Chapitre 6.3 - Et quand tombent les masques, le glas vient à sonner

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Bon, contact établi, encore quelques échanges pour la forme et on pourra passer aux sujets intéressants, je me fiche pas mal des champignons des caves et des récupérateurs de poulet en poudre.

— Alors ? Qu'est-ce qu'une Américaine fait ici ?

— Anglaise... je suis anglaise.

Je n'avais pas fait attention à son accent subtil.

— Et comment t'es-tu retrouvée là ?

— Je n'ai pas envie d'en parler.

Elle porte son bol à la bouche pour le terminer d'une traite. Il va falloir que j'active pour finir le mien. Elle le repose sur la table et s'essuie la bouche dans sa manche.

— Tout ce qu'il y a à savoir c'est que j'ai survécu à la guerre, à toute la merde qui a suivi, et que j'ai atterri ici par chance il y a bientôt trois mois.

Bien résumé.

— Et toi, l'envoyé de l'oncle Sam ? Qu'est ce qui t'amène ici ?

J'avale ma cuillérée et me ressers à boire.

— Pareil que toi, si ce n'est que je l'ai faite, la guerre, enfin en partie. Par contre je ne dirais pas avoir atterri ici par chance, si tu vois ce que je veux dire...

Pour créer un effet dramatique, je bois mon verre d'eau d'une traite tout en la fixant droit dans les yeux.

— Écoute, on m'a chargée de répondre à toutes tes questions, alors vas-y, demande-moi ce que tu veux.

Je repose mon verre.

— C'est qui cette Lisbeth ? Et c'était quoi son problème avec Klaus ?

Elle se recule sur le banc et croise les bras avant de se lancer dans les explications.

— Lisbeth fait partie des personnes les plus importantes ici. C'est elle qui a mis sur pied la première équipe de récupération, quelque temps après la création de la communauté par Rudolph en juillet dernier. Après avoir démontré leur efficacité, d'autres équipes furent montées et Lisbeth nommée cheffe des récupérateurs.

— C'est un peu la numéro deux en fait ?

— On peut dire ça. Elle porte tout le monde à bout de bras ici, encore plus aujourd'hui maintenant que Rudolph est gravement malade. On lui est tous reconnaissants pour tout ce qu'elle fait, je ne serais d'ailleurs pas là sans elle.

Son regard se perd.

— Et c'est pour ça que Klaus voulait la tuer ? Pour prendre sa place de successeur potentiel ?

Ma question lui fait l'effet d'un électrochoc. Elle avance son buste en posant ses bras croisés sur la table.

— Cet enfoiré a toujours été un problème. Depuis le début. Comme t'a raconté Tim tout à l'heure, la communauté n'abritait à ses débuts que la moitié de la population restée à Kell am See. Les autres restèrent en petits groupes éparpillés un peu partout dans le village, dont Klaus et sa famille. Ils pensaient pouvoir se débrouiller sans Rudolph et les siens. C'était leur choix, personne ne les avait forcés. Seulement, à peine un mois plus tard, alors que les premiers récupérateurs de Lisbeth écumaient déjà la région, les autres habitants de Kell am See commencèrent à accuser la communauté de tout s'approprier sans rien leur laisser. Klaus mena cette protestation qui dégénéra jusqu'à la mort accidentelle de son frère. Il accusa Rudolph de l'avoir fait assassiner par Lisbeth, ce qui était faux.

Elle marque une pause pour se calmer, puis me regarde. Merde, elle va me faire toute l'histoire et je ne vais pas y couper cette fois, pas question de la froisser.

Chroniques des Terres enclavées - Émergence partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant