaient là, et aussi ses cousins, et Ficelle. Il avait ensuite quitté la planète et ses amis avec ses parents. Il avait dû abandonner Ficelle, son chien et meilleur ami, qui n’était pas le bienvenu à bord de leur nef stellaire. Papa lui avait expliqué pourquoi Ficelle devait rester à la maison ; il ne fallait pas ajouter des animaux sur leur nouvelle planète tant que Papa n’aurait pas fini d’étudier ceux déjà présents. Mais après, c’est promis, Ficelle pourra venir. Mais en attendant un « après » vague, Félix était tout seul.

Il n’avait pas hâte d’être à son prochain anniversaire ; ses amis ne pourraient pas venir, ni ses cousins, ni Ficelle. Il avait une nouvelle école, avec de nouveaux camarades. Mais ce n’était pas pareil, ils n’étaient pas très nombreux dans la colonie qui ne comptait que quelques scientifiques et leurs familles. Et la nouvelle maîtresse était bizarre. Pas méchante, juste bizarre ; Félix ne l’aimait pas beaucoup. Il n’aimait pas beaucoup l’école. Et à la maison c’était pire. Papa et Maman travaillaient beaucoup, alors ils étaient fatigués ; trop fatigués pour jouer avec lui. Et comme Ficelle n’était pas là, il jouait tout seul dans le jardin.

Leur nouveau jardin était bizarre, la nouvelle maison était bizarre et leur nouvelle planète était bizarre ; comme l’école et la maîtresse. C’est normal disait Papa, tout est extraterrestre, il faut s’y habituer. Papa avait les animaux, Maman avait les plantes ; lui avait le jardin et son ballon. Et pas de chien pour courir après la balle. Ficelle adorait le foot, il poussait le ballon de sa truffe pour la ramener à son petit maître.

Le jardin bordait une forêt de grands épineux, semblables à d’immenses sapins de Noël pourpres. L’herbe aussi était pourpre et avec le soleil levant, le décor et le ciel prenaient toutes les teintes du rose au noir. Papa savait pourquoi le ciel était toujours rouge ou violet – Papa savait toujours tout ; Félix avait retenu que c’était parce que l’air n’était pas vraiment comme sur Terre et que le soleil n’était pas vraiment non plus comme le soleil qu’il connaissait avant. Félix n’avait pas le droit de quitter le jardin ; parce que tu comprends, on ne connaît pas encore bien cette planète. Félix ne comprenait pas vraiment comment on pouvait mieux connaître quelque chose si on n’avait pas le droit d’y aller. Les choses amusantes étaient toujours réservées aux grandes personnes.

Félix avait tiré trop fort. Le ballon roulait trop sur l’herbe humide de rosée matinale. Il avait rapidement dépassé le portique à balançoire installé par ses parents pour aller se perdre à la lisière de la forêt. Tu ne dois pas entrer dans la forêt, c’est dangereux disait Papa. Fais bien attention à tes affaires disait Maman. Et Félix se retrouvait tiraillé. Mais son ballon était concret, bien plus que ce danger évoqué par son père, et surtout il y tenait ; il avait abandonné ses amis, il n’abandonnerait pas ses jouets aussi facilement.

Le vent dans les branches faisait onduler les ombres et tomber les épines dans un concert de frottements. Tant qu’il ne s’aventurait pas trop loin et qu’il restait en vue de la maison, rien ne pouvait vraiment lui arriver. Les aiguilles végétales formaient un tapis qui craquait sous ses pas mal assurés. Son ballon ne pouvait pas avoir roulé bien loin, mais l’orée de ces bois était pleine de recoins ombrageux où il aurait pu disparaître. Une sorte de champignon explosa sous son pied dans un bruit proche d’une flatulence qui le fit beaucoup rire. Il fallait tout de même qu’il fasse plus attention où il mettait les pieds ; il ne voulait pas écraser de fleurs, d’autres végétaux ou de petits animaux. Il faut respecter la nature qui nous entoure ; c’est notre nouveau foyer. Et quoi que ça pût vouloir dire, ne répétons pas les mêmes erreurs.

Sales bêtes !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant