DIES IRAE - Cycle I : L'Angicide

Acte III, 13e Épître - Le piège de l'aide-de-camp

Kim n'en croyait pas ses yeux. Bien sûr, elle savait qu'il arrivait parfois aux anges de prendre une apparence humaine pour ainsi se mêler au commun des mortels. Ben lui avait même narré sa rencontre houleuse avec une Gabriel déguisée en sœur éplorée. Mais se retrouver ainsi face à l'ange qui l'avait écrouée et jetée en pâture aux Séraphins et à ce monstre d'Iroël, alors qu'il se prétendait simple agent immobilier, s'était plus qu'elle n'en pouvait supporter. Elle s'apprêtait à prévenir son ami, quand elle sentit quelque chose tirer sur l'ourlet de son pantalon. Se retournant, elle découvrit une ombre en forme de main secouer délicatement le tissu, puis elle lui indiqua une allée où une silhouette lui fit signe de la rejoindre. Elle dévisagea « Leland », qui fit mine de ne pas la voir, mais Maners remarqua son visage grave.

« - Quelque chose ne va pas ? demanda-t-il.

- Non, ce n'est rien. Il m'a semblé sentir vibrer mon téléphone, mais j'ai dû me tromper... mentit-elle.

- Ton téléphone ? Vous avez des portables dans le monde des esprits ? Impossible de se débarrasser de ces saletés, on dirait ! s'amusa Ben.

- Excusez-moi, monsieur Maners, mais à qui parlez-vous ? s'étonna faussement Leliël, jouant la comédie avec un talent rare.

- Ah, pardon. J'ai tendance à oublier que...

- Comme je vous l'expliquais, monsieur Maners est un médium de premier ordre, lui expliqua Charles, évitant à son hôte d'en révéler trop. Sa connexion avec l'autre-monde est à un niveau tel que les différences entre un être vivant et un esprit disparaissent.

- Vraiment ? C'est très impressionnant ! Mais alors... Ça veut dire qu'il y a un fantôme tout près de nous ? feignit de s'inquiéter le Dominion.

- Ne vous inquiétez pas : elle ne mord pas, répondit Ben sur le ton de la plaisanterie. »

L'aide-de-camp répondit à sa boutade par un sourire crispé, simulant l'inquiétude tout en profitant de l'occasion pour lancer un regard appuyé et insistant vers la Moissonneuse. Celle-ci le remarqua, et elle se retourna à nouveau vers l'allée. La silhouette sombre demeurait immobile, seule son bras cadavérique s'agitant lentement pour l'inciter à approcher. Prétextant un appel de Sandra, elle s'éloigna du groupe pour s'isoler dans la ruelle.

« - Merci d'avoir répondu à mon invitation, Moissonneuse... commença l'ombre, qui avait pris les traits de l'Ange de la Nuit.

- Vous ne manquez pas de culot, ça je vous l'accorde ! Après ce que vous m'avez fait, vous pouvez bien aller au diable !

- Croyez bien que votre sort n'a laissé personne indifférent, mademoiselle Timber. Ce n'est pas innocent si monsieur Maners n'a pas été inquiété depuis lors...

- Mais à présent, la chasse est de nouveau ouverte, c'est ça ?

- Vous n'y êtes pas. Ce qui se joue ici, ce n'est ni plus ni moins que l'ultime opportunité pour votre ami de retrouver sa tranquillité.

- Que voulez-vous dire ?

- C'est évident : depuis la mort de l'Ange Azraël, Ben Maners n'a eu de cesse de repousser les adversaires se dressant face à lui, mais sans jamais prendre la vie d'aucun d'entre eux. Notre Très Haut Père en est venu à penser que cet incident n'était qu'un événement tragique dont ce mortel ne portait pas la responsabilité. Pour asseoir Son intime conviction, Il a conçu cette mise à l'épreuve, sous forme d'acte de miséricorde envers une âme torturée et perdue.

- Vous savez que votre discours alambiqué ne plaide pas en votre faveur ? ironisa Kim.

- Mes excuses si mes explications semblent confuses. Mais je suis le garant du bon déroulement de ce défi, et je ne peux risquer que vous faussiez son issue en révélant à monsieur Maners les tenants et aboutissants. Je sais qu'aux vues des récents événements, ma demande vous semblera insensée, mais je vous conjure de me faire confiance. Si vous avez ses intérêts à cœur, je vous en prie, gardez le silence. Sur l'épreuve qui l'attend, mais aussi sur ma véritable identité. Puis-je compter sur vous ? »